Tigern (La Tigresse)
Festival d’Avignon:
Tigern (La Tigresse) de Gianina Carbunariu, mise en scène de Sofia Jupither (spectacle en suédois surtitré en français)
Échappée du zoo, une tigresse qui cherchait l’aventure, erre dans une petite ville de la province roumaine. A partir de cet événement réel, la dramaturge construit une vraie-fausse chronique, une enquête donnant la parole à d’hypothétiques personnages qui auraient rencontré la fugitive.
» Le tigre est décrit du point de vue des citadins, écrit l’auteure. Il s’agissait pour moi de parler de la peur de l’autre. » On ne verra pas l’animal qui finira abattu, mais il existe par des témoins de son échappée: pour la plupart des marginaux, quelques touristes du centre médiéval de la cité proprette, et bientôt des animaux.
Le fauve va réussir à émouvoir un vieil homme veuf, mais dans l’ensemble, il est rejeté, stigmatisé comme l’étranger, et considéré comme dangereux. Jusqu’aux oiseaux de la ville qui prennent la parole : le moineau, le corbeau et le pigeon qui, dans un trio hilarant, fustigent, au nom de leur tribu, l’indésirable qui vient leur ôter le pain de la bouche…
En guise d’épilogue, la dernière scène se déroule au zoo où les pensionnaires commentent la fuite de leur voisine de cage, les conséquences tragiques pour elle et pour la vie de leur établissement. On bascule dans l’invraisemblable. Mais ce détour par la fable animalière, un vieux procédé qui marche toujours, est particulièrement bien maîtrisé ici par Sofia Jupither qui trouve l’humour et la distance nécessaires pour faire passer le message implicite de cette histoire.
Les acteurs s’amusent à endosser les multiples rôles, dont les oiseaux qu’ils interprètent à merveille. On retrouve, après 20 November, David Fukimachi Regnfors (voir Le Théâtre du Blog), étonnant en moineau. Plus tard, les comédiens composeront une ménagerie dont les bavardages n’ont rien à envier à ceux des humains
Un travail simple, direct, intelligent et sensible sur un texte qui dénonce avec malice les idéologies populistes qui fleurissent un peu partout. Et qui prend une dimension nouvelle aujourd’hui, avec la crise des réfugiés. Cette création devrait inciter d’autres metteurs en scène à s’emparer de La Tigresse.
Mireille Davidovici
Spectacle joué au Théâtre Benoit XII, du 1 au 17 juillet.