Tigern (La Tigresse)

 

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© Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon:

Tigern (La Tigresse) de Gianina Carbunariu, mise en scène de Sofia Jupither (spectacle en suédois surtitré en français)

Échappée du zoo, une tigresse qui cherchait l’aventure, erre dans une petite ville de la province roumaine. A partir de cet événement réel, la dramaturge construit une vraie-fausse chronique, une enquête donnant la parole à d’hypothétiques personnages qui auraient rencontré la fugitive.

 » Le tigre est décrit du point de vue des citadins, écrit l’auteure. Il s’agissait pour moi de parler de la peur de l’autre. » On ne verra pas l’animal qui finira abattu, mais il existe par des témoins de son échappée: pour la plupart des marginaux, quelques touristes du centre médiéval de la cité proprette, et bientôt des animaux.
Le fauve va réussir à émouvoir un vieil homme veuf, mais dans l’ensemble, il est rejeté, stigmatisé comme l’étranger, et considéré comme dangereux. Jusqu’aux oiseaux de la ville qui prennent la parole : le moineau, le corbeau et le pigeon qui, dans un trio hilarant, fustigent, au nom de leur tribu, l’indésirable qui vient leur ôter le pain de la bouche…

En guise d’épilogue, la dernière scène se déroule au zoo où les pensionnaires commentent la fuite de leur voisine de cage, les conséquences tragiques pour elle et pour la vie de leur établissement. On bascule dans l’invraisemblable. Mais ce détour par la fable animalière, un vieux procédé qui marche toujours, est particulièrement bien maîtrisé ici par Sofia Jupither qui trouve l’humour et la distance nécessaires pour faire passer le message implicite de cette histoire.

Les acteurs s’amusent à endosser les multiples rôles, dont les oiseaux qu’ils interprètent à merveille. On retrouve, après 20 November,  David Fukimachi Regnfors (voir Le Théâtre du Blog), étonnant en moineau. Plus tard, les comédiens composeront une ménagerie dont les bavardages n’ont rien à envier à ceux des humains

Un travail simple, direct, intelligent et sensible sur un texte qui  dénonce avec malice les idéologies populistes qui fleurissent un peu partout. Et qui prend une dimension nouvelle aujourd’hui, avec la crise des réfugiés. Cette création devrait inciter d’autres metteurs en scène à s’emparer de La Tigresse.

Mireille Davidovici

Spectacle joué au Théâtre Benoit XII,  du 1 au 17 juillet.

 

 


Archive pour 17 juillet, 2016

We love Arabs

 

Festival d’Avignon:


We love Arabs
, texte et chorégraphie d’Hillel Kogan.

 

we_love_arabs_uneUn moment rare dans ce festival et un vrai coup de cœur, au sens affectif du terme pour cette création.  «J’aimerai partager avec vous quelques questions que je me pose dans mon processus de création, dite danseur israélien au début de spectacle qui interroge la notion d’espace. Espace qu’il va partager avec un danseur arabe Adi Boutrous  qui se révèle être chrétien et non pas musulman. Ainsi un premier préjugé s’effondre, d’autres suivront.

Il échange des mouvements et des mots avec son partenaire,  se questionne sur l’identité et sur le sens d’une chorégraphie: «Ne me montre pas quel danseur tu es, cela ne m’intéresse pas, montre moi quel animal tu es».
 Hillel Kogan s’amuse  parfois à un jeu verbal humoristique et un peu condescendant avec son partenaire, mais révèle sa  vraie nature sensible dans les gestes qu’ils effectuent ensemble. Nous vivons ses doutes et ses hésitations dans cette recherche. L’houmous, plat national israélien et  symbole d’une forme de communion,  va être utilisé de différentes manières. Un lutte dansée mais amicale de couteaux et de fourchettes précéde un réel moment de grâce et de beauté entre eux et ils s’unissent dans une chorégraphie intense, accompagnée d’un air de musique classique, dans un nuage de fumée.

«Je n’aime pas dit Hillel Hogan, utiliser beaucoup de texte dans mes chorégraphies »mais  pour cette pièce, il déroge heureusement à sa règle. Cette création, à la fois légère et profonde, suscite  chaque  jour l’enthousiasme du public. Vu son succès elle devrait très vite être reprise en France, et ailleurs.

 Jean Couturier

 La Manufacture jusqu’au 24 juillet. www.dddames.eu

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Qui commande ici?

Qui commande

Festival d’Avignon:

Qui commande ici?  texte de Ricardo Montserrat, mise en scène de Christophe Moyer

 Hasard de la programmation : ce sont encore des paroles de femmes récoltées par Ricardo Montserrat qui fondent cet autre spectacle de mémoire collective (voir Femmes des Suds  dans Le Théâtre du blog). La Rotonde, théâtre des Cheminots, aime à prendre le pouls de notre société et plus particulièrement du monde du travail. Mais ici, nous quittons le port de la Seyne-sur-Mer pour rejoindre l’extrême Nord de la France, à Roubaix, et ausculter le cœur des ouvrières d’une célèbre entreprise malmenée par le marketing moderne, La Redoute.
Ce projet original, commandé par les Tréteaux de France/Centre Dramatique National, en coproduction avec le Théâtre de la Poudrière, tisse aussi habilement des témoignages de clientes.

 Nous avons savouré le peps facétieux et franc du collier de madame Logue, Cata de son petite nom. Cette grande bringue délurée en robe rose, mène son monologue avec entrain. Allégorie du fameux catalogue de La Redoute, Laurence Besson joue de la rime avec tempérament et semble bien rodée aux relations scène-salle.
Ce spectacle de format léger se joue habituellement en appartement mais dans cet espace plus ouvert, la comédienne ne perd en aucun cas de sa verve et de son acuité. Quel sens du contact ! Elle campe les «petites mains» qui ouvraient le courrier quand  on ne cliquait pas encore frénétiquement sur les sites Internet. Et c’est toute une poésie délicate de la relation humaine, hôtesse-cliente, qu’elle chante. Dans le colis amoureusement préparé, « c’est tout ça que vous recevez, cette humanité, cette féminité ».

 Les anecdotes (feuilletage compulsif, découpage par les enfants, réclamations au service client, essayages, renvois d’articles, fameux vibro-masseur présenté comme un accessoire de massage pour la joue….) trouveront écho dans tous les foyers qui ont connu le catalogue et ses concurrents,  Les Trois Suisses, Quelle… L’effet miroir est pertinent.

 Mais au-delà du saupoudrage de petites histoires et de calembours légers, le spectacle prend de l’épaisseur, avec une interrogation plus philosophique. De quoi rêvons-nous vraiment quand nous  faisons une commande ? L’acte d’achat est analysé : une part d’espoir,  un besoin d’échapper au mépris des vendeuses des boutiques du centre-ville, la nécessité d’un temps à soi,  mais aussi le vêtement comme pansement.  L’acheteuse apparaît ici comme « l’enfant qui remplit l’armoire de souhaits jamais réalisés. » Sont par ailleurs évoquées les délocalisations causant le licenciement du personnel local, l’automatisation, le règne du tout-numérique, et les cures d’amaigrissement qu’a subies le catalogue.

L’effet madeleine de Proust et l’empathie générée par le jeu habile de la comédienne fonctionnent à plein. Et cadeau surprise ! On repart avec un mini-catalogue parodique. Un théâtre documentaire qui sait charmer le client.

 Stéphanie Ruffier

 Théâtre de la Rotonde, du 8 au 18 juillet, 18h. Tel : 06 46 51 89 29

 Chantiers interdits, un autre spectacle de Christophe Moyer, soutenu par Les Tréteaux de France, est visible avec le même billet, au Théâtre de la Bourse du travail CGT, jusqu’au 29 juillet, à 13h. T: 07 87 93 59 71.

 

Lectures organisées par RFI

Festival d’Avignon :

 Ça va, ça va le monde !

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Photo Pascal Gely Cecile Megie, Marie-Christine Saragosse et Paul Rondin

Par cette exclamation, RFI nous invite à entendre et écouter les bruits du monde, avec des auteurs dramatiques d’Afrique, du Proche-Orient et de l’Océan Indien. Leurs paroles nous éveillent aux réalités de leurs pays, sous l’angle de la langue et de la poésie. « Ces  textes prennent le monde à bras le corps, nous bousculent… Mais nous sauvent avec l’humour ou l’amour des possibles, dit Marie-Christine Saragosse, la présidente de France-Médias Monde. »

Fidèle à ce rendez-vous estival, initié il y a quatre ans sous la houlette de Pascal Paradou, le public s’avère friand des ces lectures, à l’instar des nombreuses rencontres programmées en marge des spectacles.

 Tais toi et creuse d’Hala Moughanie, mise en lecture d’Armel Roussel

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Photo Pascal Gely: Clémentine Célarié, Francois Clavier, Pierre Verplancken, Jean-Benoît Ugeux, Vincent Lécuyer

 

Une lecture au fil du rasoir, pour un texte âpre, mais dont l’humour absurde ménage des respirations et apporte une distance salvatrice à la cruauté de cette famille, microcosme d’une société en guerre contre elle-même.

Hala Moughanie a commencé à écrire  cette première pièce au début des hostilités en juillet 2006. « La guerre, la souffrance sont toujours là, dit-elle. Elles sont constamment reproduites dans notre société à travers des habitudes ». Selon elle, les Libanais arrivent à vivre dans ce chaos avec « une capacité de résilience extrême mais ne font pas leur travail de mémoire. » Elle espère contribuer à ce travail, en ne renonçant pas à la  » propension de son peuple à rire de tout « .

Mireille Davidovici

Ce texte a obtenu le prix RFI 2015 (voir Le Théâtre du blog).

Diffusion sur  RFI , le 24 juillet à 12h 10

 

À la Guerre comme à la gameboy, d’ Édouard Elvis Bvouma, mise en lecture d’Armel Roussel

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Photo Pascal GEly :Édouard Elvis Bvouma et Pascal Paradou

Boy Killer  (son surnom) se compte au rang des héros de bandes dessinées et explique sa guerre à l’aune de ce monde ludique où la violence reste sans conséquence. « C’est l’angle que j’ai choisi pour ce sujet assez dur, dit l’auteur. »
Cela lui permet de descendre aux enfers de  l’horreur, en nous faisant parfois sourire avec toutes les références  puisées dans l’univers des contes et légendes, et des jeux enfantins. En ces temps troublés, ces lectures sont une belle occasion de voir le monde autrement.Une très belle écriture, toute en finesse et en rythme.

M. D.

À écouter sur RFI le 31 juillet à 12 h 10.
Le texte  paraîtra aux éditions Lansman.

Jardin de la Maison Jean Vilar rue de Mons, jusqu’au 20 juillet à 11 h 30 . Entrée libre


 

Femmes des Suds

Les Femmes du Sud miroir

Festival d’Avignon:

Femmes des Suds, texte de Ricardo Montserrat, mise en scène et chansons de Catherine Lecoq

 Femmes de l’ombre sous le soleil du Sud, femmes de travailleurs des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer, femmes au foyer, ou ouvrières, mères ou amantes… Femmes toujours vivantes malgré  l’économie de marché qui, en fermant les usines, a cruellement balayé une partie de leur passé.
 Leur parole a été recueillie par Ricardo Montserrat.  Et Orphéon, une compagnie varoise qui œuvre avec une merveilleuse obstination  à la transmission, l’a confiée à Catherine Lecoq, leur porte-voix, qui, au micro, nous conte les menues anecdotes du bonheur, à l’époque où se vendaient avec enthousiasme L’Huma et VO, (La Vie Ouvrière), où chaque coin de rue avait son boulanger et où les hommes sentaient la Gitane maïs.

Son récit, émaillé de chansons originales et d’airs célèbres (On dirait le Sud, Bella Ciao…) est soutenu par Marie Gottrand au piano et Aurélie Lombard à l’accordéon, en salopette bleue d’ouvrier.
Derrière elles, sur un fil à linge, de magnifiques torchons peints avec les symboles de cette vie simple : un poulpe (moins malmené que dans le spectacle d’ Angelica Liddell au cloître des Carmes, voir Le Théâtre du Blog), des oursins, un poumon, un cœur-estuaire, une cafetière italienne. Sur un guéridon, des journaux pliés en forme de bateau.

 La chanteuse, aux boucles flamboyantes et au sourire communicatif, déroule pour un public nostalgique (certains ont connu les quartiers des chantiers), une belle galerie de portraits : l’Italien fatigué, le grutier monté si haut, celui qui forge un bracelet inoxydable pour sa belle, une mère tunisienne qui ne veut pas que ses enfants fassent le ménage mais leurs devoirs… Chaleureux hymne aux gens heureux !
 Tout un monde où système D, débrouille dite «bricole », mais aussi débrayages, défense des acquis et  système A (amour, amitié) sont chantés ici. Avec des jeux de mots parfois faciles (les boules du mari), un ton un brin naïf, au diapason de ces temps de fraternité et  loisirs «cons mais conviviaux ». Catherine Lecoq, loin de la performance vocale, privilégie la sincérité et la simplicité de ces témoignages.

 Combats et revendications : SOS racisme, demandeurs d’asile, condition féminine, crèche… On fustige les crapules : capital et sous-traitance. L’ensemble fleure bon les métiers d’autrefois mais on aurait aimé davantage de connivence entre les musiciennes et la chanteuse, pour soutenir l’esprit de solidarité qui prévaut dans ce spectacle fleur bleue qui célèbre métiers humbles, et grand cœur des petites gens.

 Stéphanie Ruffier

Théâtre de la Rotonde, jusqu’au 18 juillet à 16h05. T : 06 46 51 89 29

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