Ça va, ça va le monde !
Festival d’Avignon:
Ça va, ça va le monde ! Lectures organisées par RFI (Suite)
Dans l’enceinte ombragée et fleurie, protégée du mistral du jardin de la Maison Jean Vilar, Hôtel de Mons, ces lectures se poursuivent et nous promettent encore de belles surprises. (Voir Le Théâtre du Blog)
Photo Pascal Gely : Lecture de Parfois le vide ; Géraldine Keller, Raharimanana, Tao Ravao, Jean-Christophe Feldlander
Parfois le vide de Raharimanana, lecture dirigée par l’auteur
»Tout cadavre laissé au sort a succulence de carcasse (…) macéré à nos malheurs (…) amas d’impuissances… » Ainsi débute cet étonnant poème dramatique adressé à un certain Momo, et à nous tous. Dans une prose imagée et rageuse, l’auteur malgache joue de la langue : allitérations, répétitions, constituent une musique au-delà des mots : » J’écris avec la musique, dit-il, les mots portent une part de rythme que les musiciens peuvent relayer. »
Accompagné de son complice de longue date, créateur du blues malgache, Tao Ravao, au kabosy et à la valiha et Jean-Christophe Feldlander aux percussions, le poète partage son texte avec la chanteuse lyrique Géraldine Keller qui se définit elle-même, comme « pneumo-facturière de matière sonore volatile ». Ce quatuor remarquable nous embarque pendant une heure dans une diatribe sulfureuse et bouillonnante contre le monde tel qu’il va, avec ses migrants fuyant la guerre, la dictature et la pauvreté : » Il ne suffit plus que tes gouvernants t’égorgent, il t’en faut d’autres. Mondialisation ( …)
« Nous étions des oiseaux qui marchions contre des créatures de fer (…) » mais l’atterrissage est difficile »Tu auras été un oiseau magnifique mon ami… tu pars ton passeport s’appelle oubli, Momo. »
» Je regarde le monde, je ne peux pas fermer les yeux, explique l’auteur quand on l’interroge sur la noirceur de son propos. C’est la parole qui me tient debout ; avec les mots, je vole. » Il y a cependant beaucoup de lumière dans ce texte.
Un grand moment d’émotion que l’on souhaite retrouver la saison prochaine au théâtre d’Ivry qui soutient le projet.
Mireille Davidovici
Diffusion le 7 août à 12h10 sur RFI
Le texte est paru aux éditions Vents d’ailleurs.
e-passeur.com de Sedef Ecer mise en lecture d’Armel Roussel
On nous annonce, ex abrupto, que c’est la fin de l’ONU, que les États n’existent plus, et que seules subsistent des entreprises; un pour cent de la population mondiale détient toutes les richesses et les quatre-vingt-dix neuf pour cent restant sont des réfugiés, condamnés à l’errance.
Heureusement, les humains ont leurs smartphones et e.passeur.com : » Très chers migrants vous n’aurez qu’une seule arme, votre écran mobile (… ) Cher réfugié, grâce à e-passeur.com, tu auras un compagnon de route, tu pourras te diriger (…) retenir un matelas dans un camp de clandestins… » Ainsi parle l’homme qui a fondé ce système et dirige désormais deux milliards de téléphones : « Tous les chemins mènent à mon site web. »
Dans ce futur effrayant, on entend encore des hommes et des femmes correspondre par Skype… En particulier, une sage-femme guatémaltèque, une coiffeuse de Hanoï et une archéologue syrienne: leurs routes finiront par se croiser…
Ce texte n’est pas que science fiction et nous secoue par ses effets de réel. Sans un mot de trop et ici, remarquablement adapté et lu pour les ondes, il constitue un appel au secours. Mais il nous réserve quelques bulles d’amour avec trois beaux portraits de femmes.
» Le monde qui nous entoure est aussi cynique que je l’ai écrit, dit Sedef Ecer. En Turquie, j’ai constaté que mon pays devenait une prison de migrants à ciel ouvert; j’ai écrit dans l’urgence. » La pièce, créée à Istanbul et à Izmir par l’auteure, sera reprise dans la version française qu’elle a elle-même établie, au théâtre de Bussang, cet été, ainsi que First Lady, qui sera réalisée par Vincent Goethals.
M. D.
Diffusion sur R.F.I. le 14 août à 12h10.
Les deux textes viennent de paraître à L’Avant-Scène.
Les lectures organisées par RFI continuent jusqu’au 20 juillet, au jardin de la Maison Jean Vilar, rue de Mons à 11h30