Braises et cendres
Festival d’Avignon:
Braise et Cendres, Quelques pages arrachées à la vie rêvée de Blaise Cendrars, d’après les œuvres autobiographiques et poèmes de Blaise Cendrars, adaptation et mise en scène de Jacques Nichet
Féru de littérature, le metteur en scène avoue avoir redécouvert un auteur qu’il croyait connaître, Blaise Cendrars (1887-1961), poète, romancier, reporter et mémorialiste dont l’œuvre s’inscrit sous le signe du voyage, de la découverte et de l’exaltation folle du monde moderne, entre réel et imaginaire. Le dramaturge dit avoir ouvert les yeux, une fois pour toutes, grâce aux deux livres de la Pléiade publiés sous la direction de Claude Leroy, avec, entre autres ses récits autobiographiques, force de l’écriture et de l’imagination, narration libre et vive. Où Blaise Cendrars «attise sous les cendres du passé quelques braises toujours prêtes à s’enflammer», d’où le jeu des sonorités en écho avec ce nom: Cendrars et le titre: Braise et Cendres. L’image du feu et de l’incandescence lumineuse comme métaphore de l’œuvre.
La scénographie de Philippe Marioge, rehaussée par les lumières de Jean-Pascal Pracht, se présente comme une fresque posée au sol, vaste étendue volcanique de lave en écoulement, familière des paysages asséchés et ravagés de l’Etna, peinture de flammes d’or, d’ocre et orangé, prête à rougeoyer sous le vent. Entre ombre et obscurité, instantanés de lumière éblouissante, Charlie Nelson arpente le plateau, renverse une chaise et se tient en équilibre sur un pied.
Puis, il endosse la capote des Poilus, et raconte les horreurs de la Grande Guerre. L’acteur, tête et dégaine de baroudeur que rien ne saurait effrayer : la vie n’est qu’un jeu d’enfant à ses yeux, et il convoque sur le plateau sa propre parole avec apartés, considérations existentielles et états d’âme. Mais il invite aussi à ses côtés des figures proches qu’il incarne, lors d’un geste ou d’une inflexion de la voix : sa mère, son père, ses camarades du front, son amie fragile. Blaise Cendrars ne désespère jamais et rien n’arrête son périple planétaire : humour, accès de colère, gouaille et panache, le marcheur qui n’a pas tant bougé que cela, ne se lasse ni ne se fatigue : la vie à préserver déclenche son joli moteur de vitalité.
La réalité et l’onirisme rivalisent à travers un verbe brut ou bien rêveur. Dans le recueil Les Feuilles de route, l’un des premiers poèmes, Tu es plus belle que le ciel et la terre, une déclaration d’amour, privilégie les pouvoirs du voyage :«Quand tu aimes il faut savoir / Chanter courir manger boire / Siffler / Et apprendre à travailler/ Quand tu aimes il faut partir / Ne larmoie pas en souriant / Ne te niche pas entre deux seins / Respire marche pars va-t’en… »
Un hymne à l’amour et à la vie dans le secret de l’énigme et les mystères inépuisables, une présence restituée grâce à l’incarnation de Charlie Nelson.
Véronique Hotte
Théâtre Le Petit Louvre, jusqu’au 30 juillet à 14h10, relâche le mardi. T : 04 32 76 02 79