Fatmeh

Festival d’Avignon :

 

Fatmeh chorégraphie d’Ali Chahrour

  ali-chahrour-le-choregraphe-qui-veut-faire-entendre-les-grands-recits-du-monde-arabe,M356860Fatima, fille de Mahomet n’a pas eu droit à son héritage, ce qui fut l’une des causes du schisme entre chiites et sunnites… 

L’artiste libanais aborde ici la condition des femmes, en revenant aux sources de l’imaginaire islamique et en puisant dans ses références culturelles : « pour faire surgir le mouvement ».

« Habitant du désert, tu m’as appris à pleurer. Ton souvenir m’a fait oublier toutes les catastrophes. Et même absent, sous terre, tu seras toujours présent  » : ainsi chante Fatmeh  dans un poème d’amour et de deuil, écrit au Vllème siècle. Ici deux femmes, pendant une heure, déclineront les états d’âme de l’héroïne, de la joie au désespoir. Rania Al Rafei est vidéaste et Yumna Marwan comédienne: Ali Charouhr n’ayant pas fait appel à des danseuses pour que sa chorégraphie ne soit pas influencée par la grammaire contemporaine. Mais sa démarche, très actuelle, fait dialoguer les paroles sacrées avec le chant profane d’Oum Kalsoum, la diva égyptienne surnommée l’Astre d’Orient.

Les artistes revêtent à vue, de longues jupes noires et bientôt des voiles… Une lune de carton pâte, suspendue à cour, veille sur leurs évolutions, progressivement décroissante, tandis qu’au-dessus du cloître, la véritable lune se lève, pleine.  

La magie et l’âme du lieu jouent en faveur de cette danse épurée et d’une simplicité sophistiquée. Rien de linéaire ici. L’épilogue, qui, paradoxalement, introduit le spectacle,  commence par les lamentations des interprètes qui s’auto-flagellent de plus en plus violemment, se frappent la poitrine, jusqu’à engager complètement leurs corps qui oscillent, leurs longues chevelures comprises, dans ce rituel de pleureuses orientales. Ainsi, il introduit d’emblée l’image du deuil attribuée par  tradition à la figure de Fatima.

Fatmeh fait s’entrechoquer gestes de la culture traditionnelle et tubes de la diva égyptienne et aussi dialoguer les styles: danses orientales sinueuses et tourbillons soufis alternent avec des poses hiératiques et gracieuses. Ombres fantomatiques, les interprètes glissent dans le clair obscur des piliers du cloître ou s’avancent vers le public dans la clarté de l’avant-scène. Avec des gestes de toujours, elles jouent habilement de leurs costumes, qui les couvrent ou les découvrent, tantôt occultées par l’étoffe sombre qui virevolte tantôt laissant apparaître un dos, une épaule, la naissance des seins…

Malgré la tristesse qui s’en dégage, comme une lumière noire, ce spectacle, d’une grande sensualité et d’une belle force évocatrice, nous renvoie à tous les deuils. On pense aussi  aux Troyennes. Un vrai coup de cœur…
Ali Chahrour a rappelé, en préambule, qu’en 2014, quand cette pièce a été créée, six attentats ont endeuillé Beyrouth. Navré de se retrouver dans un même contexte, il a demandé au public une minute d’applaudissements pour les victimes de Nice, et de tous les autres actes de terrorisme..

 Mireille Davidovici

Cloître des Célestins jusqu’au 18 juillet et au Tarmac à Paris les 10 et 11 mars prochain. À voir aussi dans ce même lieu, Leila se meurt du 20 au 23 juillet.

 

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