Une trop bruyante solitude

Festival d’Avignon:

Une trop bruyante Solitude, texte de Bohumil Hrabal, traduction d’Anne-Marie Ducreux Palenicek, adaptation et mise en scène de Laurent Fréchuret

 TBS2©LiseLevyDepuis trente-cinq ans, cet ouvrier écrase des livres dans une presse mécanique, pour les réduire en masse informe : geste grave et déresponsabilisé qui pourrait être associé au chant funèbre des tentatives multiples de cultiver le monde.
La mort dans l’âme, le travailleur écrase les feuilles et les couvertures de centaines d’ouvrages de référence, du papier sale et noirci d’encre, récupérant çà et là un volume rare et précieux, à préserver d’une disparition définitive.

Pour sa propre survie, face au néant et au nihilisme de ces temps nouveaux qui éradiquent le patrimoine artistique capable d’édifier les citoyens du monde, l’ouvrier, revendicatif et rebelle, boit des bières, et affabule, invente une société autre et s’enfuit dans l’imaginaire fertile, ou bien dans sa cave et dans les rues de Prague :« Je perçus clairement les cris des rats en guerre, une guerre qui se terminera par des grands cris de joie, jusqu’à ce qu’on trouve une raison de tout recommencer… »

 Le héros de ce présent d’amertume s’essaie non plus à détruire mais à reconstruire. Couvert d’encre sur le visage, T-shirt et pantalon, entièrement absorbé par la presse, outil dévastateur qui engloutit jour après jour des tonnes de livres interdits par la censure : « Ce genre d’assassinat, ce massacre d’innocents, dit-il il faut bien quelqu’un pour le faire. » Mais déterminé, habité par la valeur symbolique de la littérature, le révolté solitaire fait acte de résistance, sauvant les trésors sans prix de l’humanité mais, du coup, réduit son rendement. Sans travail, il reviendra à ses chers livres.

 Une Trop Bruyante Solitude de l’écrivain tchèque Bohumil Hrabal (1914-1997), d’abord diffusé à Prague en 1976, sous forme de «samizdat», publication clandestine, fut traduit dans plus d’une dizaine de langues…
 Ce soliloque, selon le metteur en scène, révèle l’absurdité tragi-comique du quotidien, un splendide apologue de la « normalisation », machine à broyer l’esprit. Le jeu de Thierry Gibault, comme une « caisse de résonance d’un monde fabuleux qui ne veut pas mourir »  est à la fois spontané et étudié, fidèle à la figure de l’homme passionné de mots et d’idées, d’images et de poèmes, de pensées et de songes. Hagard, dévoué à sa cause juste, il se livre. Pour lui, la valeur réelle de l’existence s’affermit à travers l’expression de soi inscrite dans le monde, en léger décalage, perspective et regard distancié sur la vie.
La résistance contre tous les silences et les mises sous boisseau: standardisation, nivellement, complaisance du culte populiste, politique de démagogie-passe par la dimension artistique qui restitue la capacité d’élan et de vie, rendant légitime l’espoir.
Thierry Gibault, en homme-orchestre, lutte contre vents et marées, pour l’Histoire des hommes, les merveilles du monde non répertoriées, et celles de cités comme Palmyre.

Véronique Hotte

Théâtre des Halles jusqu’au 28 juillet, à 16h30, relâche les 18 et 25 juillet. T : 04 32 76 24 51
Le texte est publié aux éditions Robert Laffont.

 

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