La Tête des porcs contre l’enclos

 

Festival d’Avignon :

La Tête des porcs contre l’enclos, pièce chorégraphique et texte de Marine Mane

Crédit : C. Ablain Légende :

Crédit : C. Ablain

Depuis plusieurs années, avec sa compagnie In Vitro, Marine Mane explore dans ses mises en scène les traces intimes qui dessinent les parcours individuels et collectifs. Avec un théâtre du corps, où la danse occupe une place prépondérante, accompagnée par des dispositifs sensoriels, visuels  et sonores, cette création (2015) est proche d’un spectacle total.
 Il s’agit de cartographier la mémoire d’une enfant blessée. Non pas de raconter un traumatisme mais d’en parcourir les traces : mémoire du corps, empreinte sensorielle,  avec un travail en direct sur le plateau, restituant impressions, images et émotions.

Une voix off dit à quel point les mots peinent à exprimer les affects liés au traumatisme. Le corps est le meilleur vecteur de ce souvenir. Traversant  avec violence la chambre, le lit, la salle de bains, le salon, l’extérieur (chaque lieu, siège d’un impact), les danseurs dansent ce heurt contre les parois, les meubles, et le choc d’un corps-à-corps forcé n’en reste pas moins une recherche d’amour et du contact physique qui l’accompagne. Dans une chorégraphie de l’éternel retour, les corps entrent dans un combat avec la matière.

L’accès au verbe est défendu à l’enfant, parce qu’elle a subi la violence dans le langage de l’amour.  Sa conscience reste captive de ce paradoxe et la femme adulte n’en finit pas de revivre ce choc. Elle continue à vivre l’enfermement dans la maison : les murs symbolisent le cercle familial dont elle est prisonnière. Tout refait surface «comme un mur qu’on se prend tout le temps dans la figure » dit Marine Mane. Cette tentative de libération passe par une sollicitation de toutes les émotions et leur traduction en langage plastique et sensuel : images, sons, corps en mouvement. Sublimation !

De la blessure intime infligée à l’enfant, reste un chaos émotionnel et affectif : le foyer censé la protéger a été le lieu d’une agression. Et sa mémoire corporelle et mentale porte la trace de ce chaos. Toute la scénographie tente de restituer cet effet de puzzle disloqué, et ce spectacle total délivre quelque chose de cette émotion indicible.

Marine Mane prépare un nouveau spectacle pour 2017,  A mon corps défendant. Sans commentaire ! On lui fait confiance pour exprimer ce à quoi nombre d’autres se sont en vain efforcés.  

Michèle Bigot

 Caserne des Pompiers, jusqu’au 26 juillet.


Archive pour 25 juillet, 2016

Paris Quartier d’Été Framed (Encadrés)

Paris Quartier d’Été

 

Framed (Encadrés) chorégraphie de Johanne Saunier et Ines Cleas, textes de Martin Crimp et Georges Aperghis

 

Avec leur « Ballets confidentiels », fondframed-3é en 2012, les deux chorégraphes belges aiment mettre la danse partout et, à la demande du festival, investissent cet été plusieurs lieux parisiens pour des performances insolites. Dans la cour de la bibliothèque historique de le Ville de Paris, elles se sont adjoint Richard Dubelski pour quarante minutes de variations sur le thème de la surveillance.

 

Partout des caméras nous épient, des vigiles nous fouillent, des portiques nous scannent… Nos images peuplent les écrans… Tous réputés coupables, nous sommes pris au piège d’un œil géant et omniprésent. Encadrer quelqu’un, en anglais, to frame someone, signifie rassembler des preuves contre lui. Jouant sur les mots, les interprètes manipulent des cadres de couleurs et de tailles différentes pour suggérer, selon le modèle, des plans larges ou serrés sur le corps de leurs partenaires : un main, un tête, un sein, une hanche, se découpent : corps-objets fragmentés dans les viseurs de Big Brother.

 On retrouve la rigueur des gestes de Johanne Saunier, acquise auprès d’ Anna Teresa de Keersmaeker et un sens de la mise en scène hérité de sa collaboration avec des artistes comme Guy Cassiers, George Aperghis, Ictus Ensemble, Luc Bondy. Ine Claes, elle, intéressée par les rapports entre mouvement, voix et arts visuels, apporte son talent de chanteuse aux textes qui, dans la pièce, reproduisent les méandres des discours intérieurs des personnages. Les chorégraphes ont réuni des extraits de La République du Bonheur de Martin Crimp, morcelés par des phrasés suivant les mouvements et répétés en vo et vf ; à l’instar du parlé-chanté haché des compositions textuelles de Georges Aperghis qu’elles ont choisies.

Malgré la gravité du propos, on reste dans la légèreté. Pas de discours paranoïaque : l’humour est au rendez-vous dans cette performance élégante et drôle, où mots et gestes se marient agréablement, réglés au millimètre. Une composition savante d’une grande finesse. Des éclairages auraient peut-être souligné davantage les images subtiles qui naissent derrière ces cadres multiples : à la lumière naturelle, elles semblent se diluer…

 

Mireille Davidovici

 

On retrouvera les Ballets Confidentiels le 30 juillet à Villetaneuse Plage

le 4 août au jardin des Tuileries et les 5 et 6 août au square des Amandiers (75020)

 

La compagnie propose aussi Pop up dans la ville : du jeudi au vendredi, des impromptus chorégraphiques dans plusieurs arrondissements de Paris : renseignements sur le site du festival.

T. 01 44 94 98 02 www.quartierdete.com

 

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