Babel 7.16 chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jale

Festival d’Avignon:

Babel 7.16 chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet,(en anglais surtitré en français)

 © Christophe Raynaud de LageAprès, dans la carrière de Boulbon, Puz/zle en 2012 (voir Le Théâtre du Blog), le chorégraphe belge, ancien interprète du Ballet C de la B, aidé du danseur et chorégraphe Damien Jalet, son partenaire sur de nombreux projets, occupe maintenant la Cour d’honneur.
 Recréation d’une pièce conçue en 2010, cette œuvre célèbre  la coexistence : «Chaque artiste de Babel a une double identité, une culture duale», disent-ils. Associant musiques d’Italie, du Rajasthan ou du Japon, dix-sept  interprètes d’origine et de langues différentes, jouent ce spectacle  qui  fait l’objet d’une nouvelle lecture. Pour Damien Jalet : «Chacun vient avec sa langue parlée et chorégraphique car le mythe de Babel parle de la relation entre territoire et langage». Suite aux  événements dramatiques récents, pour Sidi Larbi Cherkaoui dont le parcours artistique est symbole de mixité, «On vit tous aujourd’hui avec la conscience de ces horreurs, la vie est là, il faut travailler avec cela».

La pièce s’est donc construite à partir de ces principes. La  musique offre des moments magiques : depuis le haut du mur du fond  ou l’embrasure d’une fenêtre en ogive, les interprètes se répondent avec une partition d’une grande beauté. Les danses,en particulier, celles en groupe, sont précises, rythmées, très violentes ou très tendres, comme la dernière chorégraphie, où les pieds des danseurs s’entremêlent et se prennent les pieds comme on se prend la main!

  Mais les textes des auteurs, dont Nicole Krauss et Karthika Naïr, peu convaincants, ne facilitent pas le travail des danseurs qui ne sont pas à l’aise, trop caricaturaux, lorsqu’ils déclament. Certains moments  surtitrés, allongent inutilement la pièce qui dure une heure quarante. Cette chorégraphie frustrante manque cruellement de danse, mais évite le recours à la vidéo et à la nudité, les deux fausses bonnes idées de toute création contemporaine actuelle !

Jean Couturier

 Spectacle joué dans la Cour d’honneur du Palais des Papes du 20 au 23 juillet.      


Archive pour 27 juillet, 2016

Les Âmes mortes d’après Nicolas Gogol

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 Festival d’Avignon :

Les Âmes mortes d’après Nicolas Gogol, mise en scène  de  Kirill Serebrennikov. (en russe surtitré en français)

Le directeur du Gogol Center à Moscou, dont nous avions vu l’adaptation très réussie des Idiots, l’an dernier (voir Le Théâtre du Blog), s’attache ici à nous rendre compréhensible ce grand classique de la littérature russe, publié en 1842. Au début du XIXème siècle, les « âmes »  représentent les serfs appartenant aux riches propriétaires, et leur nombre qui détermine la valeur foncière des domaines, fait l’objet d’une imposition. Les serfs sont recensés seulement tous les cinq ans par l’administration, mais ceux décédés dans cet intervalle restent dans les registres, et deviennent ainsi des «âmes mortes ».
Dans le roman de Nicolas Gogol, un escroc charmeur, Pavel Tchitchikov, tente d’acheter à bas prix, ou de se faire offrir les titres de propriété de ces âmes mortes, en vue d’une frauduleuse opération immobilière.

La scénographie et les costumes, remarquables, ont été conçus par le metteur en scène: toute l’action se déroule à l’intérieur d’une boîte en bois contreplaqué construite en perspective. Avec, à cour, une fenêtre, obturée par trois cercueils; une porte, au fond, ferme l’espace, et à jardin, hors de cette boîte, un piano droit et son interprète.
La musique d’Alksandr Manotskov  accompagne les différentes scènes, entrecoupées de chansons, à la manière d’un cabaret expressionniste. Comme à l’époque de William Shakespeare, tous les rôles sont tenus par neuf hommes d’une justesse incroyable… Excellente direction d’acteurs  : chaque comédien, même travesti dans des tenues les plus ridicules ce qui accentue le côté farcesque de l’œuvre, ici s’avère exceptionnel, dont l’étonnant Odin Byron dans le rôle de Tchitchikov.  Américain, il a effectué ses études au Théâtre d’Art de Moscou et s’exprime en russe.
 Pour le metteur en scène, Tchitchikov ne peut comprendre réellement l’âme russe. Il rend successivement visite aux notables de la ville, qui se révèlent tous médiocres et cupides.
Dans une scène d’une grande force, Tchitchikov va s’enivrer du contenu de ces âmes achetées, symbolisées par des verres en plastique qu’il remplit de vin.  Mais il finit par être confondu par ceux qu’il a escroqués.

Nicolas Gogol et Kirill Serebrennikov dénoncent les travers d’une société en voie de pourrissement, qu’elle soit russe ou occidentale. A la fin, les comédiens entonnent un chant d’amour pour la terre russe : «Russie que veux-tu de moi !». Ce qui  traduit bien la relation d’attraction et de méfiance de Kirill Serebrennikov envers  sa patrie.

Ce spectacle malgré sa longueur : 2h25, nous incite à continuer de découvrir du vrai théâtre. Nicolas Gogol écrit dans les Ames mortes: «Comment une vie futile et impuissante cède la place à une mort terne et dénuée de sens. Combien stupidement, s’accomplit ce terrible événement. Insensibilité. La mort frappe un monde insensible. D’autant plus frappante cependant, doit apparaître au lecteur l’insensibilité cadavérique de la vie. Les effroyables ténèbres de la vie passent, et un grand secret est caché en cela. La vie effervescente, frivole, n’est-elle pas un phénomène grandiose? … Les bals, les fracs, les commérages, les cartes de visite empêchent de songer à la mort».

Jean Couturier

Spectacle joué à 15h à la FabricA du 20 au 23 juillet.       

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