Les Âmes mortes d’après Nicolas Gogol

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 Festival d’Avignon :

Les Âmes mortes d’après Nicolas Gogol, mise en scène  de  Kirill Serebrennikov. (en russe surtitré en français)

Le directeur du Gogol Center à Moscou, dont nous avions vu l’adaptation très réussie des Idiots, l’an dernier (voir Le Théâtre du Blog), s’attache ici à nous rendre compréhensible ce grand classique de la littérature russe, publié en 1842. Au début du XIXème siècle, les « âmes »  représentent les serfs appartenant aux riches propriétaires, et leur nombre qui détermine la valeur foncière des domaines, fait l’objet d’une imposition. Les serfs sont recensés seulement tous les cinq ans par l’administration, mais ceux décédés dans cet intervalle restent dans les registres, et deviennent ainsi des «âmes mortes ».
Dans le roman de Nicolas Gogol, un escroc charmeur, Pavel Tchitchikov, tente d’acheter à bas prix, ou de se faire offrir les titres de propriété de ces âmes mortes, en vue d’une frauduleuse opération immobilière.

La scénographie et les costumes, remarquables, ont été conçus par le metteur en scène: toute l’action se déroule à l’intérieur d’une boîte en bois contreplaqué construite en perspective. Avec, à cour, une fenêtre, obturée par trois cercueils; une porte, au fond, ferme l’espace, et à jardin, hors de cette boîte, un piano droit et son interprète.
La musique d’Alksandr Manotskov  accompagne les différentes scènes, entrecoupées de chansons, à la manière d’un cabaret expressionniste. Comme à l’époque de William Shakespeare, tous les rôles sont tenus par neuf hommes d’une justesse incroyable… Excellente direction d’acteurs  : chaque comédien, même travesti dans des tenues les plus ridicules ce qui accentue le côté farcesque de l’œuvre, ici s’avère exceptionnel, dont l’étonnant Odin Byron dans le rôle de Tchitchikov.  Américain, il a effectué ses études au Théâtre d’Art de Moscou et s’exprime en russe.
 Pour le metteur en scène, Tchitchikov ne peut comprendre réellement l’âme russe. Il rend successivement visite aux notables de la ville, qui se révèlent tous médiocres et cupides.
Dans une scène d’une grande force, Tchitchikov va s’enivrer du contenu de ces âmes achetées, symbolisées par des verres en plastique qu’il remplit de vin.  Mais il finit par être confondu par ceux qu’il a escroqués.

Nicolas Gogol et Kirill Serebrennikov dénoncent les travers d’une société en voie de pourrissement, qu’elle soit russe ou occidentale. A la fin, les comédiens entonnent un chant d’amour pour la terre russe : «Russie que veux-tu de moi !». Ce qui  traduit bien la relation d’attraction et de méfiance de Kirill Serebrennikov envers  sa patrie.

Ce spectacle malgré sa longueur : 2h25, nous incite à continuer de découvrir du vrai théâtre. Nicolas Gogol écrit dans les Ames mortes: «Comment une vie futile et impuissante cède la place à une mort terne et dénuée de sens. Combien stupidement, s’accomplit ce terrible événement. Insensibilité. La mort frappe un monde insensible. D’autant plus frappante cependant, doit apparaître au lecteur l’insensibilité cadavérique de la vie. Les effroyables ténèbres de la vie passent, et un grand secret est caché en cela. La vie effervescente, frivole, n’est-elle pas un phénomène grandiose? … Les bals, les fracs, les commérages, les cartes de visite empêchent de songer à la mort».

Jean Couturier

Spectacle joué à 15h à la FabricA du 20 au 23 juillet.       

 

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