Antigone de Jean Anouilh
Festival d’Athènes:
Antigone de Jean Anouilh, traduction de Stratis Paschalis, mise en scène d’Hélène Efthymiou
L’auteur veut montrer le lien entre la vie et le fait théâtral qui la dépasse, et décrit la partie métonymique des occupations quotidiennes. Ainsi, la métaphore fonctionne à partir du moment où elle traduit le passage d’une réalité historique à la fiction. Il a gardé intacte la fable, mais en la situant en 1944, quand fut créée la pièce en France. La pièce se construit à mesure que l’entre-deux-guerres fournit des exemples de tortures qui poussent intellectuels, écrivains et artistes dénoncer le totalitarisme, l’esprit nazi, le fascisme. Bref, tout ce qui les a entrainés à la résistance aux horreurs et atrocités de la seconde guerre mondiale.
L’Antigone antique, déjà synonyme de résistance, se place aux côtés de ceux qui veulent exercer leur devoir de citoyen consciencieux, face à ceux qui détiennent le pouvoir. Au profit d’une cité pacifique, ils réclament le droit à la désobéissance envers un système politique qu’ils considèrent comme injuste. Jean Anouilh a actualisé Antigone mais a respecté la matière première symbolique de Sophocle: il met en valeur le discours de la bravoure et du sentiment, face à celui du devoir et de la raison. Le conflit paraît inévitable, vu l’intransigeance des uns et des autres. L’auteur français montre ici l’homme qui se mesure à son ego, en proie au tragique.
La metteuse en scène a situé la pièce dans une maison de retraite ou un hôpital d’invalides, un espace bien mis en valeur par la scénographe Zoé Molyvda Fameli: des ventilateurs tournent en circuit fermé, alors que les «habitants» du lieu, semblent eux, condamnés à l’immobilité. Stratis Paschalis se met au service de la pièce et montre ce personnage mythique issu de l’Antigone de Sophocle, où Jean Anouilh prend ses distances avec l’antiquité et met en scène ce grave conflit dans un huis-clos, pour nous emmener au plus profond d’un discours sur la guerre. Pour Stratis Paschalis, c’est aussi une occasion de traiter des problèmes de l’actualité la plus cruelle…
Côté interprétation, Vassiliki Troufacou donne plutôt l’impression de raconter l’itinéraire du personnage d’Antigone, sans mettre en valeur sa tragédie personnelle. Mais Stelios Maïnas (Créon), emmène le spectacle vers des horizons plus solides: il est bien un dirigeant politique malmené par les circonstances. Le Chœur, incarné par Phédon Kastris, exprime le conflit avec Antigone. Aneza Papadopoulou (la Nourrice) crée, elle, un personnage fait de sympathie et de résignation. L’Ismène de Jeanne Mavréa et l’Hémon de Georges Frintzilas jouent entre mesure et démesure. Marie Liami, (la muette Eurydice) traverse majestueusement l’espace dans sa marche vers le suicide.
La pièce finit sur les paroles du Chœur : « Il ne reste plus que les gardes. Eux, tout ça, cela leur est égal ; c’est pas leurs oignons. Ils continuent à jouer aux cartes… ». Mais la mise en scène passe outre les indications de l’auteur qui, lui, montre bien l’indifférence des gardes face à cette tragédie : pour eux, le destin fait son travail, et, à Thèbes, on attend le retour du Sphinx et d’Œdipe, comme si de rien n’était….
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Spectacle joué au Théâtre Rex d’Athènes, les 21 et 22 juillet. Puis, en tournée en Grèce.