Lady First, texte de Sedef Ecer
Festival de Bussang:
Lady First, texte de Sedef Ecer,, mise en scène de Vincent Goethals
« Une république bananière d’aujourd’hui, quelque part, du côté de l’ancienne Mésopotamie, où il y a quelque chose de pourri…»: telles sont les premières didascalies de la pièce de la comédienne et auteure dramatique d’origine turque, Sedef Ecer.
Lady First, personnage éponyme est la première dame du régime autoritaire d’un Moyen-Orient où ont lieu des révolutions «qui n’ont pas fini de transformer le monde ».
Pour parler d’une société troublée, Sedef Ecer évoque l’intimité de la dame en majesté. dont son tyran d’époux s’est évidemment enfui à l’étranger, comme ses enfants égoïstes. La First Lady n’a rien des mouvements d’opposition et des marches rebelles dans les rues bruyantes de la ville. Les instances gouvernementales qui la manipulent lui ont manifestement caché une menace qui se rapproche toujours davantage du Palais d’été présidentiel…
Pour calmer le peuple en colère, les conseillers en communication du régime ont proposé que la dame soit interviewée par une journaliste locale bien sous tous rapports, avec port du voile, au prénom persan de fleur: Yasmine (le jasmin, symbole de la révolution). L’interview se fait via Skype, Facebook, Twitter, et autres réseaux sociaux. Les deux femmes se rencontrent à peine, et par écrans interposés, la réalité fuyant toujours plus loin, dans une relecture irréelle et potentielle d’un monde qui leur échappe, sur un no man’s land de plateau et d’imaginaires en question.
La First Lady vit au plus près de ses désirs compulsifs de consommation luxueuse: robes et atours, bijoux… (Autant de clichés rebattus!). À ses côté, sa première femme de chambre Gazal, (il faut entendre: ma gazelle, d’autant que la costumière et esthéticienne se réclame d’un transgenre assumé, preuve vivante de l’ouverture à la différence d’une First Lady opprimée.
Gazal raconte sa vie à tout va, livrant sans pudeur ses atermoiements d’enfance, désirant être précisément la petite fleur des montagnes qu’était la jeune Yasmine : « Quand je voulais descendre dans la rue. Pour devenir leader du mouvement LGBT dans ce pays d’homophobes fascistes ! Mais attention, pas question de négliger mon « look », je voulais aussi avoir les cheveux dans le vent et les mains manucurées tout en criant des slogans : Pédés/gouines/queers/trans tous-unis-tous-à-la-rue/Toutes-à-la-rue ! »
Pas de surprise: la pièce ne livre aucune clé, si ce n’est celles débattues au café du commerce, mettant en vain le doigt sur les souffrances, sans les désigner plus avant. Le monde semble divisé entre ceux qui prient et ceux qui achètent : nulle sortie. Que déplore finalement la dame incomprise, et dépassée par les événements ?« Les nouveaux pharaons construiront partout des temples et des commerces pour que vous passiez vos journées à prier et à acheter… L’Occident fermera les yeux et s’arrangera avec eux. Certains s’en accommoderont, d’autres regretteront notre ex-petite tyrannie artisanale et familiale mais ça sera trop tard. » … Et pour que le monde change, il y faudra, attendue encore une autre révolution, avec la déploration d’autres sacrifices obligés de civils – enfants, femmes et vieillards.
Dure perspective en ces temps difficiles! Ici Sedef Ecer expose des idées qu’on aimerait voir débattues dans l’urgence d’une politique nouvelle à initier, mais dommage! elle n’imprime guère d’une griffe personnelle, ce bel engagement… Malgré le jeu de bons acteurs dirigés avec précision par Vincent Goethals: Bernard Bloch (le chef de cabinet machiavélique), Anne-Claire (la First Lady), Angèle Baux Godard (la journaliste) et Sinan Bertrand (le conseiller personnel de la First Lady).
Véronique Hotte
Bussang, les 6, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 20, 24, 25, 26 et 27 août. T: 03 29 61 62 47 reservation@theatredupeuple.com
Le texte de la pièce est publié aux éditions L’avant-scène théâtre.
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