Truckstop de Lot Vekemans, mise en scène d’Arnaud Meunier
Festival d’Avignon (suite et fin) :
Truckstop de Lot Vekemans, traduction de Monique Nagielkopf, mise en scène d’Arnaud Meunier
Ana gère Truckstop, un restaurant au bord d’une route du Brabant, à la clientèle de routiers. Kataljine, sa fille, victime d’hyperactivité et de troubles mentaux, et ne peut vivre seule. La mère la protège et s’occupe donc de la vie de sa fille.
Mais Remco, un routier, séduit Kataljine.
Ana sent que l’homme est peu fiable et que sa fille pourrait s’en aller. Mais Kataljine rêve de liberté et veut partir avec lui.. « Ce qu’il a de curieux dans la découverte : c’était déjà là, et on ne le savait pas. », observe Katalijne.
La singulière narration de ce texte contemporain procède de même et draine le drame à venir. Tout est déjà écrit, et on sait très tôt qu’il y aura coup de couteau et accident de voiture mortel, mais on ignore tout des circonstances et des coupables. Ainsi, le dialogue qui se noue entre cette fille un peu simple, sa mère et son amoureux maladroit, est-il lardé de prolepses.
Dans cette ambiance hyper-réaliste, les commentaires distanciés des personnages, voix d’outre-tombe, créent des brèches surréalistes, quasi-fantastiques. Cette construction narrative si particulière et l’exhibition de la fiction, avec un très subtil travail de lumières, constituent les plus belles fulgurances de ce spectacle.
Scénographie plutôt grise, triste celle d’une salle de restaurant aux murs éteints et aux mi-rideaux en crochet. Tout est propre et impersonnel, un peu fade. Le texte évoque pourtant « tout ce brun » et un lieu qui, à l’inverse de ses concurrents, paraît vieillot. On se croirait plutôt dans un appartement témoin, trop neutre. L’espace vide à l’avant-scène, réservé aux projections du rêve, donne une sensation de maigre marge de manœuvre.
Règnent donc ici l’ennui et la mélancolie, banale, normalisée, celle des intérieurs contemporains impersonnels, alors qu’on aurait attendu la sale mélancolie d’un vieux restaurant baignant dans son jus…
L’histoire a de quoi toucher un public adolescent. L’envie d’espace pour faire vivre son amour, sa carrière professionnelle, l’espoir d’une autre vie qui ne soit pas indexée aux craintes d’une mère castratrice. Mais on le devine : « Plus de cent morceaux, c’est impossible à recoller. »
Guère de possibilité de fuite. La mère, (Claire Aveline), joue bien sa partition ambiguë, mais Manon Rafaelli, avec une fragilité enrobée d’une folle naïveté, est moins subtile et peu convaincante.
L’ensemble souffre de lenteur. Et on se surprend à vouloir en hâter la fin tragique…
St. R.
Le spectacle s’est joué du 12 au 16 juillet 2016 à la Chapelle des Pénitents blancs.