Le Corps de mon père
Le Corps de mon père, de Michel Onfray, mise en scène et interprétation de Bernard Saint Omer
Michel Onfray, figure médiatique controversée, auteur de nombreux traités de philosophie et d’esthétique ( Puissance d’exister, Traité d’athéologie, Contre-Histoire de la philosophie…) a tourné le dos à l’Université en fondant l’Université populaire de Caen, relayée par France-Culture. Les cinq volumes de son Journal hédoniste exposent un versant plus intime de sa pensée.
Dans le premier tome, Le Désir d’être un volcan , paru en 1996, il consacre un chapitre à son père. Ce texte autobiographique évoque, avec une émotion retenue, l’ouvrier agricole solide et taciturne qu’il était. « Un père digne », dont la rectitude fut son socle et sa leçon de vie. Ses gestes précis, ses mains habiles, sa force, ses biceps saillants impressionnaient le petit garçon.
« Fils de pauvre », Michel Onfray n’a pas oublié les odeurs de son enfance, celle fade du café cuit et recuit le matin dans la cuisine, pièce à vivre, celle du purin et autres sanies animales collant aux vêtements paternels, ou le « sent bon » de l’après rasage, le dimanche. Ni les sons qui rythmèrent ses années passée dans la campagne normande. Non plus la dureté des « chefs du culture » à l’égard des ouvriers, qui forgea à jamais son esprit de révolte : « C’est là que j’ai appris le monde du travail (…) La lutte des classes, création des patrons, de leurs sous-fifres et hommes de main… ».
Bernard Saint Omer s’empare de ce texte sensuel et cérébral, à bras le corps : joignant le geste à la parole, il s’active sur la petite scène encombrée d’outils: il pétrit du pain, qu’il cuit et distribue aux spectateurs, scie des tiges de métal projetant des gerbes incandescentes, fait siffler des flèches tirées à l’arc… Il est à la fois le narrateur, mais aussi par ses actions habiles et incessantes, rend hommage aux gestes simples et efficaces du père, à ce faire qui fascine le fils … Il attise nos sens par les odeurs, les sons, et mouvements qu’il produit. Changeant de costume, il est tour à tour celui qui dit, le fils, bavard, et celui qui fait, taiseux, le père : « Dans le monde où mon enfance se déplie, la tendresse ne se disait pas, écrit Michel Onfray ».
Ce parti-pris affirmé tout au long par la comédien- metteur en scène- sculpteur évite certes le pathos et le convenu de cet exercice d’admiration, mais tend à parasiter un texte dense et qui se serait suffi à lui-même. « Comment lui dire mon amour ? (…) Le silence est le tiers qui accompagne nos rencontres, écrit le philosophe.» Espérant peupler le laconisme du père l’acteur habite un peu trop le personnage en creux auquel s’adresse ces paroles d’amour. Reste une mise en scène rigoureuse qui permet de remonter aux années de formation d’un intellectuel aussi contesté fût-il.
Mireille Davidovici
Le spectacle, créé à Avignon en 2013 a, depuis, largement tourné. Avec son passage à Paris il commence une seconde vie.
Théâtre Essaïon Du 25 Août au 1er octobre 2016 à 19h45
Les jeudis, vendredis et samedis
Du 10 octobre au 1er novembre 2016 à 21h30
Les lundis et mardis
T. 01 42 78 46 42 ; accueilessaion@free.fr