Le voyage en Uruguay
Le voyage en Uruguay de Clément Hervieu-Léger, mise en scène de Daniel San Pedro
En Amérique du Sud, et sur un cargo, une histoire vraie… En 1950, Hector Caorsi, un riche éleveur uruguayen, se rend en France pour acheter des vaches. Il finit par découvrir la Ferme Neuve à Beaumontel, en Normandie. Affaire vite conclue : trois taureaux, Osiris, Robespierre et Serplet et deux vaches, Guérilla et Vanette quittent leurs prairies pour la pampa. Et l’histoire commence !
Clément Hervieu-Léger, sociétaire de la Comédie-Française, l’a écouté, enfant, des milliers de fois avec fascination ! La Ferme Neuve appartenait à son grand-père, Robert : « Je connais cette histoire par cœur. Je ne sais pas ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Ça s’est passé là ».
La pièce, bouffée d’oxygène pour les citadins, a été créée en milieu rural, suivant la politique de la compagnie des Petits Champs, installée en Normandie. Daniel San Pedro avait envie de clore ce cycle, consacré aux représentations du monde rural au théâtre (Yerma et Noces de Sang de Federico Garcia Lorca, et Monsieur de Pourceaugnac de Molière), en se confrontant à une écriture contemporaine, avec Le Voyage en Uruguay de Clément Hervieu-Léger écrit pour un seul comédien. Guillaume Ravoir, selon San Pedro, un «être un et multiple », formidable de spontanéité, avec une gestuelle à la fois maîtrisée et acrobatique, s’empare du texte avec jubilation. C’est un plaisir de revoir cet acteur, déjà étonnant dans la comédie-ballet de Molière et Lully, Monsieur de Pourceaugnac.
La mise en scène, accompagnée d’une scénographie astucieuse d’Aurélie Maestre, s’adapte à l’espace modeste, simple et imagée avec juste quelques éléments symboliques. Les éclairages d’Alban Sauvé intensifient les situations et le comportement des personnages (le capitaine du bateau, un gaucho uruguayen, etc.) de cette traversée héroïque. Il y a, ici, quelque chose de cinématographique et d’onirique.
Le jeu des lumières marque le passage d’une étape à une autre au cours de ce voyage fou, tour à tour drôle, mélancolique, extravagant… Et le public qui entre dans le jeu se sent à la ferme, entend le bruit des vagues, partage les joies et frayeurs des personnages …Dès le début, se crée une forte complicité avec le comédien : on est embarqué au cœur de la traversée avec le cousin Philippe, ou à la ferme du grand-père de jeune garçon, et on écoute cette histoire haute en couleurs.
Tenu en haleine, ému et enchanté: chacun a son pays lointain !
Elisabeth Naud
Théâtre du Lucernaire, jusqu’au 15 octobre, à 21h du mardi au samedi. 53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris. T : 01 45 44 57 34
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