Festival ActOral, festival des arts et des écritures contemporaines
Festival ActOral, festival des arts et des écritures contemporaines:
Une ronde de vêtements aussi bigarrés qu’enchevêtrés : tel est le magnifique visuel de cette nouvelle édition d’ActOral, festival marseillais mené par l’équipe de Montévido. Invite-t-il à l’engagement, clignant de l’œil vers l’actualité et l’urgence de venir en aide aux migrants ? A moins qu’il n’évoque des luttes intestines plus anciennes (on croit reconnaître le motif d’un keffieh) ? Que nenni ! Rien de cet acabit dans ce festival plutôt axé sur la question du corps, la plasticité et la transdisciplinarité. «Le politique, dit Hubert Colas, est à débusquer dans la démarche artistique».
Quoi d’audacieux dans ce festival qui se donne surtout pour vocation de valoriser les arts et les écritures contemporaines ? Tout d’abord, le parrain, Théo Mercier. D’habitude, un auteur occupe cette place privilégiée. Mais cette année, ce plasticien issu d’une école de création industrielle, qui a conçu des robes pour Björk et dans le sillage de Matthew Barney, imposera son humeur.
La transdisciplinarité tout d’abord. Il la maîtrise plutôt bien, lui qui s’est fait remarquer par une sculpture monumentale en spaghettis (Le Solitaire), comme par ses performances. Il promet du décloisonnement, des frontières ouvertes, un refus de se laisser enfermer dans des limites imaginaires (sont-elles toutes si imaginaires que cela, Théo Mercier?) … au risque de tomber dans la confusion facile dont notre époque se repaît.
Il fantasme Marseille en «vieille transformiste folle» invitant «à la grande partouze» où s’accoupleraient tragédie grecque, philo, techno, science-fiction, etc. Au-delà de la provocation et de l’énergie transgressive affichées, on verra si ce joyeux bordel tient ses promesses. Théo Mercier expose au Musée d’Art Contemporain, The Thrill is gone, une archéologie «entre futurisme et technologie» et rejoue Radio Vinci park (déjà programmé à la Ménagerie de Verre à Paris), un affrontement d’un motard et d’un danseur sur la musique d’un clavecin, dans un parking de la Friche de la Belle de Mai. Combat entre brutalité et sensualité.
Il proposera aussi une performance musicale avec Flavien Berger, Jacques et Julia Lanoë (chanteuse de l’irrévérencieux et percutant groupe Sexy Sushi). La coloration musicale est très présente dans la programmation…
Cette année, après d’autres pays francophones comme le Canada et la Suisse, la Belgique est la grande invitée. Au programme, en tête d’affiche, de fameux chorégraphes comme Alain Platel qui présentera un spectacle qui vient d’être créé, croisant des chants polyphoniques congolais avec la musique de Gustav Malher. Et Jan Fabre, a écrit pour le performeur Antony Pizzi avec Drugs kept me alive, un monologue sur une vie au bord du gouffre.
Parmi les belles curiosités : Alexander Vantournhout qui joue de son long cou, entre cirque et danse, et Benjamin Verdonck qui propose une boîte à images burlesque, et traite, dans un autre spectacle, du réchauffement climatique à travers les Quatre Saisons. Le jeune Salvatore Calgagno revient avec un projet sur le décès du père, avec Ennio Morricone en bande-son.
Et dans une centaine de propositions éclectiques, retenons aussi L’Objet des mots, fait de duos d’écriture sous la houlette de la SACD : des créations singulières made in Montevidéo. Des lectures seront aussi données à la Bibliothèque départementale (Sylvain Prudhomme, Antonio Moresco, Julie Kretzschmar…).
Le théâtre dansé de Toshiki Okada offrira une esthétique épurée qui sera sans doute la bienvenue. Et Federico Len jouera avec la création en train de se faire, grâce à une étonnante table de ping-pong interactive (un peu Germinal ?).
Philippe Quesne nous emmènera dans l’univers des taupes. Et on pourra voir ou revoir Lotissement (voir Le Théâtre du Blog), prix Impatience 2016, ainsi qu’un Dynasty pour intellos où il sera question de désir et d’ennui (Les Sœurs H).
Enfin Marie Brassard mettra en scène les élèves de l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes, avec un texte d’Alexandra Badea sur la résistance dans un pays en guerre.
Deux projets semblent prometteurs, en termes de renouvellement de la relation entre artistes et public. Celui de Jan Martens et Lucas Dhont fondé sur un constat : on ne communique qu’à travers des écrans (ou presque). Démarche fragile et passionnante, qui se veut une expérience sociale et qui prendra la forme d’un projet de danse participative avec des amateurs, comme l’affectionnent Jérôme Bel ou Boris Charmatz.
Superbe enjeu : former des duos inédits sur scène, créer le choc de la première rencontre, renouveler l’appréhension du mouvement. David Freeman, lui, nous promet une soirée spéciale où l’art contemporain rencontrera le karaoké ! Avec l’aide de vingt-cinq artistes, il a concocté des vidéo-clips décapants : les spectateurs en interprèteront les chansons…
Signalons enfin ce titre cocasse d’Eric Noël : Mon cul se plaignait, ma tête était légère. Quel programme !?!
Stéphanie Ruffier
A Montévidéo, La Friche Belle de Mai, La Criée, Théâtre des Bernardines, Mac, Mucem, Ballet national de Marseille…du 27 septembre au 15 octobre.
Le festival fait aussi des petits à Montpellier et Montréal. (Voir programme complet sur Internet).www.actoral.org/
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