DakhaBrakha, suivi de Nuage
DakhaBrakha, suivi de Nuage de Stéphane Ricordel
Une soirée en deux parties: un concert de musique ukrainienne en salle, puis une performance dans le parc, derrière le théâtre.
Le quatuor DakhaBrakha, “donner et prendre“ en ancien ukrainien, conjugue tradition et modernité : à partir de chansons populaires recueillies dans les villages, ces musiciens-chanteurs composent des arrangements vocaux et instrumentaux originaux. Ce “chaos ethnique“, selon leur expression, superpose chants aux accents slaves, africains ou asiatiques, accompagnés d’instruments traditionnels (accordéon, bukhalo ou buhay), ou plus récents (violoncelle et claviers) et de percussions exotiques (djembé, darbuka, tablas)
Les voix chaudes des trois femmes montent parfois dans l’aigu, en solo ou en chœur, le timbre grêle de Nina Garenetska, soutenu par son violoncelle, peut devenir plus guerrir. Marko Halanevych excelle, lui, autant dans le “khoomii “ (chant de gorge diphonique caractérisé par deux notes de fréquence différente) et diverses étrangetés vocales. Dans un style plus jazzy, il joue aussi avec tact, de la guimbarde et autres instruments. Les artistes n’hésitent pas à ponctuer leurs morceaux, de bruitages : appeaux, sifflets et procédés électroniques imitant les sons de la nature ou, agitant les mains devant les micros, ils reproduisent des bruissements d’ailes…
Autre clin d’œil visible d’entrée de jeu : des costumes traditionnels un peu décalés : toques d’astrakan démesurées et longues robes colorées de style oriental pour les femmes, habit brodé pour l’homme. Ce métissage introduit une distance ironique mais n’altère en rien la force de ces chants, et leur profond enracinement dans un terroir d’où il puisent vigueur et conviction.
On sent aussi, dans cette musique, la part active que les femmes revendiquent aujourd’hui en Ukraine. Une émotion et une sensualité contenues, habitent aussi cet époustouflant concert. A voir ou à entendre : le groupe a déjà cinq CD à son actif…
Parti en procession derrière les DakhaBrakha, le public prend alors place autour de la pièce d’eau qui jouxte le théâtre. Une haute structure métallique surmontée d’un nuage a été érigée au milieu du bassin. L’heure sonne au clocher de l’église illuminé, à ses pieds un homme, solitaire : Benoit Belleville. Il avance lentement dans l’eau, puis grimpe le long des tubulures, tout en haut, pour un saut de l’ange vertigineux dans les nuages.
La musique a fait place au silence. « J’ai toujours travaillé sur la question de l’envol et de la chute, dit le fondateur de la compagnie des Arts Sauts, ancien trapéziste lui-même Avec Nuage, je recherche justement la chute… l’instant de fragilité chez l’homme . »
Un bel instant poétique dans la nuit parisienne…
Mireille Davidovici
Au Monfort, DakhaBrakha et Nuage jusqu’au 17 septembre.T :01 56 08 35 88. Et le 25 novembre, au Théâtre-Sénart 8 Allée de la Mixité, 77127 Lieusaint. T: 01 60 34 53 60
DakhaBrakha : le 26 novembre, à Saint-Barthélémy d’Anjou (49) ; le 7 décembre au au Metronum, 2 Rond-Point Madame de Mondonville, 31200 Toulouse; le 2 décembre, au Rocher de Palmer, Canon (33) et le 9 décembre au Théâtre des Quinconces de Vals-les-Bains (07)