Antoine et Cléopâtre
Antoine et Cléopâtre, texte et mise en scène de Tiago Rodrigues
Tiago Rodrigues, devenu directeur du Théâtre national de Lisbonne, est maintenant bien connu du public parisien (voir Le Théâtre du Blog). Il revient au Théâtre de la Bastille avec une sorte de performance, déjà présentée au festival d’Avignon 2014 ( voir encore Le Théâtre du Blog!).
Il s’agit d’une lecture personnelle, à la limite de la danse, ou plutôt d’une gestuelle très élaborée, d’après l’histoire célèbre, via William Shakespeare, Plutarque etc. qui, depuis plus d’un siècle (donc au temps du muet !) qui inspira nombre de réalisateurs de cinéma dont Joseph Mankiewicz avec un film (1963) où il avait fait jouer cet autre couple célèbre aux amours compliquées, Elizabeth Taylor et Richard Burton,..
Fascinants, ces deux personnages symbolisant Occident et Orient, sont restés fidèles, malgré les épreuve de la séparation et leur appétit de pouvoir. Quand César meurt assassiné, l’Empire romain d’Orient avait été attribué à Marc-Antoine, l’Occident à Octave et l’Afrique à Lépide. Marc-Antoine lui, tombera amoureux de Cléopâtre, dernière reine d’Egypte, (qui avait déjà eu un fils de César !), et réciproquement.
Mais Octave, en grave conflit avec Marc-Antoine, voit d’un mauvais œil son alliance avec la reine d’Egypte. Marc-Antoine reviendra à Rome et épousera Octavie, la sœur d’Octave pour que la paix puisse enfin régner. Mais Cléopâtre, très en colère, essaye de le faire revenir à elle, ce qui rend furieux Octave.
Marc-Antoine retournera en Egypte et aura quatre enfants avec Cléopâtre, de plus en en plus mal vue par Octave qui l’accuse de mettre en danger l’Empire romain. Il lui déclare donc la guerre à Actium mais Cléopâtre s’enfuira en Egypte avec Marc-Antoine. Suivis par Octave qui arrive pour conquérir leur pays. Une fausse-rumeur apprend alors à Marc-Antoine que Cléopâtre s’est suicidée, et il se tue alors d’un coup d’épée. Octave veut punir Cléopâtre en la ramenant à Rome mais elle se fait piquer volontairement par un serpent venimeux…
Il y a tout dans cette histoire : les amours compliquées le pouvoir politique et la guerre, la vie privée et publique, les fastes du pouvoir romain, la mythique Egypte, la Méditerranée, etc.), bref tout pour inspirer plus d’un cinéaste, mais moins sans doute un metteur en scène de théâtre. La pièce du grand William n’a rien d’exceptionnel et Tiago Rodrigues l’a bien compris, préférant en écrire lui-même le texte!
Sur le plateau, juste un grand drap bleuté qui tombe des cintres jusqu’au bord de scène, un mobile avec deux plaques jaunes, et deux autres bleues, translucides et tout rondes, et un banc de bois où est installée une platine à 33 tours qui diffusera de temps à autre, un extrait de la musique de Leon Shamroy et Jack Hildyard composée pour le film de Joseph Mankiewicz.
Les comédiens/danseurs, Sofia Dias et Vitor Roriz racontent l’histoire d’Antoine et Cléopâtre. Elle parle au nom de son amant, et réciproquement. Ce couple, sur scène et dans la vie, a une belle présence. Ils sont jeunes et beaux, impeccables, sanglés dans des jeans moulants, et disent le texte avec élégance et précision.
Ils se présentent : Antoine, dit-elle; Cléopâtre dit-il. Puis, il y a comme une sorte de ping-pong verbal, du genre: « Cléopâtre inspire/Antoine inspire/Cléopâtre expire/Antoine expire » ou variante : Antoine dit/Cléopâtre dit, etc. jusqu’à plus soif… Au début, on écoute charmé cette sorte de poème dramatique mais cela devient lassant: on voit vite les trucs et procédés verbaux qu’utilise Tiago Rodrigues.
Pas une ombre d’émotion dans ce texte finalement assez prétentieux mais une grande virtuosité et une précision absolue du jeu. Mais un peu plus tard, malgré le travail exemplaire des comédiens et la scénographie très épurée, cette joute verbale devient vite ennuyeuse…
Tiego Rodrigues avait réussi un coup exemplaire avec BY HEART/Mundo Perfeito, une petite merveille d’intelligence et de sensibilité, en osmose parfaite avec le public, et une superbe Madame Bovary… Ici, malgré une réalisation exemplaire mais assez sèche, manque ici un véritable texte qui puisse nous passionner, bref, toute une humanité du fait théâtral qui fait cruellement défaut… Encore une fois, la virtuosité ne suffit pas!
Philippe du Vignal
Théâtre de la Bastille 76 rue de la Roquette 75011 Paris T: 01 43 57 42 14, jusqu’au 8 octobre.
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