Let me try

Les Insoumises

Let me try d’après le journal de Virginia Woolf, traduction de Micha Venaille, adaptation et mise en scène d’Isabelle Lafon

 

Attachment-1La metteuse en scène présente, en alternance, trois spectacles dédiés aux écritures au féminin : « L’idée d’un cycle est née avec Deux ampoules sur cinq, d’après les écrits de Lydia Tchoukovskaïa après sa rencontre avec la poétesse Anna Akhmatova, de 1938 jusqu’à sa mort en 1966. (Voir Le Théâtre du Blog).

 Les œuvres de Virginia Woolf et Monique Wittig seront ses deux nouveaux champs d’exploration : « Qui sont ces poètes, écrivains, intellectuels, qui, d’une manière ou d’une autre, résistent ? Drôles, originaux, ces esprits libres tentent de dire, d’écrire un monde bouleversé (…). Pour toutes, le geste d’écriture est l’affirmation d’une posture qui se tient sur les bords. »

Marginale, telle se revendique Virginia Woolf à plusieurs reprises, dans les morceaux choisis par Isabelle Lafon, qu’elle partage sur le plateau avec la longiligne Johanna Korthals Altes et la frêle Marie Piemontese. Parmi les feuilles éparses , les comédiennes exhument des extraits du Journal intégral (1915-1941) et de deux conférences, et tentent, chacune à sa manière, de cerner la personnalité multiforme et contradictoire de l’écrivaine :  » Saisir les choses, disait-elle, avant qu’elles ne se transforment en œuvre d’art « .

Au jour le jour, pendant une demi-heure, après le thé, l’auteure consigne son quotidien:   » 4 août 1917, beaucoup plu, retour par les collines, très humide. » Mais aussi ses réflexions, ses doutes et ses peurs. Le malaise innommable qui la saisit de plus en plus souvent et la conduira à la mort :  » Une horreur physique, elle me bouscule comme une vague qui gonfle « .
Elle raconte aussi bien ses longues promenades à la campagne, de saison en saison, ses soirées londoniennes, et l’installation de la petite imprimerie avec son mari dans leur maison de campagne:  » Monter une entreprise ou rester une petite imprimerie? « , un arbre qu’on abat, la mort d’un ami, et une rencontre avec Sigmund Freud:  » Un vieil homme tout fripé, avec les yeux clairs d’un singe « ,  ou encore une idée de livre qu’elle a eue dans son bain…

Elle se questionne sur son écriture :  » Le cours des événements est trop fluide, comment atteindre la profondeur sans se figer ?  » Elle admire Proust :  » Il va m’influencer beaucoup « . Peut-elle encore écrire après  le succès de Mrs Dalloway ?  » J’ai l’impression de m’être dévêtue de toutes mes robes du bal  » . Elle tente avec acharnement  d’apprivoiser les mots, changeants, contradictoires, rebelles ou soumis:  » Ils sont désobéissants (…) ils murmurent que notre temps est écoulé (…)  » et elle se demande ce qu’il adviendra de son Journal, à sa mort.

Tout au long de la représentation, on sent que le temps lui est compté. Cette urgence s’imprime dans son phrasé et sa prose haletante, que les comédiennes s’approprient au fil du spectacle. Chacune à sa manière va progressivement cerner, puis habiter cette figure complexe : une asociale et une mondaine, une femme et une écrivaine, une conférencière et une exploratrice… Les actrices réussissent à faire émerger un personnage à partir de son œuvre. Mais elles ne se privent pas d’y ajouter leur grain de sel, en échangeant commentaires et précisions à son sujet.

Trois artistes, trois femmes tentent d’en faire revivre une autre. Pari réussi. La grâce habite le plateau pendant une heure dense, dans cette intimité partagée.  » Le réel c’est ce que nous faisons à l’abri des regards « , écrit l’auteure d’Une chambre à soi,  toujours en recherche de sa propre vérité comme l’implique le titre du spectacle.

Mireille Davidovici

Théâtre de la Colline, Paris jusqu’au 20 octobre, en alternance et les samedis et dimanches les trois  spectacles en intégrale T. 01 44 62 52 52 www.colline.fr

 

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