Les Francophonies en Limousin 2016
Les Francophonies en Limousin 2016
Cap sur Port-au-Prince
Trente-troisième édition de ce rendez-vous automnal ouvert sur le monde francophone.
Il est vaste et, cette année, Haïti se trouve à l’honneur, avec une fenêtre sur le Festival des Quatre Chemins, fondé en 2003 et dirigé depuis 2013 par Guy Régis Junior, auteur et metteur en scène, surnommé là-bas « Petit Diable ». Cette durée dans le temps, dit-il, ce n’est pas rien. Surtout dans un pays comme Haïti, soumis aux soubresauts politiques et à l’incertitude comme garantie. »
Limoges s’est fait, le temps d’un week-end, l’écho de la création du pays, avec des expositions, des projections d’œuvres vidéo sur ses murs, et a fait résonner la langue heurtée mais chantante de ses poètes dont celle de Willems Edouard, sauvagement assassiné le 9 juillet 2016. On pourra entendre son écriture dense, syncopée, hachée. Dans Plaies Intérimaires il décrivait sa ville, son pays au visage triste :
« (…)/ Il est une terre aux beautés éteintes / Là/ Une éternelle homélie de pluie pour l’anuitement des astres/
Là/ Tous les soleils pendus aux lampadaires (… ) / Dans ce pays proféré/ Un décembre quotidien commémore le carnage d’un cœur conteur (…) »
Voir Haïti renaissant de ses cendres, tel est l’objectif, comme l’exprime l’écrivain Lyonel Trouillot : « Où est la ville que j’aimais ? / Je ne veux pas être enterré dans le grand cimetière./ Je veux les lumières mortes de la cité de l’exposition./ Je veux les papillons de la Saint-Jean (…)/ Où es la ville que j’aimais ?/ Viens, mon enfant, ma mère,/ Et ressuscite moi que je te ressuscite : / Tes rues s’ouvrant à moi comme des lignes de chances. »
Chérir Port-au-Prince
Sous forme d’un cabaret, Valérie Marin La Meslée, auteure d’une chronique sensible dont elle nous lit des bribes, nous invite par ce biais au voyage dans les bars de la ville, où fermente la vie littéraire et artistique haïtienne : « J’ai connu les bars où l’on discute des expressions du cru, les havres où l’on chante, les scènes où l’on déclame, j’ai lu des inconnus magnifiques, vécu des heures où le temps s’arrête sur celui des mots », écrit-elle. Elle donne la paroles à quelques-uns, rencontrés là-bas : Guy Régis Junior, Marc Vallès, James Noël tentent de nous faire revivre l’ambiance de ces cafés : « Tous ne sont pas des bordels, on les appelle plutôt bars (…) »
On a pu ainsi apprécier les vidéos du plasticien Makseans Denis, que l’on retrouvera le soir projetées sur l’Église Saint-Pierre. Wooly, à la guitare, nous chante son pays d’une voix chaude… On le retrouvera tout au long de la manifestation.
Cette présentation très impressionniste ne fut qu’une entrée en matière approximative. Les différentes rencontres programmées iront plus loin.
Poésie Pays
Autour de James Noël, musiciens et chanteurs( Wooly Saint Louis à la guitare et Claude
Saturne aux percussions) ont reconstitués avec bonheur l’ambiance généreuse des soirées “branchées“ haïtiennes : « (…) / j’invite les poètes de demain/ à faire du porte à porte /aller sceller des baisers sur des poitrines/ pour déverrouiller les cœurs /et marteler des kilos de chaises /sur la tête des assis/ (…) » chante le poète dans Le sang du vitrier.
James Noël caractérise son écriture comme « la métaphore assassine », entre hymne à l’amour et colère orageuse.
En 2010, suite au tremblement de terre il publie La Fleur de Guernica : « Devant ce malheur de grande magnitude, le poète en moi est tombé en enfance, alors j’ai écrit un album jeunesse ». En 2011, il surprend avec la parution de Kana sutra, à l’occasion du festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, publication qu’il définit comme un petit recueil de sagesses champêtres pour fixer ses virages et intranqu’îlités.
Il est le fondateur de Passagers Des Vents, première structure de résidence artistique et littéraire en Haïti et cofondateur, avec la plasticienne Pascale Monnin, et de la revue Intranqu’îllités, l’une des plus belles revues de littérature contemporaine de langue française, dont la version en ligne est hébergée par Médiapart.
C’est tout un continent de la littérature à découvrir.
(À suivre…)
Mireille Davidovici
Prochaines rencontres : Poésie Pays autour de Lyonel Trouillot 29 septembre; rencontre avec Lyonel Trouillot, 30 septembre
Les Francophonies en Limousin jusqu’au 1er octobre
Plaies intérimaires, Willems Edouard. Éditions Mémoires d’encrier
Nous sommes des villes disparues, Lyonel Trouillot in Anthologie de la poésie haïtienne, Point Poésie
Chérir Port-au-Prince, Valérie Marin La Meslée. Éditions Philippe Rey
Le pyromane adolescent suivi de Le sang du vitrier. Seuil (Points), 2015.
Kana Sutra, éditions Vents d’Ailleurs, 2011
La fleur de Guernica (première fiction sur le séisme du 12 janvier en Haïti), illustré par Pascale Monnin, éditions Vents d’Ailleurs.