C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde

C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde de Claire Fretel, Thiphaine Gentilleau et Chloé Olivères

 

c'est un peu compliquéComédiennes confirmées, elles ont envie de jouer, mais de jouer ce qui leur tient à cœur, et au ventre. Voilà : elles se sont baptisées « les filles de Simone », S de B signifiant Simone de Beauvoir et non salle de bains, encore que cette pièce ait à voir avec le début de l’histoire. Un test de grossesse, positif : tandis que la nature «reprend ses droits» (qui ne sont pas des droits mais des faits biologiques), la société entière accable la future « maman » (car on ne peut parler d’elle qu’avec les mots de l’enfant à venir). D
Discours anxiogène et mécaniste du médecin, discours lénifiant, obstinément optimiste, rose bonbon de la gourou des accouchements « naturels », images de la vierge à l’enfant, et avec ça, la (grand) mère possessive qui s’empare du bébé. « C’est tout toi ! », dit-elle. « Non, c’est-elle », rectifie la jeune mère…

Les trois comédiennes-auteures se sont donc emparées de leur expérience de la maternité : manque de solidarité professionnelle des femmes face à une consœur (?) enceinte,  désir ou non d’avoir un enfant, dans une société qui s’empare de la femme concernée tout en l’excluant, de la joie à la dépression post-natale, désir de retrouver son amoureux, tout en constatant que ça fait mal…
Dit comme cela, le spectacle semble et est très sérieux. Mais aussi irrésistiblement drôle. Et fait  comment? Justement de la vérité d’une expérience que la plupart des femmes connaissent, d’un paquet de langues de bois qu’elles reconnaissent, de leurs angoisses et de leurs roucoulements devant la petite merveille.  Elle disent aussi ce qui leur est pris: quatre-vingt-dix-neuf pour cent de leur liberté et de leur temps, et ce qui leur est donné (quand tout va bien) : le plus beau bébé du monde, le bambin le plus futé de sa petite section de maternelle…

Elles incluent même le partenaire masculin dans cette affaire. Il faut voir de quoi est faite une barbe : aussi (dé)culotté que du Jérôme Savary (pour ceux qui ne l’ont pas oublié!). Ce n’est pas Shakespeare, ni Tchekhov. Non, elles ne veulent pas revisiter Les Trois sœurs, juste faire circuler entre les deux comédiennes et qui n’ont pas peur de provoquer le public, les différents rôles qu’on attribue à la mère, ou à la maman, et à tous ceux qui sont mêlés à l’affaire.
La série de situations, vivement enlevées, va plus loin que le sketch : ni ironie ni dérision, le rire naît, encore une fois, du vrai et de ses contradictions. Et aussi de la virtuosité des deux filles : il faut entendre la tirade débitée à deux cent à l’heure, sur la journée d’une comédienne en répétition qui doit déposer son enfant à la crèche, alors que son compagnon, justement ce jour-là, rentre tard… On se dit que le théâtre est vraiment une belle chose, qui fait d’un réel tourment, d’une angoisse quotidienne, une heure et quart de rire, avec quelques beaux silences.
L’émotion, quand même…

Christine Friedel

Théâtre du Rond-Point, Paris T: 01 44 95 98 21, jusqu’au 2 octobre.

Enregistrer


Archive pour septembre, 2016

Let me try

Les Insoumises

Let me try d’après le journal de Virginia Woolf, traduction de Micha Venaille, adaptation et mise en scène d’Isabelle Lafon

 

Attachment-1La metteuse en scène présente, en alternance, trois spectacles dédiés aux écritures au féminin : « L’idée d’un cycle est née avec Deux ampoules sur cinq, d’après les écrits de Lydia Tchoukovskaïa après sa rencontre avec la poétesse Anna Akhmatova, de 1938 jusqu’à sa mort en 1966. (Voir Le Théâtre du Blog).

 Les œuvres de Virginia Woolf et Monique Wittig seront ses deux nouveaux champs d’exploration : « Qui sont ces poètes, écrivains, intellectuels, qui, d’une manière ou d’une autre, résistent ? Drôles, originaux, ces esprits libres tentent de dire, d’écrire un monde bouleversé (…). Pour toutes, le geste d’écriture est l’affirmation d’une posture qui se tient sur les bords. »

Marginale, telle se revendique Virginia Woolf à plusieurs reprises, dans les morceaux choisis par Isabelle Lafon, qu’elle partage sur le plateau avec la longiligne Johanna Korthals Altes et la frêle Marie Piemontese. Parmi les feuilles éparses , les comédiennes exhument des extraits du Journal intégral (1915-1941) et de deux conférences, et tentent, chacune à sa manière, de cerner la personnalité multiforme et contradictoire de l’écrivaine :  » Saisir les choses, disait-elle, avant qu’elles ne se transforment en œuvre d’art « .

Au jour le jour, pendant une demi-heure, après le thé, l’auteure consigne son quotidien:   » 4 août 1917, beaucoup plu, retour par les collines, très humide. » Mais aussi ses réflexions, ses doutes et ses peurs. Le malaise innommable qui la saisit de plus en plus souvent et la conduira à la mort :  » Une horreur physique, elle me bouscule comme une vague qui gonfle « .
Elle raconte aussi bien ses longues promenades à la campagne, de saison en saison, ses soirées londoniennes, et l’installation de la petite imprimerie avec son mari dans leur maison de campagne:  » Monter une entreprise ou rester une petite imprimerie? « , un arbre qu’on abat, la mort d’un ami, et une rencontre avec Sigmund Freud:  » Un vieil homme tout fripé, avec les yeux clairs d’un singe « ,  ou encore une idée de livre qu’elle a eue dans son bain…

Elle se questionne sur son écriture :  » Le cours des événements est trop fluide, comment atteindre la profondeur sans se figer ?  » Elle admire Proust :  » Il va m’influencer beaucoup « . Peut-elle encore écrire après  le succès de Mrs Dalloway ?  » J’ai l’impression de m’être dévêtue de toutes mes robes du bal  » . Elle tente avec acharnement  d’apprivoiser les mots, changeants, contradictoires, rebelles ou soumis:  » Ils sont désobéissants (…) ils murmurent que notre temps est écoulé (…)  » et elle se demande ce qu’il adviendra de son Journal, à sa mort.

Tout au long de la représentation, on sent que le temps lui est compté. Cette urgence s’imprime dans son phrasé et sa prose haletante, que les comédiennes s’approprient au fil du spectacle. Chacune à sa manière va progressivement cerner, puis habiter cette figure complexe : une asociale et une mondaine, une femme et une écrivaine, une conférencière et une exploratrice… Les actrices réussissent à faire émerger un personnage à partir de son œuvre. Mais elles ne se privent pas d’y ajouter leur grain de sel, en échangeant commentaires et précisions à son sujet.

Trois artistes, trois femmes tentent d’en faire revivre une autre. Pari réussi. La grâce habite le plateau pendant une heure dense, dans cette intimité partagée.  » Le réel c’est ce que nous faisons à l’abri des regards « , écrit l’auteure d’Une chambre à soi,  toujours en recherche de sa propre vérité comme l’implique le titre du spectacle.

Mireille Davidovici

Théâtre de la Colline, Paris jusqu’au 20 octobre, en alternance et les samedis et dimanches les trois  spectacles en intégrale T. 01 44 62 52 52 www.colline.fr

 

Enregistrer

Container par la compagnie Manso O Biggi

 

Festival Le temps d’aimer la danse à Biarritz :

Container par la compagnie Manso O Bigi

 

image

(C) Jean Couturier

  Ce festival réserve souvent de belles surprises, comme cette pièce de vingt minutes. Damiano Ottavio Bigi et Africa Manso Asensio, se rencontrent au pied d’un conteneur déposé devant le phare de Biarritz.
Le couple se découvre, se poursuit, se cherche, puis se perd ; une complicité naît entre eux. Puis elle  entame un solo tendre et sauvage, sous le regard de son compagnon.  Ils invitent ensuite vingt spectateurs à les rejoindre à l’intérieur du conteneur, surchauffé ! compte-tenu des conditions climatiques.

Le public, emporté par une belle chorégraphie, assiste au plus près à l’union des deux corps. La sensualité des gestes et des mouvements impressionne, d’autant que la mobilité des danseurs est limitée par les parois du conteneur.
Contraste touchant entre la simplicité de ce cadre de scène métallique improvisé et la sophistication des entremêlements corporels. Damiano Ottavio Bigi, italien, et Africa Manso Asensi, espagnol, se sont rencontrés au Centre National de la Danse Contemporaine d’Angers. Ensuite, chacun a suivi un riche parcours professionnel : lui, auprès du Tanztheater de Wuppertal  chez Pina Bausch; elle, dans la compagnie Claude Brumachon.

 La performance s’est répétée trois fois dans l’après-midi, avec une chorégraphie autour et  à l’intérieur de ce conteneur, qui invite au voyage et qui peut s’adapter à une place, une plage, un théâtre… et auprès de publics très divers. Cette pièce ambulante a tourné en France, en Italie ou en Espagne.
Il faut aller à la rencontre de ces excellents danseurs.

 

Jean Couturier

letempsdaimer.com              

Il faut beaucoup aimer les hommes

Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq, conception et écriture du projet de Das Plateau, mise en scène de Céleste Germecartepostale_ifbalh_1617_5_image Toute l’équipe de Das Plateau, soit quelque dix-neuf personnes dont David Daurier 1 pour le montage des images  ont conçu cet étonnant spectacle, à partir de ce livre de Marie Darrieussecq  !
Avec deux acteurs seulement, Cyril Gueï et Maëlys Ricordeau, servis par une technique éblouissante dans un décor réduit au minimum, pour raconter une violente histoire d’amour née à Hollywood, entre Solange, grande actrice blanche et Kouhouesso,  un comédien noir  abonné aux seconds rôles, mais qui rêve de tourner Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, dans son pays d’origine, le Cameroun.
Dans la première séquence, on les découvre émergeant d’un tunnel lumineux- et à la profondeur étonnante dans cette petite salle de Théâtre ouvert. Ils ont d’énervants micros accrochés au menton… qu’ils perdent heureusement par la suite.
Ils font connaissance, se livrent aux confidences: Solange est amoureuse, lui refuse de se livrer et part au petit matin sans jamais s’installer. Et il est rongé par son projet de film, mais réussit à partir au Cameroun et nous y emmène avec des images surprenantes. Solange le rejoint, tourne dans son film, mais, au retour en France, elle découvre que son personnage a disparu .
Douleur, rupture, dépression, oubli: Solange finira quand même par retrouver son amant plusieurs années après mais trop tard… Théâtre ou cinéma, on ne sait plus bien, tant les effets scéniques sont maîtrisés, la musique et le jeu des acteurs  surprenants. En tous cas, une belle réussite.

Après Le bon chemin, théâtre-performance, (2009),  Sig Sauer Pro, un film réalisé en 2010, Notre printemps créé  au Théâtre de Gennevilliers en 2012, Dia de mucho, Vispera de nada (2013), et Cours les prairies (2014), le spectacle confirme la maîtrise étonnante de ce collectif pluridisciplinaire.

Edith Rappoport

Théâtre Ouvert jusqu’au 22 octobre à 20 h, du lundi au samedi. T: 01 42 55 55 50; le 18 novembre  au Pôle Culturel d’Alfortville; le 26 novembre, à la Ferme du Buisson de Marne-la-Vallée.
Du
6 au 14 décembre, Comédie de Reims.
Du
4 au 7 janvier, Centre Dramatique National d’Orléans et le 13 avril, Espace Pluriels de Pau.

Monkey Money

20160202-monkeymoneysimongosselin2

Monkey Money  texte et mise en scène de Carole Thibaut

 

Après avoir dirigé Confluences à Paris  et  maintenant à la tête du Centre Dramatique National de Montluçon, rebaptisé Théâtre des Ilets, Carole Thibaut continue à se battre pour l’égalité hommes/femmes, et prend part notamment aux Journées du matrimoine…  Pour Monkey Money (en référence à la monnaie de singe), elle raconte que l’idée du spectacle lui est venue, après qu’elle ait passé une journée dans un centre de crédit, où, grâce à une connaissance, elle a pu se balader du service de recouvrement à celui de la communication, en passant par ceux de la vente ou la comptabilité. Surprise par la fausse bonne ambiance qui y régnait, elle a interrompu ses projets en cours pour raconter, comme en urgence, ce « cœur fermé de l’enfer capitaliste »

 Cela se passe  pendant une fête d’anniversaire de la Bee Wi Bank, où un jeune loup, image de la réussite fulgurante de cet établissement, est intronisé par le patriarche, dirigeant historique et fondateur, qu’il décrirait presque comme une entreprise sociale qui cherche à rendre riches les pauvres.
 Le champagne coule à flots, et la fille du patriarche offre sa main au jeune ambitieux en lui expliquant qu’il lui faudra impérativement entrer dans la famille, s’il veut un jour présider aux destinées de la Bee Wi Bank. Un homme entre alors, et à la surprise générale, apostrophe le directeur et  fondateur : il s’immolera en plein milieu de la fête, si sa dette n’est pas annulée. Il discutera ensuite avec la fille héritière, en lui demandant de prendre soin de sa fille à lui, une fois qu’il se sera fait cramer…

Il tient parole! Commence alors la deuxième partie où tout semble se retourner et où la fille du patriarche ira dans les sombres quartiers, à la recherche de celle qu’elle nommera désormais sa fille, conformément aux dernières volontés de son défunt père. Thème très actuel, mais l’écriture de Carole Thibaut qui mêle le concret et le symbolique ne fait pas mouche à chaque fois. Même si elle essaye de prendre le parti de chacun, il y a souvent beaucoup de premier degré, et des passages en voix off, très écrits mais inutiles.

Dommage ! Le spectacle est servi par une scénographie intelligente et bien éclairée,  avec des châssis semi-opaques qui permettent de passer de la richesse au chaos, et qui font aussi écran pour une vidéo-c’est rare-pas trop intrusive…
A la hauteur d’une mise en scène qui tente d’en mettre plein la vue : Arnaud Vrech est  excellent en jeune ambitieux, Valérie Schwarcz touchante et Charlotte Fernand  toujours  en colère. Thierry Bosc, lui,  campe un patriarche  excessif, et Michel Fouquet semble, lui, un peu trop calme. Carole Thibaut s’empare d’un thème intéressant mais difficile, et malgré une écriture pourtant prometteuse, le spectacle n’arrive pas à vraiment décoller…

Julien Barsan

Maison des Métallos, Paris, jusqu’au 25 septembre. T : 01 47 00 25 20.
Théâtre des Ilets, C.D.N. de Montluçon, du 11 au 14 octobre. T : 04 70 03 86 18

 

La Belle au bois dormant

La Belle au bois dormant,chorégraphie d’Alexei Ratmansky et Marius Petipa

© Opéra de Paris

© Opéra de Paris

L’Opéra-Bastille a ouvert sa saison avec La Belle au bois dormant, un spectacle de l’American Ballet Theatre, dans la version de Marius Petipa qui l’avait présentée en 1890 au théâtre Mariinsky, à Saint-Petersbourg. Alexei Ratmansky, diplômé de l’école du Bolchoï à 18 ans, et chorégraphe en résidence dans cette troupe depuis six ans, s’inspire souvent de son grand prédécesseur, George Balanchine.
Ici, pour cette recréation de la chorégraphie originale (1890) de Marius Petipa , il s’est appuyé sur les nombreuses lettres que Piotr Ilyitch Tchaïkovski envoya au chorégraphe français mais aussi  sur L’Alphabet des mouvement du corps humain, un livre, publié à Paris en 1892, de Vladimir Stepanov, danseur et pédagogue russe (1866-1896) qui avait conçu son propre système de nota du mouvement fondé sur la notation musicale (voir Danses tracées de Laurence Louppe).
Richard Hudson, lui, a reconstitué les décors et costumes de Léon Bakst qu’il avait créés pour une reprise du spectacle en 1921, pour Les Ballets russes de Serge Diaghilev. Soixante-dix danseurs en interprètent les personnages, avec un jeu expressif, proche de la pantomime, comme, par exemple, dans la scène dite des fées. Léon Bakst  avait transposé l’action de La Belle au bois dormant dans une cour du XVIIIème siècle, mais… les danseurs  américains semblaient gênés par de lourdes robes à panier et par d’imposantes perruques, en particulier dans les deux premiers actes.

Le début  du spectacle nous transporte dans ce conte de Charles Perrault, en nous faisant redécouvrir le défilé des sept fées, puis l’intervention maléfique de Carabosse. Le second acte, avec la fameuse scène romantique du réveil, prend ici des allures de superproduction de cinéma… On redécouvre des personnages de Charles Perrault comme le petit Poucet, Cendrillon et le petit Chaperon rouge !
Alexei Ratmansky ressuscite donc une Belle au bois dormant, qu’ il a nettoyée des performances et amples mouvements de la danse classique, et impose à ses interprètes une gestuelle un  peu lente, celles des danses de cour en Europe. Cette reconstitution presque archéologique est plus jouée que dansée… d’où une certaine déception du public. Mais les envolées lyriques de la musique de Tchaïkowski sont, elle,  bien au rendez-vous…

Nathalie Markovics

Spectacle joué à l’Opéra-Bastille, du 2 au 9 septembre. A noter: une exposition Léon Bakst à l’Opéra de Paris, à partir du 22 novembre.
www.operadeparis.fr

Antoine et Cléopâtre

 

Antoine et Cléopâtre, texte et mise en scène  de Tiago Rodrigues


imageTiago Rodrigues, devenu directeur du Théâtre national de Lisbonne, est maintenant bien connu du public parisien (voir Le Théâtre du Blog). Il revient au Théâtre de la Bastille avec une sorte de performance, déjà présentée au festival d’Avignon 2014 ( voir encore Le Théâtre du Blog!).
Il s’agit d’une lecture personnelle, à la limite de la danse, ou plutôt d’une gestuelle très élaborée, d’après l’histoire célèbre, via  William Shakespeare, Plutarque etc. qui, depuis plus d’un siècle (donc au temps du muet !) qui inspira  nombre de réalisateurs de cinéma dont Joseph Mankiewicz avec un film (1963) où il avait fait jouer cet autre couple célèbre aux amours compliquées, Elizabeth Taylor et Richard Burton,..
Fascinants, ces deux personnages symbolisant Occident et Orient, sont restés  fidèles, malgré les épreuve de la séparation et leur appétit de pouvoir. Quand César meurt assassiné, l’Empire romain d’Orient avait été attribué à Marc-Antoine, l’Occident à Octave et l’Afrique à Lépide. Marc-Antoine lui, tombera amoureux de Cléopâtre, dernière reine d’Egypte, (qui avait déjà eu un fils de César !), et réciproquement.
Mais Octave, en grave conflit avec Marc-Antoine, voit d’un mauvais œil son alliance avec la reine d’Egypte. Marc-Antoine reviendra à Rome et épousera Octavie, la sœur d’Octave pour que la paix puisse enfin régner. Mais Cléopâtre, très en colère, essaye de le faire revenir à elle, ce qui rend furieux Octave.

Marc-Antoine retournera en Egypte et aura quatre enfants avec Cléopâtre, de plus en en plus mal vue  par Octave qui l’accuse de mettre en danger l’Empire romain. Il lui déclare donc la guerre à Actium mais Cléopâtre s’enfuira en Egypte avec Marc-Antoine. Suivis par Octave qui arrive pour conquérir leur pays. Une fausse-rumeur apprend alors à Marc-Antoine que Cléopâtre s’est suicidée, et il se tue alors d’un coup d’épée. Octave veut punir Cléopâtre en la ramenant à Rome mais elle se fait piquer volontairement par un serpent venimeux…
Il y a tout dans cette histoire : les amours compliquées  le pouvoir politique et la guerre, la vie privée et publique, les fastes du pouvoir romain, la mythique Egypte, la Méditerranée, etc.), bref tout pour inspirer plus d’un cinéaste, mais moins sans doute un metteur en scène de théâtre.  La pièce du grand William n’a rien d’exceptionnel et Tiago Rodrigues l’a bien compris,  préférant  en écrire lui-même le texte!
Sur le plateau, juste un grand drap bleuté qui tombe des cintres jusqu’au bord de scène, un mobile avec deux plaques jaunes,  et deux autres bleues, translucides et tout rondes, et un banc de bois où est installée une platine à 33 tours qui diffusera de temps à autre, un extrait de la musique de Leon Shamroy et Jack Hildyard composée pour le film de Joseph Mankiewicz.
Les comédiens/danseurs, Sofia Dias et Vitor Roriz racontent l’histoire d’Antoine et Cléopâtre. Elle parle au nom de son amant, et réciproquement. Ce couple, sur scène et dans la vie, a une belle présence. Ils sont jeunes et beaux, impeccables, sanglés dans des jeans moulants, et disent le texte avec élégance et précision.
Ils se présentent : Antoine, dit-elle; Cléopâtre dit-il. Puis, il y a comme une sorte de ping-pong verbal, du genre: « Cléopâtre inspire/Antoine inspire/Cléopâtre expire/Antoine expire » ou variante : Antoine dit/Cléopâtre dit, etc. jusqu’à plus soif… Au début, on écoute charmé cette sorte de poème dramatique mais cela devient lassant: on voit vite les trucs et procédés verbaux qu’utilise Tiago Rodrigues.

 Pas une ombre d’émotion dans ce texte finalement assez prétentieux mais une grande virtuosité et une précision absolue du jeu. Mais un peu plus tard, malgré le travail exemplaire des comédiens et la scénographie très épurée, cette joute verbale devient vite ennuyeuse…
Tiego Rodrigues avait réussi un coup exemplaire avec BY HEART/Mundo Perfeito, une petite merveille d’intelligence et de sensibilité, en osmose parfaite avec le public, et  une superbe Madame Bovary… Ici, malgré une réalisation exemplaire mais assez sèche, manque ici un véritable texte qui puisse nous passionner, bref, toute une humanité du fait théâtral qui fait cruellement défaut… Encore une fois, la virtuosité ne suffit pas!

Philippe du Vignal

Théâtre de la Bastille 76 rue de la Roquette 75011 Paris  T: 01 43 57 42 14,  jusqu’au 8 octobre.

 

Enregistrer

Enregistrer

Le Maniement des larmes

Le Maniement des larmes, troisième volet de la trilogie Bleu-Blanc-Rouge: l’A-Démocratie, de, et par Nicolas Lambert

le-maniement2Ce documentaire théâtral, maintenant bien connu d’un large public (voir Le Théâtre du Blog) se propose « d’observer, dit Nicolas Lambert, trois domaines régaliens du régime français. Régaliens, qui ont toujours été à la discrétion du seul Roi (ou Empereur, ou Président de la République suivant le contexte) et que la démocratie en est toujours absente aujourd’hui.”
Thème de ce dernier volet: ce qui tourne autour du quatrième exportateur mondial d’armement qu’est depuis longtemps, et que reste encore la douce France. Dans une opacité totale ou presque- le Parlement étant depuis un décret-loi de 1929, tenu à l’écart de toute information réelle!

Mais parfois cette machine bien huilée connaît heureusement quelques ratés, quand certains journalistes et juges d’instruction avertis et à la ténacité exemplaire, s’emparent d’un de ces épisodes qui ne font ni la gloire de la République française et ni celle des hommes et femmes politiques- tout bords confondus-censés nous gouverner. Aidés par quelques énarques de cabinets ministériels aux dents longues, et par des trafiquants sans aucun scrupule.
Tout cela ne va pas bien entendu  sans des mensonges évidents (plus c’est gros, plus cela passe) et  ceux  de ministres en exercice et de leurs conseillers, voire de Présidents de la République, écoutes téléphoniques et valises bien remplies livrées à domicile ou dans la rue. Et tout ce beau monde nie en chœur qu’il puisse y avoir parfois des  dommages collatéraux avec des morts à la clé, comme dans l’attentat de Karachi qui est à la base du scénario de ce Maniement des Larmes.

Comme l’ont révélé des journalistes de Médiapart, « Le parquet de Paris a refusé d’ouvrir une enquête sur les mensonges de plusieurs hauts responsables des services de renseignement français concernant l’un des personnages-clés de l’affaire, le Saoudien Ali Ben Moussalem. Mêlé à la corruption sur les marchés militaires français, il est aussi étroitement lié au financement du terrorisme. » De quoi mettre mal à l’aise plus d’un Ministre de la Justice…
Résumé des faits : un attentat-suicide avait eu lieu en 2002, à Karachi, capitale du Pakistan, et avait provoqué la mort de quatorze personnes, dont onze employés français de la Direction des constructions navales. Leur bus militaire avait été pulvérisé par un kamikaze au volant d’un faux taxi. Attentat encore officiellement attribué à Al-Quaïda, il y a cinq ans. Mais depuis l’enquête  a montré que l’attentat avait été réalisé avec  des explosifs provenant d’arsenaux pakistanais ! Sans doute par représailles contre la France, et organisées par des services secrets du pays.
Mais les choses s’étaient vite compliqué : pour favoriser la signature d’un contrat de vente de sous-marins, des commissions avaient été versées par la France à certains intermédiaires qui les transféraient ensuite sur les comptes de Pakistanais haut placés. Méthodes admises dans l’industrie de l’armement et autorisées jusqu’en 2000. En 1995, Jacques Chirac, élu président de la République, en ordonnait l’arrêt dans ce contrat, comme dans celui de frégates vendues à l’Arabie saoudite. Il y aurait eu sans doute des rétro-commissions, pour financer la campagne présidentielle du Premier ministre Edouard Balladur !
  C’est tout cela que décortique avec intelligence, Nicolas Lambert après un remarquable travail sur des pièces authentiques, et absolument incontestables, comme des interviews à la radio  d’une famille comme celle de Thierry Gaubert, et des enregistrements d’écoutes téléphoniques, entre autres ceux d’intermédiaires comme Ziad Takieddine, de procès-verbaux d’auditions.  
Nicolas Lambert imite avec férocité Edouard Balladur, Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, Thierry Gaubert, Anne Lauvergeon, François Léotard qui considérait en 2002 qu’il y avait eu «une vengeance de personnes n’ayant pas touché leur part de commissions », ou Michelle Alliot-Marie  et Bernard Cazeneuve, actuel ministre de l’Intérieur et à lépqoue maire de Cherbourg ‘où venient les malheureuses victimes ! On entend aussi la voix de Mohamed Khadafi et de son fils. Le comédien a un don exceptionnel pour mettre en évidence les mensonges par omission ou par pirouettes, de gens très (trop ?) sûrs d’eux.
Il suffit de remarquer les hésitations, demi-aveux ou affirmations éhontées des uns et des autres, pour voir très vite les aspects fort peu reluisants de cette affaire. Et Nicolas Lambert, très habilement n’en rajoute pas,  et appuie juste là où cela fait mal.  Ce tricotage, mené de main de maître, se suit comme un feuilleton souvent passionnant.   Et on finit par comprendre que tous  ces gens, souvent très liés entre eux, connaissent bien au moins une partie de la vérité mais qu’ils ne diront jamais rien.
  Ce Maniement des larmes est un spectacle drôle, incisif qui se termine par un brillant discours de Michel Roccard (trop long), comme les deux premières parties de ce spectacle qui souffre d’une dramaturgie maladroite, mais aussi d’un manque de rythme, passée la première heure. Malgré Erwan Temple qui assure la régie sur scène et Jean-Yves Lacombe au violoncelle, qui apporte lui un peu de fraîcheur dans cet étalement de pourriture.
 Nicolas Lambert pourrait resserrer les choses et se limiter à 90 minutes sans que cela nuise aucunement au spectacle, et nous épargner, entre autres, ces répétitions lassantes d’appels téléphoniques de Ziad Takieddine. Il y a bien un fil rouge mais on a souvent l’impression que cet ensemble de petites séquences a parfois tendance à faire du sur-place et hésite un peu entre théâtre et sketches.
Malgré encore une fois, les indéniables qualités-concentration, diction et gestuelle impeccables-de Nicolas Lambert…

Philippe du Vignal

Théâtre de Belleville 94 rue du Faubourg du Temple 75011 Paris T: 01 48 06 34, jusqu’au 4 décembre. Les deux autres parties de cette trilogie: Elf, la pompe Afrique se joue du 7 au 11et du 19 au 23 décembre. Et Avenir radieux, une fission française  du 14 au 18 et du 26 au 30 décembre.

Le texte est  publié aux Editions de l’Echappée.

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Rêve et Folie de Georg Trakl

Rêve et Folie de Georg Trakl, d’après Crépuscule et déclin et Sébastien en rêve, traduction de Marc Petit et Jean-Claude Schneider,  mise en scène de Claude Régy

 

03-reveetfolieGeorg Trakl (1887-1914), poète autrichien, étoile fulgurante et sombre au souffle rimbaldien, et admirateur de Fiedor Dostoïevski, eut une vie brève et intense mais  douloureuse, marquée par les excès de drogue et d’alcool, et par un inceste avec sa sœur Margarete.
Le jeune homme, qui se sent coupable et qui craint de tomber dans la folie et la culpabilité, s’insère avec difficulté dans la société. Les horreurs de la grande guerre poursuivent de son aile néfaste, le jeune poète. Soldat-pharmacien sur le front macabre de Grodek, il mourra à l’hôpital, en novembre 1914, d’une surdose de cocaïne. Accident ou suicide, cette triste fin restera énigmatique…

La poésie de Georg Trakl, d’inspiration expressionniste signe la modernité d’avant 1914. Sébastien en rêve s’apparente à une «douce folie», solennité religieuse et figure mythique de Saint-Sébastien supplicié. L’existence entière se révèle ainsi être celle d’un martyr : souffrance et douleur, angoisse et mort.
Un paysage de nuit et brouillard annonce un mouvement de déclin et de folie, entre putréfaction et mélancolie, puisque le paradis enfantin est perdu à jamais. L’inceste  avec sa sœur restera une de ses images de rejet : «Ma vie s’est brisée. [...] Dites-moi que je ne suis pas fou. Je suis plongé dans une obscurité de pierre. Ô mon ami, comme je suis devenu petit et malheureux. »

Rêve et Folie, poème autobiographique, résonne d’une musique apocalyptique, et prophétise le cataclysme occidental du début du XXème siècle : «Toutes les routes mènent à la putréfaction noire. »

Claude Régy, fasciné par le sentiment de solitude existentielle entre souffle et disparition, interstice entre vie et mort, a mis en scène ce spectacle-performance lumineux, vrai soleil noir, avec l’un de ses comédiens attitrés,Yann Boudaud.

Sallahdyn Khatir a imaginé un dessous d’arche de pont, où l’ombre domine la lumière-matérialisation subtile des arcanes de la création moderne. Cette forme scénographique ovale englobe en son centre le comédien, comme un œil immense.
Yann Boudaud se déplace avec lenteur et précaution, étirant les bras en croix et levant doucement la jambe, avant de la reposer sur le sol, tout aussi doucement. Du fond de la scène,  il s’approche,  pas à pas, des spectateurs attentifs, à l‘écoute furtive de l’inouï.

Le verbe poétique de Georg Trakl,  qui participe d’une sorte de caverne platonicienne d’images colorées et sensorielles, frappe les esprits. Avec des scènes fortes : mort du père, mère au visage blafard, enfance perdue, et la mort s’avançant à pas lents : un cauchemar expressionniste… Le poète pourtant  avance sans relâche mais erre dans le froid et le givre où il se sent très seul.

Reviennent en mémoire les pierres glacées d’un monastère avec son caveau, sa chambre des morts dont les mains déjà tâchées de vert, pourrissent. L’envers du jour devient un thème obsessionnel, quand le promeneur erre dans une «nuit étoilée», un «jardin étoilé», «sous la lune blanche » ou «la nuit argentée de la lune». L’aube rougeoyante accorde ses reflets lumineux à la montagne hivernale, et les rencontres sont souvent annonciatrices de la mort.

Le marcheur viole un enfant, figure détournée de sa sœur, dont le visage ressemble  étrangement au sien. Il étrangle un chat, puis coupe le cou d’une colombe, et dénombre toutes les traces de putréfaction qui blessent le regard du vivant. Dans l’embrasure d’une porte, à travers une prose poétique suffocante, et hérissée de heurts et d’arrêts, apparaît l’ombre maternelle, souvent celle de la sœur, et parfois celle d’un ange.
 Remords et culpabilité rongent sourdement le poète à l’éloquence tendue, figure onirique enserrée dans le silence, accompagnée par l’univers sonore de Philippe Cacchia qui a imaginé un bruit sourd, à la fois lancinant et oppressant de moteur de lourde machine, aux confins du mystère moderne… Comment mieux dire l’absence de Dieu et la solitude absolue de l’homme ? Le poète évoque le poids sur ses épaules, d’une race maudite: celle de la faute et du péché.

Après une si belle expérience, le spectateur pourra relire les Écrits (1991-2011) de Claude Régy où il avoue qu’ «il y a un courage dans la vitalité, incompréhensible, fabuleux, de vivre jour après jour (…) Il y a probablement une force de vie qui est en nous, qui est déposée, qui fait qu’on encaisse tout, parce qu’on a besoin de continuer. Ce besoin que la vie continue à être vivante. »
Rêve et Folie témoigne de cette persévérance à être, et à exister, en dépit de tout, grâce à Georg Trakl, Claude Régy et Yann Boudaud.

Véronique Hotte

Théâtre Nanterre-Amandiers/Festival d’Automne, 7 avenue Pablo Picasso, Nanterre (92),  jusqu’au 21 octobre. T: 01 46 14 70 00/ 01 53 45 17 17.

Écrits 1991-2011 de Claude Régy  sont publiés aux éditions Les Solitaires intempestifs.

 

Enregistrer

Poil de carotte, librement inspiré du roman de Jules Renard

Poil de carotte, librement inspiré du roman de Jules Renard, conception et mise en scène de Silvia Costa

 

silvia_boschieroBottes de foin sur scène, paille dans la salle, cage à lapins, seau en fer pour l’eau et un autre pour les grains des poules : le public sent l’odeur chaude de l’étable et chemine dans l’air campagnard avant de s’asseoir. Agathe Molière incarne Poil de carotte, ce polisson- tête rousse et silhouette de gringalet. Bavard, il précise aux spectateurs l’orientation géographique de la grange, en face de la maison des Lepic, un intérieur qu’il craint, et qu’il nous fera explorer un peu plus tard.

 La nouvelle bonne à tout faire des Lepic survient, prétexte pour lui, à énumérer les habitudes de la famille: le matin, Madame Lepic boit un café au lait, comme Monsieur Lepic, et Félix, leur autre fils, un chocolat ; quant au narrateur aux cheveux roux, il se sert tout seul, prend un verre d’eau et des restes… La domestique est humaine, mais Poil de carotte lui demande de le maltraiter, si sa mère est là; ces deux  personnages dépréciés et proches s’accorderont ainsi…

Nulle plainte ou reproche ne s’échappent de sa bouche enfantine : la jeune femme ne peut recueillir du beau parleur, les mauvais traitements qu’il subit. Alors que la violence s’installe, dès que se rassemblent les parents, Félix et Poil de Carotte qui, lui, semble ne pas faire partie de la tribu… Sa mère se montre en effet menaçante et cruelle, uniquement occupée de Félix, son fils chéri, et amenant Monsieur Lepic, plus bonhomme, à ses vues.
Poil de Carotte subit ainsi l’éviction systématique du groupe familial. Il a son caractère, et aime réfléchir ; vivant au plus près de la terre et de ses  envies, il refuse d’adhérer à la convention, résiste au harcèlement, et écrit des lettres à son père qu’il aime : il  rêve d’aller dans la grande ville… à Paris.

L’énergie à vivre et à découvrir le monde emporte ses petites amertumes quotidiennes qui ne sauraient entamer son désir profond. Portés sur la scène par les comédiens, des panneaux  exposent les mésaventures de Poil de Carotte, comme la chasse, les poux, la taupe, la révolte : tout le petit monde de l’enfant se tient là. Et la dimension initiatrice de l’œuvre passe par une scénographie à la fois simple et ouvragée. Des tableaux peints glissent sur le plateau : salle à manger, chambres du fils et du père, avec une  bureau éclairé par une bougie, où chacun écrit de son côté.
Le sol à carreaux noirs et blancs et les meubles sont joliment dessinés ; les costumes, eux, évoquent la naïveté des premières années : un père plutôt enrobé dans son csotume, une mère avec une  robe-amphore et le fils, en pantalon similaire.
Delphine Chuillot, Élise Marie, Marine Prunier et Alexandre Soulié créent des figures caricaturales savoureuses. Modernisés, les traits de cette fresque reprennent les illustrations de Félix Valloton. Un spectacle classique soigné, que l’on peut comparer à un album ancien de photos de famille. Avec jeux d’ombre et lumière sur des parois translucides.
L’existence se montre et injuste, mais l’enfant, décidé, avance encore….

Véronique Hotte

Théâtre Nanterre-Amandiers/Festival d’Automne, 7 avenue Pablo Picasso Nanterre (92), tout public à partir de  six ans, du 17 septembre au 2 octobre. T: 01 46 14 70 00/ 01 53 45 17 17.

1234

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...