A Floresta que anda (La Forêt qui marche)

A Floresta que anda (La Forêt qui marche) conception, création et mise en scène de Christiane Jatahy, librement inspiré de Macbeth de Shakespeare, vidéo-installation en portugais, surtitrée en français, performance en français, anglais et portugais

 cr,820,475-q,70-550f56Après Julia et What if they Went to Moscow (voir Le Théâtre du Blog), inspirés de Mademoiselle Julie d’August Strindberg et des Trois Sœurs d’Anton Tchekov, la metteuse en scène brésilienne  a conçu le troisième volet de son triptyque à partir d’une des  tragédies les plus violentes de William Shakespeare.
La forêt qui marche ? Une des plus fortes images que voit Macbeth, mais ici pas d’hallucination : le public entre dans une galerie pour le vernissage d’une exposition de documentaires-vidéos projetés sur quatre grands écrans… Mais avec, à chaque fois, une plongée dans l’horreur à base de témoignages de victimes, telle que seuls les représentants de l’humanité peuvent en concevoir. Au programme: mauvais traitements, tueries en tout genre, tortures mentales et physiques…

 Soit, comme en écho direct au monde de Shakespeare, un trop plein de saloperies liés aux pouvoirs dictatoriaux les plus durs sur fond de capitalisme et à l’immigration forcée sur fond d’intérêts capitalistes (merci M. Poutine!). On peut voir ainsi des moments de la réalité contemporaine socio-politique la plus tragique, et bien récente !
Ainsi au Brésil, Igor, un étudiant en histoire qui a organisé une manifestation politique et qui a ensuite été jeté dans une des plus horribles prisons de Rio.
Il a aussi Prosper, un jeune congolais, lui aussi jeté en prison et torturé, dont le père a été assassiné dans son pays et qui a trouvé refuge au Brésil. Il y a aussi Michelle qui vit dans une favela où son oncle a été assassiné sans état d’âme par des flics.
Ces témoignages de vidéos-documentaires d’une sobriété exemplaire, tout à fait impressionnantes, sont d’autant plus glaçantes qu’elle sont présentées comme des œuvres d’art contemporain : là, Christiane Jatahy fait très fort dans le second degré. Et, si on a bien compris, elle a voulu percer les frontières entre une installation vidéo avec des entretiens de victimes ancrés dans la réalité  et une partie plus «théâtrale».
Il y a dans le fond un bar noir avec jus d’orange, eau et vins, et derrière un miroir sans tain, on voit parfois apparaître nue, Julie Bernat, la jeune et remarquable actrice-fétiche de la metteuse en scène ; en même temps, des caméras enregistrent les allées et venues du public de ce vernissage, de façon à constituer un film évidemment différent chaque soir, qui sera ensuite  projeté à la fin sur les quatre écrans réunis en un.
On voit aussi Julie Bernat glisser sur le bar que les maîtres d’hôtel ont inondé d’eau puis s’écrouler sur le côté, les mains pleines de sang, parmi les spectateurs à qui elle demande de l’aide. Théâtre et cinéma documentaire, performance et théâtre, réalité et fiction : ce sont les thèmes sur lesquels a travaillé Christiane Jatahy pour cette performance.

Et cela fonctionne ? Oui, et non. On est très vite  impressionné et remué par ces témoignages de ces victimes, hommes et femmes; qui en disent long, en une dizaine de minutes, sur la barbarie qu’ils ont subie. Témoignages rendus encore plus efficaces grâce à quatre grands écrans. C’est toute l’horreur de ce premier quart de siècle que nous envoie en plein visage, la metteuse en scène, à nous les Européens nantis (mais pour encore combien de temps?): l’émigration de Syriens, d’Africains et Nord-Africains, tous âges confondus pour cause de misère alimentaire et/ou d’insupportable dictature, les noyades par milliers dans le beau bleu de la Méditerranée.

Côté performance/théâtre: aucun doute là-dessus, tout est parfaitement orchestré sur le plan technique par Christiane Jatahy, artiste associée au CentQuatre et au Théâtre de l’Europe-Odéon… On remarque, entre autres, cette très forte image, que ne renierait aucun musée d’art contemporain, comme ce découpage de poisson cru projeté sur les quelque huit mètres de l’écran final. Sentiment de malaise garanti…
Mais on est moins convaincu en général par cette théâtralisation entre fiction et réel qui s’appuie sur de gros moyens techniques mais qui  ne fait pas vraiment sens. Elle aurait aussi pu nous épargner l’intrusion de Julie Bernat aux mains ensanglantées après une belle glissade sur le bar couvert d’eau, ou de (faux) billets de banque tout aussi  couverts de sang (faux). Et ces lectures de quelques répliques de Macbeth par des spectateurs, tout à fait inutiles. Quant à ce genre d’installation qui se voudrait radicale, on en a déjà beaucoup  donné dans les musées d’art contemporain, et celle-ci sonne assez  branchouille… mais à un prix parisien: 20 et 15€, 12€ quand même !

A quelques centaines de mètres du 104, lieu impeccablement rénové, presque luxueux, on peut voir un autre spectacle, gratuit celui-ci mais bien triste… l’entassement de centaines de petites tentes et matelas sur les trottoirs où dorment des émigrés, ce que le public venu à cette performance,  ignore peut-être…

Philippe du Vignal

Le CentQuatre-Paris, 5 rue Curial 75019 Paris. T: 01 53 35 50 00, les mardi, mercredi et jeudi à 19h30 et 21h, le samedi à 18h et à 19h30 et 21h, et le dimanche à 16h, 17h30 et 19h, jusqu’au 22 octobre.

http://www.dailymotion.com/video/x4t5kk5

 

 

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