Silencieusement de Nicolas Frize

 

Silencieusement, composition en six mouvements, création musicale de Nicolas Frize,et les Musiques de la Boulangère.  

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© Silencieusement – Bernard Baudin

 Silencieusement qui a mobilisé Nicolas Frize et son équipe pendant deux ans, a été tiré d’entretiens réalisés avec une centaine d’agents des Archives Nationales. Il y revient après l’annulation le 13 novembre 2015 suite aux attentats, de quatre de ses six concerts prévus.
Nicolas Frize prolonge donc son immersion au sein des Archives nationales, d’abord dans le magnifique bâtiment de verre réalisé à Peyrrefite (93) par les architectes  Massimiliano et Doriana Fuksas; il en a exploré les moindres recoins. Silencieusement est l’aboutissement d’une résidence de deux ans avec son équipe d’une douzaine de musiciens, et plus d’une centaine de choristes adultes et enfants.
Il lui fallait faire sonner ce bâtiment de verre suspendu sur l’eau où on se perd un peu, malgré des guides énergiques qui nous entraînent d’une salle à l’autre. 

 D’abord,  À la vie et à la mort, sur le quai de déchargement, avec clavecin, cornet à bouquin, cornet muet, deux voix parlées et bandes magnétiques. On est un peu perdu, naviguant d’une salle à l’autre, faisant parfois escale sur des tabourets : «Je me recompose sans cesse, le passé n’existe pas (…) les papiers ne sont pas des papiers (…) tout ne se produit qu’une fois (…) ainsi va ce peuple, se transformant et s’oubliant ! ».
Deuxième station après un long dédale, avec  Le Corps aimé de l’archive, pour  clavecin, cornet à bouquin et cornet muet, deux voix parlées et bandes magnétiques dans la zone de pré-tri. On nous demande de secouer des tubes pleins de sable et de billes, on danse avec des papiers. Un historien nous implore de réveiller les morts, et un archéologue nous souffle l’idée que toute trace, tout document du passé n’appartient qu’au présent.
Puis on écoute Le Corps aimé de l’archive, partition pour un grand ensemble hétérogène de percussions et guitares basses: musiciens et archivistes résistent à l’ensevelissement. Dans la salle de lecture, on écoute Des citoyens, une autre partition pour quatuor vocal, grand chœur, cinq violons, cor, basson et chœur d’enfants, qui crée l’enthousiasme.Enfance et oubli, partition pour ténor, théorbe, clarinette basse et voix d’enfant, se joue dans un amoncellement d’objets. «Je crois que tu ne cherches pas à te rappeler, les mots sont une mémoire et tu voudrais bien voir ce qu’il y a derrière (…) La mémoire ça s’entretient, si on regardait un peu devant et un peu derrière… » affirme un adorable bambin. Et Reconnaissance, partition pour piano et images projetées, rassemble une cinquantaine de personnes dans un film réalisé par Nicolas Frize sur les chariots d’archives. Mais on décroche un peu dans ce foisonnement d’images…

Enfin Écoulement, la dernière séquence, se passe dans  les bassins jouxtant le bâtiment, avec deux îles où des musiciens jouent des duos de flûtes et guitares, et où des lecteurs marchent dans l’eau, lisant des textes qu’on peine à entendre. Sur ce mélange d’instruments et de voix, on perçoit une lettre à un préfet sur le choléra !
Silencieusement a fait l’objet d’une luxueuse publication de 150 pages réalisée par Gérard Paris-Clavel avec textes, dessins et photos.

Nicolas Frize créera bientôt à l’hôtel de Soubise, à Paris, Palimpsestes, une création électro-acoustique, conçue par imbrication de quarante ans d’archives sonores de ses propres créations orchestrales et vocales, où il détourne et revisite l’ensemble de son répertoire  par effacements successifs, réimpressions ou réutilisations. Cette pièce est spatialisée dans une version originale de l’acousmonium du Groupe de Recherche Musical de l’Institut National de l’Audiovisuel (Ina/GRM).

Edith Rappoport

Le spectacle a été joué aux Archives nationales, 59 rue Guynemer 93383 Pierrefitte-sur-Seine Métro Saint-Denis-Université du 7 au 9 octobre. Métro : Saint-Denis-Université (ligne 13) T: +33 (0)1 75 47 20 02. Les salles de consultation des Archives nationales sont ouvertes du lundi au samedi de 9h00 à 16h45.

Palimpsestes  sera joué Archives nationales-Hôtel de Soubise, 60 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris les mardi 11, mercredi 12 et jeudi 13 octobre à 19h00 et 21h00. Entrée libre mais attention: réservation indispensable. T: 01 48 20 62 08
www.nicolasfrize.com
 

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Archive pour 10 octobre, 2016

Au bord du théâtre d’Eugène Durif

Au bord du théâtre, d’Eugène Durif

au_bord_du_theatre_tome_2_eugene_durif_cover En deux gros volumes-plus de huit cent pages-l’auteur a réuni essais, esquisses, poèmes, premiers jets, ébauches, entrées de clowns et monologues, en regard de la trentaine de pièces, romans, et autres, déjà publiés depuis la fin des années quatre-vingt.
 Au bord du théâtre n’est pas une compilation de paperolles, un recueil des miettes de la création-comme s’il ne fallait rien laisser perdre-mais presque une méthode extensive qu’Eugène Durif nous donne de la lecture de ses textes.
Voilà : même parfois obscurs, mais ni plus ni moins que la vie même, ces  fragments, pourrait-on dire, sont faits de chair-la chair faite verbe-tant le toucher, la peau, la sensibilité y sont présents. Y compris sous leur forme la plus brutale, la violence sociale (voir le premier texte du volume II: Comme un qui parle tout seul), et la violence sexuelle, sans exhibitionnisme.

Eugène Durif pratique l’émotion comme source de connaissance de l’humain, et elle transpire de ses textes, mettant en lumière une vérité importante et mal connue : nous sommes perméables, quoique nous fassions pour nous protéger (enfin, certains n’y parviennent que trop). Cette perméabilité, il la met en pratique, très simplement, en publiant à côté de ses propres textes, quelques-uns de ceux qui ont été écrits en atelier d’écriture avec des comédiens «différents». Eugène Durif a en effet beaucoup travaillé avec des Centres d’Aide par le Travail, et très simplement, prend au sérieux ces productions, qui ont parfois la force et la liberté de l’art brut.

Au bord du théâtre  tient de cette pratique un peu secrète, et aussi des franges d’une écriture plus publique. Et d’une colère contre un théâtre beau et bien fait, bien pensant, mais fermé sur lui-même et sur un public privilégié. «L’œil du prince», mais partout, et pour tous ! « Être au bord du plateau » lui donne aussi la possibilité de s’adresser au public autrement, dans une situation plus intime, plus complice, plus perméable.
Ce bord-là nous remet au centre du théâtre : quand il rencontre un public sans connivence, sans prérequis, directe et disponible. L’art du théâtre, ce sont aussi ses méthode de production, de diffusion : pas d’idéalisme qui justifierait injustices et exclusions ! « Le théâtre pour tous » commence au plus près de quelques-uns.

Le poète Eugène Durif nous parle beaucoup de la mort, obstacle définitif, muet. Mais les morts, eux, sont là, faits comme nous, de l’étoffe des rêves. Quelque chose passe d’eux à nous, ultime forme du toucher, si présent, on l’a vu, dans Au bord du théâtre
Voilà un livre qui ne ressemble à aucun autre, et qui fait plus qu’ouvrir des portes : il les fait disparaître. Et il y a une courageuse maison d’éditions pour se faire complice de cette révolution douce.

Christine Friedel

Editions La Rumeur libre, collection La Bibliothèque. A paraître en 2017, le tome III : Figures de la tragédie. L’ensemble  sera réuni dans un coffret.

 

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Blockbuster

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Blockbuster, écriture librement inspirée du roman Invisibles et remuants de Nicolas Ancion par l’auteur et le collectif Mensuel, conception et mise en scène du collectif Mensuel

« Blockbuster », en anglais: qui fait exploser le quartier, du nom d’une puissante bombe utilisée par les armées alliées pendant la seconde guerre, et autrefois, mot du jargon théâtral américain( tiens-tiens!)  pour désigner une pièce remportant un succès important au détriment d’autres spectacles.
Il a qualifié ensuite un film à gros budget, donc à gros bénéfices espérés mais avec une réalisation à risques, comme Quo vadis ? Autant en emporte le vent, Ben-Hur puis plus tard,  Les Dents de la mer (1975), soutenus par de grandes campagnes de publicité. Parfois, aussi en cinémascope, et avec des effets spéciaux, de façon à séduire un public américain attiré de plus en plus à l’époque par la télévision.

Ici, on est un peu loin de tout cela il s’agit-comment dire?-d’une pièce-film, au scénario original, mais à très haute valeur parodique, réalisé à partir de 1.400 plans-séquences! tirés de 160 films hollywoodiens…Avec des vedettes mais dont l’apparition comme dit justement notre amie Christine Friedel est « découpée en rondelles » et leur ôte de facto leur statut de vedettes, même si, comme dans les blockbusters, elles incarnent des héros contemporains qui peuvent attirer le public, avec aussi une histoire simple et accrocheuse, et souvent des catastrophes impressionnantes et des courses-poursuites.
Bien entendu, de petits malins comme Woody Allen, en 1966 déjà avec La Tigresse, avaient compris la mine que pouvait représenter une parodie, dite là-bas »mashup », de ces blockbusters. Il avait détourné un mauvais film d’espionnage  japonais de série B, qu’il avait doublé de manière absurde et burlesque,  avec un décalage efficace entre bande-son et image…
Cela s’appelle au théâtre, comme en arts plastiques, puis au cinéma, un détournement,  à partir de collages divers et variés. Ce qui fera aussi le bonheur d’un situationniste comme  René Vienet,   avec La dialectique peut-elle casser des briques? (1973) où il détourna habilement un film d’aventures.
Vingt ans plus tard, le français Michel Hazanavicius imaginera Le Grand Détournement-La Classe américaine, et Alex Chan réalisera lui The French Democracy, un film tiré lui d’un jeu vidéo, inspiré des fameuses émeutes dans la banlieue de Paris. Et encore un autre français, AMF films a réalisé un film devenu connu dans le monde entier, Terminator versus Robocop. Bref, la veine est riche…

Et au théâtre? La compagnie Grand Magasin de Pascale Murtin et François Hifler qui « copient mal une œuvre » comme ils disent, c’est à dire la détournent et racontent avec un ton persifleur ce qui va se passer sur scène; les deux complices  avaient réalisé un spectacle-récit avec un bruitage plein d’humour et en direct, comme le fait ici le très impertinent collectif Mensuel, une compagnie belge déjà bien connue, qui  a  créé, avec ses airs de ne pas y toucher, ce Blockbuster, en créant un scénario  aussi original que décapant, après un  gigantesque et très rigoureux travail de montage, ou plutôt de re-création…
Nicolas Ancion et le collectif Mensuel ont imaginé un scénario où un certain Mortier, un directeur très sûr de lui, d’une très importante société commerciale aux Etats-Unis et surtout à New York (d’après les images) et joue aussi le rôle d’une sorte de patron des patrons,  qui doit affronter  une situation des plus complexes : le gouvernement veut mettre en place une taxe sur les très hauts revenus, ce qui, pour lui comme pour ses très puissants homologues, a quelque chose d’absolument impensable!

« Il y a une guerre des classes, c’est un fait, disait récemment et sans état d’âme aucun, l’homme d’affaires Warren Buffet dont la fortune est évaluée à 65 milliards de dollars! mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner » ! Cela ne s’invente pas.

Mais ici les choses vont déraper, sinon il n’y aurait pas de film! En effet, Corinne Lagneau, une jeune et belle journaliste d’investigation se fait remettre d’équerre par son rédac-chef à propos d’un article qu’elle vient de commettre où elle tire à boulets rouges sur ces multinationales qui ne payent pas d’impôts, alors que les gens ont de très bas salaires et que des SDF survivent dans la misère sur les trottoirs des grandes villes. Son article ne paraîtra donc pas-belle illustration de la connivence entre certains organes de presse et les multi-nationales-et elle sera licenciée…
Mais très vite, grâce aux réseaux sociaux, la population, résignée depuis longtemps va enfin prendre conscience des abus et de la violence bcbg impunément exercée par le pouvoir  cynique des  multinationales  dominantes, et va organiser une riposte virulente, en incitant à une rébellion exemplaire contre le capitalisme qui gère l’Etat en sous-main.
Mortier et le jeune premier ministre, en conflit ouvert avec sa Ministre de l’Intérieur qui semble  dépassée, manœuvrent à vue pour arrêter au plus vite, cette insurrection. Pillages, incendies volontaires de grands et luxueux immeubles d’affaires, nombreuses manifs de dizaines de milliers de gens: l’armée est déployée et l’état d’urgence proclamé…

C’est une sorte de fable, à la fois ludique et très  bien construite, parfaitement crédible, jouée sur grand écran par des acteurs célèbres, entre autres Judi Dench,  Mikael Douglas, Julia Roberts, Tom Cruise, Merryl Streep, et Sylvester Stallone, la jeune super-star des années 80 qui, avec ses personnages  Rocky et Rambo, était l’image de l’Amérique fière et patriotique et qui fut brocardée par  les Guignols de l’Info…
Cela commence par une sorte d’appel au public très malin pour enregistrer une phrase dite en commun et une montagne d’applaudissements qui seront utilisés par la suite dans la projection du film. Bien joué; le public, ravi de participer avec cette équipe sympathique, est déjà enthousiaste, même s’il ne connaît rien de ce  qu’il va découvrir..
Ce Blockbuster est revendiqué avec raison par le collectif Mensuel comme un projet vraiment théâtral et politique, ce que ne croient pas certains esprits chagrins… Et cela commence par une répétition d’une phrase et d’applaudissements qu’il demande au public-ravi de participer; et dont l’enregistrement qui sera repris dans le film, comme une bande-son.
Sur le plateau, un incroyable bordel (remarquable scénographie de Claudine Mas) avec des tables, de petites commodes,  une quinzaine de lampes de chevet ou lampadaires de salon très kitch, des consoles électroniques, batteries et instruments de musique mais aussi des accessoires, aussi efficaces que dérisoires, du genre : plateau en bois pour le bruit des pas, caisse pleine de verre cassé, morceaux de draps, papiers, pièces de métal ou de bois, petites sonnettes, etc. pour les bruitages et musiques que réalisent Quentin Halloy et Philippe Lecrenier.
Le doublage lui, est aussi assuré en direct, et  impeccablement, par trois acteurs, très crédibles : Sandrine Bergot, qui joue tous les rôles de femmes et d’enfants (chapeau !), Baptiste Isaia et  Renaud Riga.

Un travail cohérent de bout en bout, d’une grande intelligence, mené par toute une équipe,  avec un excellent montage signé Juliette Achard, pour  créer un spectacle hors-normes- et ce qui n’est si fréquent dans le théâtre contemporain- à l’humour cinglant… Le ton  rappelle parfois l’excellent documentaire Merci patron de François Ruffin (2016) fondateur du journal du journal Fakir qui avait piégé Bernard Arnault qui avait décidé de délocaliser sa production en Pologne après avoir, ironie du sort, demandé la nationalité belge…

Le collectif Mensuel a repris avec une grande intelligence mais au second degré, voire au troisième, tout ce qui fait le succès de ces films américains célèbres : personnages iconiques incarnant le bien et le mal, actions d’une violence extrême avec incendies et explosions au cœur même des grandes capitales, courses-poursuites, mise en scène de centaines de figurants…Mais avec un détournement permanent et une radicalité absolue.
Et c’est vraiment jubilatoire. On retombe à la fin sur une scène de vrai théâtre  avec effets pyrotechniques et dérouleur que l’on ne vous dévoilera pas. Très longs applaudissements debout d’un public pour une fois aussi, assez jeune. Un grand merci à M. Roussillon d’avoir invité ce  Blockbuster.

Mais, seul bémol,  le spectacle n’est pas là pour longtemps à Malakoff, donc courez-y. Sinon, il y a peut-être un endroit proche de chez vous dans la longue liste publiée ci-dessous.

Philippe du Vignal

Théâtre 71 de Malakoff Scène Nationale  jusqu’au 15 octobre. T:  01 55 48 91 00 jusqu’au 15 octobre.

En Belgique:

du 18 au 19 octobre au Huy, Centre Culturel T : +32 85 21 12 06 ;les 27 et 28 octobre au centre culturel de Verviers T: +32 87 39 30 60; du 23 novembre au 4 décembre : Théâtre National de Bruxelles T : 32 (2) 203 53 03;  et le 6 décembre :  Dinant Centre Culturel T: +32 82/21 39 39

Puis le 9 décembre. : Cournon d’Auvergne-La Coloc’ de la Culture. T: 04 73 77 36 10; les 13  et 14 décembre : Valence Lux. T: 04 75 82 44 15

 En Belgique : le 17 décembre : Barvaux – Centre Culturel de Durbuy. T: +32 86 21 98 71 ; le 12  et 13 janvier : Welkenraedt au Centre Culturel T : +32 87/89 91 70. Les 27 et 28 janvier : Centre Culturel d’Ottignies-Louvain la Neuve. T: +32 10 421302. Le 23 février : Liège – Festival Paroles d’Homme. T : +32 87 78 62 096;  le 10 mars : Eden-Centre Culturel Régional de Charleroi. T : +32 71 20 29 95.

Du 14 au 17 mars : Scène Nationale de Besançon. T: 03 81 87 85 85

En Belgique, le 21 mars : Bertrix Centre Culturel T : +32 61 41 23 0.

Le 25 mars :  Le Quartz-Scène Nationale de Brest. T: 02 98 33 70 70; les 30 et  31 mars : Bruxelles-Wolubilis T:+32 2 761 60 30. Et le 4 avril  : Belfort-Le Granit, Scène Nationale. T: 03 84 58 67 67; les 6 et  7 avril. : Le Nest-C.D.N de Thionville-Lorraine. T:03 82 53 33 95.
Les 11 et 12 avril : Chambéry-Espace Malraux T:04 79 85 55 43. Le 14 avril : Théâtre de Vénissieux T 04 72 90 86 68.

En Belgique:  les 19 et 20 avril : Nivelles – Waux Hall T:+32 67 88 22 77. Du 26 au 28 avril : Namur Théâtre T: +32 81 226 026.

Et enfin du 30 mai au 1er juin : Maison de la Culture de Bourges. T:02 48 67 74 70

 

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Blake Work I, In Creases, The Seasons’s Canon

 

IMG_3182Blake Work I de William Forsythe, In Creases de Justin Peck, The Seasons’s Canon de Crystal Pite, et une  performance de Tyno Sehgal,  avec le Ballet de l’Opéra de Paris

 Nous avons vécu un moment unique  avec le  plaisir de revoir d’abord Blake Work I de William Forsythe créé ici en juillet dernier avec le Ballet de l’Opéra, sur la musique envoûtante de James Blake. Et In Creases de Justin Peck, présenté en mars sur une partition de Philip Glass, qui met en valeur la précision des gestes des danseurs.

Ensuite,  deux créations: d’abord The Seasons’ Canon de Crystal Pite, qui a fait son entrée au répertoire; cette ancienne interprète canadienne de William Forsythe nous offre, sur une réécriture musicale par Max Richter des Quatre Saisons de Vivaldi, un spectacle d’une grande beauté, mêlant sensualité et animalité.
Avec des danseurs, torse nu et en treillis, et des danseuses en haut de body transparent, une marque verte de part et d’autre de leur cou témoignant de leur appartenance à une communauté animale.
  En effet, tels des insectes, par petits gestes saccadés des bras et de la tête, ils ondulent  sur le sol, se touchent, se caressent et s’éparpillent brutalement. Quelques-uns dominent parfois le groupe, comme ou François Alu, Marie-Agnès Gillot, ou Alice Renavand. Lumineux dans la pénombre, les cinquante-quatre danseurs de cette tribu qui investit la scène pendant une demi-heure, sont en communion physique permanente  et  bouleversent nos sens : un choc visuel intense, semblable à notre première découverte du fameux Sacre du Printemps de Pina Bausch.
Le public, debout, les a longuement acclamé.

 Autre création: avant son exposition au Palais de Tokyo, le 12 octobre, Tino Sehgal a travaillé sur une performance avec les danseurs de l’Opéra. Comme avec Boris Charmatz la saison dernière, (Voir Le Théâtre du Blog), ils s’égayent ici dans le grand foyer, la Rotonde du glacier, et les couloirs menant aux  loges.
Nous croisons, au plus près, un  jeune couple en fusion, une danseuse ou un danseur qui rampe au sol, et un trio chantonnant. A la fin de cette soirée mémorable, Tino Sehgal fait danser la salle entière: pendrillons, rideau de scène, lustre central, loges, s’animent alors grâce aux éclairages qui suivent le rythme de la musique d’Art Benjamin Meyers, jouée en direct.

Le fantôme de l’Opéra semble s’être réveillé! Et à la fin, la troupe accompagne  par des vocalises, la sortie du public dans le grand escalier…

 Jean Couturier

Le spectacle s’est joué à l’Opéra-Garnier, Paris, du 26 septembre au 9 octobre. Operadeparis.fr             

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Rencontre avec un homme hideux

Rencontre avec un homme hideux d’après Brefs entretiens avec des hommes hideux, une nouvelle de David Foster Wallace, adaptée par Rodolphe Congé, Joris Lacoste, Julie Etienne

 

151659-entretien-avec-un-homme-hideux_laura_bazalgetteEst hideuse toute laideur repoussante, toute impression désagréable de dégoût ou de peur. Or, l’abjection morale d’un monde de bassesse et d’hommes irresponsables, c’est le propos de David Foster Wallace qui ne cesse de fustiger avec un regard moqueur et ironique la monstruosité de la condition humaine.
Il propose une mise en abyme somptueuse des pouvoirs multiples et scintillants de l’art de la narration,  qu’interprète  ici, un bel acteur singulier, Rodolphe Congé qui nous donne
le récit horrible de l’expérience féminine d’une agression sexuelle, inséré dans un premier récit masculin d’une aventure amoureuse, plutôt désinvolte, et  initialement enchâssé dans le texte d’un entretien dont le public ne discerne pas l’intervieweur, mais le seul interviewé et narrateur rayonnant, le protagoniste. 

Le jeu littéraire et scénique  consiste à passer alternativement d’un récit à l’autre, le sien et celui de la jeune fille que le narrateur a séduite lors d’un festival de musique; il décrit avec condescendance les codes rebattus et mièvres d’une hippy attardée, vêtue d’un poncho sud-américain, se nourrissant fibres et céréales bio et pratiquant une méditation altière, prônant le partage et l’écoute.«Elle a tout misé, dit-il, sur la conviction à priori ridicule que la connexion, la générosité et la compassion sont des composantes de l’âme humaine plus cruciales et primaires que la psychose et le mal. »
Le  séducteur, sexiste quoiqu’il en dise, est sûr de lui,  et possède un regard distant sur  le monde selon lui médiocre représenté par les jeunes gens  envers lesquels il manifeste une dépréciation cinglante et un mépris arrogant.

 Il n’en exige pas moins l’estime de l’auditeur, quand il justifie son point de vue, nuance ses propos et devance les réactions : «Je ne vous ferais pas l’insulte de m’assurer que vous comprenez de quoi je parle, quand j’évoque la difficulté de réprimer l’impatience, voire le mépris que l’on… l’hypocrisie, l’auto-contradiction décomplexée, comment dès le départ, vous savez qu’il faudra essuyer l’enthousiasme de rigueur pour la forêt amazonienne, la chouette tachetée, la méditation créative, la psychologie de complaisance, la macrobiotique, la défiance fanatique manifestée à l’égard de toute autorité identifiée comme telle… » Ce qui est honni : le narcissisme profond, l’autosatisfaction et le conformisme de ces anticonformistes occupés d’abord d’eux-mêmes, «des gosses de riches en jean déchiré qui n’ont pas eu l’obligation de financer leurs années de thèse en travaillant ».                                                                                 

Sous prétexte de ne pas se laisser piéger par les valeurs de l’Amérique moyenne, ces pacifistes sont certains d’être différents, ce qui les rend semblables. La joute narrative passe alors de plus en plus insidieusement au récit sur le violeur. Grâce à sa concentration, à sa foi en l’amour, et à sa puissance méditative, la belle étudiante a réussi à renverser le rapport de force avec le violeur, «les yeux calmement plantés dans les siens ». Expérience intérieure mystique à travers états d’extase, ravissement et émotion, dans une clarté cosmique de la vie.
Avec une expérience paroxystique de l’existence menée jusqu’à l’absurde, elle intrigue la suffisance du narrateur qui avoue verser dans la tristesse de se savoir vain. Séducteur solitaire, il va alors reconsidérer sa vision du monde à travers cette vaillance féminine.

Un moment ludique de théâtre littéraire, une partition entre suspens et effroi, à travers un jeu musical de va-et-vient entre le violeur et la jeune fille mutique, dans une tension ménagée de temps de silence, face à l’admiration incertaine du public pour un être énigmatique dont il ne perce pas le mystère  et qui peut-être se réapproprie la psychose du violeur…

Véronique Hotte

Théâtre de la Cité internationale/Festival d’Automne à Paris, jusqu’au 18 octobre. T : 01 43 13 50 60/ 01 53 45 17 17
La nouvelle est publiée aux éditions Au diable vauvert.

 

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