La Mort de Danton de Georg Büchner
La Mort de Danton de Georg Büchner, traduction d’Arthur Adamov, mise en scène de François Orsoni
La pièce de Georg Büchner (1835) fait résonner pour nous, un moment politique intense et historique, et à valeur de symbole inépuisable : les événements se précipitent dans le désordre, et les citoyens sont si désenchantés qu’ils ne peuvent plus se raccrocher à une méditation optimiste et régénératrice.
Le moteur de la pièce du jeune écrivain, comme l’image révolutionnaire historique, a trait aux divergences politiques des grands tribuns antagonistes que sont Danton et Robespierre.
Le premier porte haut la défense du peuple jusqu’à verser négligemment dans la corruption, et le second se réclame d’une vertu obsessionnelle, jusqu’à choisir la terreur sanglante.
Nulle visée progressiste de l’Histoire, rien qui puisse servir de matériau pour la foi dans l’avènement d’une société plus juste et plus libre: ni Danton ni Robespierre ne dominent les événements mais semblent fléchir sous le poids de la fatalité.
En 1794, les dirigeants révolutionnaires, pris dans l’engrenage de la Terreur et incapables de répondre aux aspirations populaires, versent dans l’extrémisme.
La Mort de Danton s’attache à des considérations sur la vie et la mort, l’homme et de la femme, l’épicurisme et l’ascèse, la foi et l’athéisme…Vitalité, ivresse et violence du peuple mais doutes et incertitudes chez les révolutionnaires. « En autopsiant la Révolution, Georg Büchner découvre l’individu sans fard et sans masque, l’être humain à vif, la créature dans la complexité de son existence », dit Jean-Louis Besson, bon connaisseur de son œuvre
L’écrivain nous parle de gens ordinaires, comme le peuple de travailleurs et celui des prostituées : Marion, l’amante de Danton, raconte son destin de fille de joie, différent de toute vie conventionnelle avec le travail de la semaine et les divertissements du dimanche. Marion n’est, dit-elle, qu’«un désir et une étreinte ininterrompus, un brasier, un fleuve. »
La scénographie bi-frontale avec une longue et belle table de bois verni avec des vanités, crânes polis, restes d’apparat, sobres et beaux luminaires et perruques (Cécile Larue) qui font penser à des pièces de collection, comme celle, longue blanche et lumineuse de Danton, ou celle, plus extravagante et sensuelle mais digne et délicate, de Robespierre.
Cette mise en scène fait penser à Notre Terreur de Sylvain Creuzevault qui avait, lui, une grande qualité de jeu collectif…Ici, les comédiens portent cérémonieusement, ou enlèvent leur perruque de dignitaire, dans une mise en abyme du théâtre, mais l’âme de la Révolution et le cours tragique des événements semblent avoir entraîné avec eux la conviction fougueuse des personnages ! Et ne reste que des effigies qui auraient perdu leur humanité, désinvesties de leur foi et désabusées face à une violence insurmontable.
Accent québécois, chansons accompagnés à la guitare, proximité avec le public de divertissements populaires, costumes successifs pour divers rôles …Mais déception:l’emportement révolutionnaire s’envole, faute d’une solide maîtrise de la déclamation. Avec cependant, des comédiens talentueux : Brice Borg, Jean-Louis Coulloc’h, Mathieu Genet, Yannik Landrein, et Jenna Thiam dans les rôles de femme…
Véronique Hotte
MC93, salle Pablo Picasso, 31 avenue du Président Salvador Allende, 92000 Bobigny, jusqu’au 23 octobre. T : 01 41 60 72 72.
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