Hugo, de père en filles
Hugo, de père en filles, librement inspiré de l’œuvre de Victor Hugo, et de la vie d’Adèle et Léopoldine Hugo, texte et mise en scène de Filip Forgeau
Victor Hugo et sa femme eurent cinq enfants; Adèle Hugo (1830-1915) en est le cinquième et la seconde fille, surnommée Dédé, douée pour le piano mais qui, à treize ans, fut traumatisée par la mort accidentelle de sa sœur Léopoldine en 1843.
En proie à une très grave dépression, elle suivra son père à Jerzey où elle fait tourner les tables avec sa famille, et où elle tombe amoureuse d’un bel officier anglais qu’elle veut contraindre au mariage. Elle le suivra jusqu’au Canada, en faisant croire à ses parents qu’elle s’est mariée.
Mais il la quittera, et elle sombrera vite dans la folie, atteinte d’hallucinations et de graves troubles de la personnalité, avant de mourir dans un hôpital psychiatrique à Suresnes en 1915. Sa vie tragique a fait l’objet de plusieurs fictions dont L’Histoire d’Adèle H de François Truffaut (1975) avec Isabelle Adjani.
Quant à Léopoldine, sa sœur aînée, Léopoldine, surnommée Didine par son père, elle tombe à quatorze ans, amoureuse de Charles Vacquerie qui en a vingt-et un, et réciproquement. Mais Victor Hugo la trouve trop jeune pour se marier. Après avoir patienté cinq ans, Léopoldine épousera son amoureux.
Mais, quelques mois plus tard, à l’occasion d’un séjour à Villequier (Seine-Maritime), le canot où ils se trouvent avec leur oncle et son fils Arthur (neuf ans), se retourne à cause d’un coup de vent, et ils meurent tous les quatre noyés! Léopoldine Hugo sera inhumée dans le même cercueil que son jeune mari.
Une mort dont ne se remettra jamais Victor Hugo qui séjournait alors dans les Pyrénées, avec sa maîtresse Juliette Drouet. Il apprend ce drame par les journaux et en est accablé; la mort de Léopoldine lui inspirera plusieurs poèmes dont le fameux Demain dès l’aube.
Mais jusqu’à son exil à Jersey d’abord, puis à Guernesey ensuite, Victor Hugo cessa d’écrire pendant dix ans et revint à la poésie avec Les Châtiments (1853) dirigé contre le Second Empire ; et au roman, surtout avec son célèbre Les Misérables en 1862. L’œuvre et la vie passionnée de l’écrivain et de ses deux filles, mais aussi les quelque vingt-deux mille lettres en cinquante ans de Juliette Drouet ont donc pu fournir matière à de nombreux spectacles de théâtre, et une centaine d’adaptations de ses romans au cinéma !
Filip Forgeau qui avait déjà mis en scène La Chambre de Milena et Rosa liberté (voir Le Théâtre du Blog) a voulu, lui, à travers la vie de ces deux jeunes femmes raconter le combat qui a été celui de l’écrivain. Sur le plateau, une longue table couverte d’une nappe noire, des bougeoirs et quelques accessoires. Le beau décor de Lionel Haug, rigoureux et austère, ressemble à un tableau de vanités. Mais cela commence dans l’obscurité presque totale et Dédé et Didine ne cessent de s’interpeller très-trop !-longuement…
Puis on aura droit à une séance de spiritisme (Victor Hugo à Jersey se passionnait pour les tables tournantes pour entrer en communication avec les morts en particulier avec Léopoldine, Jésus, William Shakespeare)… Bref, rien de très passionnant ni de vraiment théâtral.
Laurianne Baudouin (Léopoldine) dans une belle robe noire, possède une présence indéniable et réussit à maintenir par moments le spectacle qui, rien à faire, va vite distiller un ennui de premier ordre.
La faute à quoi: d’abord et surtout à une dramaturgie et à un dialogue des plus faiblards: on ne voit pas où Filip Fargeau veut nous emmener: du côté d’une analyse de l’œuvre, ou d’une bio de Dédé et Didine? Même si on entend parfois quand même la voix poétique de Victor Hugo…
La faute aussi à une direction d’acteurs des plus approximatives qui n’aide en rien les deux comédiennes: elles n’arrivent pas à imposer un texte des plus maladroits qui n’en finit pas de finir… La faute enfin à un éclairage insuffisant avec des variations de couleurs aussi surprenantes qu’inutiles.
L’auteur et metteur en scène, à la fin, a remercié le public de s’être déplacé mais s’est très amèrement plaint de voir sa convention menacée par les conseillers et experts de la DRAC de sa région, alors qu’ils n’auraient pas assisté, selon lui, à ses spectacles depuis plusieurs années.
Nous n’en avons pas vu d’autre spectacle de Filip Forgeau. Mais ce Hugo, père filles ne donne guère envie de vous conseiller d’y consacrer une soirée…
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Épée de bois, Cartoucherie de Vincennes.
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