Songes et Métamorphoses d’après Ovide et Shakespeare

Songes et Métamorphoses d’après Ovide et Shakespeare, mise en scène de Guillaume Vincent

 

 MG_0951-1024x683En alternance avec des pièces de Marivaux, Rainer-Werner Fassbinder, Virginia Woolf, Jean-luc Lagarce, Guillamme Vincent au parcours singulier  monte aussi ses propres textes, comme La nuit tombe, présenté notamment aux Théâtre des Bouffes du Nord,  et en  Avignon en 2014 un solo avec Émilie Incerti-Formentini, Rendez-vous gare de l’est,  (voir Le Théâtre du Blog).

Toujours accompagné par la Comédie de Reims, il vient d’y créer Songes et Métamorphoses où il combine des textes d’Ovide et le Songe dune nuit d’été de William Shakespeare, où, dans cette pièce, des artisans jouent Pyrame et Thisbé, une histoire que l’on trouve aussi chez Ovide, avec des moments de «théâtre dans le théâtre».
Cette mise en abyme se  prolonge encore ici, puisque les acteurs qui interprètent les personnages de comédiens de cette pièce dans la pièce portent leurs véritables  prénoms.

Le spectacle débute par l’histoire du mythe de Narcisse, joué par les enfants d’un groupe de théâtre amateur, dirigé par un certain M. Gaillard. Un décor glisse vers l’avant-scène, installation  qui aurait pu être réalisée par eux. Puis on assiste à une évocation de personnages comme Hermaphrodite, Myrrha, Pygmalion et Procné. Dans cette dernière séquence, une femme découvre que son mari a couché avec sa sœur et se venge.
Guillaume Vincent  a mis en scène cet épisode en rupture avec le rythme installé: un peu plus lent que les autres, et beaucoup plus sombre comme s’il avait voulu proposer un nouveau morceau de bravoure à Émilie Incerti-Formentini. Dommage…

 Ensuite, après un court entracte, il y a sur le plateau du Songe, les éléments du décor précédent, mais avec une plus large ouverture: de grands châssis latéraux figurent la forêt. Scénographie intelligente et discrète, appuyée par des lumières efficaces. Dans cette deuxième partie, Gérard Watkins incarne un  très beau Puck. Sautillant, comme un dandy à cornes et zigzaguant sans cesse dans un  costume à paillettes, il semble flotter et fait mouche à chacune de ses entrées, avec légèreté et humour: on guette ses apparitions…
Cette énième mise en scène du chef-d’œuvre de Shakespeare, fraîche, moderne et drôle, est aussi musicale et deux comédiennes entonnent du Henry Purcell et du Benjamin Britten.

Un souffle revigorant, une jeunesse affichée et un hommage aux amateurs dans cette double pièce qui y interroge le théâtre : pourquoi cet art si futile tient-il tant à cœur à ceux qui le pratiquent ? Peut-il changer les gens?
Stéphane Braunschweig qui a été le professeur de Guillaume Vincent à l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, rappelle qu’il a toujours voulu se situer entre Claude Régy  et Jacqueline Maillan, qu’il a retrouvée ici en la personne d’Émilie Incerti-Formentini, dont on découvre tout  le potentiel comique. Pour Claude Régy, on verra… mais le grand écart est déjà là quand il fait jouer cette jeune actrice!

En tout cas, un spectacle très bien réalisé,simple et généreux. Ne boudons pas notre plaisir…

Julien Barsan

Spectacle vu à la Comédie de Reims.

Le 18 novembre à l’Avant Seine-Théâtre de Colombes.Les 23 et 24 novembre  à l’ Espace Malraux-Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie. Du 30 novembre au 4 décembre au Théâtre du Nord-Centre Dramatique National.
Les 13 et 14 décembre, à la Scène nationale de Saint-Nazaire. Du 11 au 13 janvier, au Lieu Unique-Scène nationale de Nantes.

Les 19 et 20 janvier au Parvis-Scène nationale de Tarbes. Les 25 et 26 janvier à la Scène Nationale d’Albi.
Du 2 au  4 février au Centre Dramatique National d’Orléans-Loiret-Centre. Du 9 au 12 février , au Centre Dramatique National de Besançon-Franche-Comté.
Les 23 et 24 février, au Cratère-Scène Nationale d’Alès. Les 8 et 9 mars, au Théâtre de Caen.
Les 14 et 15 mars, au Quai-Centre Dramatique National d’Angers-Pays de la Loire. Les 23 et 24 mars, au TANDEM/Scène nationale de Douai.

Du 19 avril au 20 mai, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Et en juin, au Printemps des Comédiens à Montpellier.

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Archive pour 18 octobre, 2016

Le Suicidé de Nikolaï Erdman

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Le Suicidé de Nikolaï Erdman, mise en scène de Jean Bellorini

 

 Le metteur en pièce a créé la pièce de cet auteur russe (1900-1970) au Berliner Ensemble en février  dernier. Ecrite en 1928 mais interdite par Staline, elle fut enfin montée en Allemagne, et en russe en 1969seulement. Puis en Russie, quelques années après la mort de Nikolaï Erdman.
Jean Bellorini  a fait tout un travail musical préparatoire, en mêlant chants traditionnels russes et tsiganes, avec musique classique, en accord avec les musiciens Timofey Saltarov, à l’accordéon, et Phlipp Kullen, à la batterie. Et il y a ajouté un chant choral de Boulat Okoudjava, interprété par toute la troupe.
Le jeu physique de chacun correspond à l’esprit d’unité artistique qui se dégage de la célèbre troupe aguerrie du Berliner Ensemble avec ses remarquables acteurs à la personnalité singulière. Le metteur en scène a visiblement aimé les diriger à l’oreille, comme un chef d’orchestre.
La pièce de Nikolaï Erdman recèle une petite musique enjouée, façon Eugène Labiche, teintée de philosophie, que la troupe met en lumière entre allemand et russe, voire français. Quiproquos, malentendus et échanges surréalistes, loin de tout naturalisme : le monde risible et désespéré selon Nikolaï Erdmann, est absurde, et il n’y a personne pour en rétablir le sens…

Sémione Podsékalnikov,  pour cause de chômage de trop longue durée, a voulu apprendre à jouer de l’hélicon mais il échoue et veut se suicider. Il donne ainsi l’occasion à son entourage, comme entre autres, son proche voisin Alexandre Pétrovitch, de se faire de l’argent en le manipulant,  au nom de l’art, du commerce, du travail ou de la romance amoureuse….
Sémione est donc pris dans un engrenage qui l’enserre de plus en plus face aux autres,  tout aussi fous et inconséquents que lui. Son épouse Macha, seule, fait encore faire preuve de dignité (Hanna Jürgens), comme sa belle-mère, interprétée par Carmen-Maja Antoni qui chante et joue la comédie admirablement.
Nikolaï Erdman se livre ici, entre farce grotesque et comédie noire, à une critique  féroce du communisme.

Le comique et malicieux Giorgios Tsivanoglou, au profil symbolique d’Oblomov, le héros du célèbre roman d’Ivan Gontcharov, nonchalant et réfléchi, jouant du décalage des regards des autres joue remarquablement ce suicidé. Jean Bellorini s’est permis un ajout signifiant, entre poésie et politique: la lecture d’une lettre que Mikhaïl Boulgakov écrivit à Staline pour défendre Nikolaï Erdman,  où il le supplie de laisser le dramaturge exilé, rentrer en Russie et y vivre et écrire librement.

Le spectacle participe d’un beau moment festif, avec facéties, jeux et déguisements, dans une fresque chorale et un ensemble de scènes dotées parfois de chants magnifiques, comme ceux de Joachim Nimtz (le voisin). Les convives d’un banquet, bien habillés, honorent le futur suicidé:  dans un ensemble scénique aux belles couleurs vives, où les acteurs comme le public s’amusent : le plaisir même du théâtre.
Saluons les comédiens, tous remarquables, en particulier ceux qui tiennent de nombreux petits rôles avec une belle loufoquerie, comme Félix Tittel et Matthias Mosbach.

Véronique Hotte

Le spectacle a été joué au Théâtre Gérard Philipe, de Saint-Denis du 12 au 16 octobre.

 

 

 

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