Anticorps de Magali Mougel

Anticorps de Magali Mougel, mise en espace de Maxime Contrepois

anticorps_antoine_dagata-sans_titre-bresil-2008_vertical Après une autre résidence, l’équipe d’Anticorps a mené durant quinze jours dans la salle de Théâtre Ouvert une “résidence dramaturgique visant à expérimenter le texte et les possibles résolutions scéniques dans le cadre d’une session de l’Ecole Pratique des Auteurs de Théâtre”.
Comme l’a expliqué avant la représentation, Maxime Contrepois, qui a été l’assistant de Jacques Nichet, Matthias Langhoff et Jean-François Sivadier, et qui est en charge des écritures dramaturgiques à la Comédie de Reims, le public  a assisté à quelque chose d’hybride entre une lecture très au point au pupitre, et en même temps à un début de mise en scène déjà élaborée, avec nombre de projections vidéo…

Une jeune femme Dina s’est enfuie de sa famille pour échapper à un passé qui sent trop mauvais pour elle. Puis, comme prise d’une nostalgie inavouable, elle va, sans doute au bout d’une longue errance, aller retrouver la maison où elle a autrefois vécue dans sa famille. On voit les images prises au volant d’une voiture d’une sorte de voyage initiatique. Dina va retrouver avec difficulté  ses repères  d’enfant: “Les constructions ont fleuri. Il n’y a plus de maïs, il n’y a plus de vaches. Seulement des charmilles, qui maintenant délimitent une propriété d’une autre. Je ne savais pas si je réussirais à distinguer la maison. »
  La vidéo nous montre longuement-et Maxime Contrepois s’est visiblement fait plaisir-une maison chic de banlieue bourgeoise. Récente et vaste, avec salon cossu et salle à manger aux beaux meubles. Sur le plateau, en complet décalage-scénographie réussie hyperréaliste de Margaux Nessi-une cuisine des années 50 avec évier et vaisselle qui sèche, petite table et chaises de stratifié jaune pâle, et juste à côté, un salon avec table basse et deux fauteuils eux aussi des années cinquante, éclairé par de grandes baies vitrées qui serviront aussi d’écran à certains moments.
Donc Dina retrouve sa tante qu’elle n’a pas vu depuis quelque dix ans, avec qui elle va prendre un café puis un porto. L’oncle n’est visiblement plus là…

Puis changement de décor très habile et rapidement mené: toute la cuisine disparaît pour faire place à une route, symbolisée par une aire de station-service avec sa grosse pompe à essence Avia, aux couleurs  bleu-blanc-rouge (toute une époque! et que l’on retrouvera sans doute un jour dans un musée de design en France, comme celui de Norrköpping en Suède).
Dina repartira  la nuit pour une nouvelle errance, puis rencontrera une femme et un homme et si on a bien compris, il semble qu’il y ait eu une histoire d’amour entre eux.  Il est aussi question d’un grave accident de la route. On voit, derrière une grande baie vitrée et dans une  superbe image, le corps de Dina nue, d’abord endormie puis visiblement morte? Sur un lit drapé de blanc, dans une étroite chambre tout aussi blanche. Image qui rappelle celles des premiers et magnifiques spectacles de Bob Wilson: la scénographe issue des Arts Déco a visiblement des références…

  Magali  Mougel veut parler de la vie personnelle qu’on voit se dérouler, mais de celle des autres aussi, dans un langage poético-dramatique. On se laisse facilement emporter  dans cette histoire où Dina navigue sans cesse du passé au présent, mais sans voir vraiment d’issue. Vieux conflit des personnages de théâtre… « Le passé me tourmente et je crains l’avenir” faisait déjà dire Corneille à la belle Chimène.
 Mais ici, cette errance est sans doute difficile à traduire sur un plateau. Et la vidéo-cette béquille passe partout, nuit une fois de plus  à la mise en scène. Et Maxime  Contrepois aurait pu ainsi nous épargner nombre d’images pléonastiques du genre: quand le texte évoque la petite fille que Dina a été, on voit de longs plans sur une petite fille dans le salon, etc.  Le regard du spectateur se fatigue donc et peine à se concentrer sur le texte et le jeu des comédiens, surtout quand les images très prégnantes sont parfois projetées  sur deux écrans à la fois!
 Mais bon, difficile de faire la part des choses et  de juger un travail encore en cours qui sera donc modifié, puisqu’il s’agit une mise en espace, et non encore d’une première qui aura lieu dans  trois semaines. En tout cas, Dan Arus, Adeline Guillot, Judith Morisseau, Jules Sagot remplissent le contrat et apportent une belle lumière à un texte difficile qui participe d’une sorte de poème à mi-chemin entre théâtre et cinéma, avec un clin d’œil à une installation d’art plastique, et où on retrouve parfois le charme des films d’Eric Rohmer.

Philippe du Vignal

Théâtre Ouvert  4 bis Cité Véron, 75018 Paris. T: 01 42 55 74 40 jusqu’au 22 octobre.
Le spectacle sera créé à Rennes le 9 novembre, lors du festival Mettre en scène.

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Archive pour 21 octobre, 2016

Vers un Protocole de conversation ?


 Vers un Protocole de conversation ? conception et mise en scène de Georges Appaix, chorégraphie et textes de Georges Appaix, avec la participation des interprètes

  Voilà près de trente ans que Georges Appaix nous enchante avec de petites œuvres qui suivent le cours de l’alphabet et dont l’apparente légèreté recèle des trésors de significations possibles.Cet artiste marseillais «danseur par effraction, puis chorégraphe sur le tas», comme il se définit lui-même, tresse les mots et les gestes en véritable acrobate poétique. Il jongle avec les aléas du sens et les vertus de la prose. Le nom de sa compagnie, La Liseuse, révèle d’ailleurs sa passion pour la littérature. Depuis Antiquité, créé en 1985, pièce  dont les interprètes dansaient sur des vers d’Homère, Georges Appaix a parcouru une grande partie de l’alphabet et Vers un Protocole de conversation ? nous amène maintenant à la lettre v !

img_5269_-_copie-2-d45dbHumour et grâce parcourent ce nouvel opus, portés par deux  artistes d’une infinie délicatesse : Mélanie Venino qui danse, et Alessandro Bernardeschi qui parle. La présence malicieuse du chorégraphe sur le plateau ajoute un supplément d’élégance.
Alessandro Bernardeschi, interprète de Caterina Sagna notamment, excelle dans la faconde et le plaisir de la conversation, et donne l’impression avec un texte très écrit  de l’inventer au fur et à mesure. Quant à Mélanie Venino, sa danse, où l’on croit par moments reconnaître celle d’Anne Teresa De Keersmaeker, dialogue avec les mots de  son partenaire, dans une rencontre faite d’approches, de fuites, d’hésitations et d’allers et retours entre eux. Rien n’est véritablement précisé mais on se sent tout de suite emporté par un courant de vie qui habite les trois personnages.

Il y a de la nostalgie dans l’air, jusque dans la musique : les airs d’opéra chantés par La Callas succèdent aux guitares électriques du groupe Creedence Clearwater Revival,  puis à une chanson de Bob Dylan interprétée par Georges Appaix, sorte d’hommage au dernier prix Nobel de littérature !  Déjà la lettre V qui s’envole, et on se prend à rêver d’un alphabet plus fourni, juste pour prolonger encore un peu le plaisir de voir ce que Georges Appaix peut faire jaillir d’une lettre.

Sonia Schoonejans

Théâtre des Abbesses, Paris,  jusqu’au 21 octobre.

Théâtre 140/Bruxelles, du 16 au 18 novembre. Théâtre Fontblanche/Vitrolles,  le  25 novembre;
Le Parvis/Scène Nationale de Tarbes, le 10 décembre.
Théâtre d’Arles, le 6 janvier ; C.C.N. de Tours, du 7 au 10 février.
C.D.C. de Strasbourg, les 1er et 2 mars; C.D.C. d’Aquitaine, en partenariat avec le TNBA, les 9 et 10 mars; C.N.C.D.C. de Châteauvallon, le 24 mars; Théâtre de Miramas, le 6 mai.

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