Les Larmes, performance de Pascal Quignard

Les Larmes, performance de Pascal Quignard

 

timthumb.phpComment parler de son livre, sinon en laissant parler le livre lui-même ? Pascal Quignard  ne refuse pas de rencontrer ses lecteurs ou futurs lecteurs. Au contraire, il les invite, en une performance qui touche au théâtre, à l’accompagner dans une découverte extraordinaire, à un  moment de basculement de l’histoire : la naissance de la langue française.
Le 14 février 842, « un souffle humain dans l’air froid change de langue ». Ce sont les Serments de Strasbourg, (autrement dit : sacrements d’Argentaria, ancien nom de la ville). Ce n’est pas tout : « La première œuvre de la littérature française date du mercredi 12 févier 881 à Valenciennes, sur les bords de l’Escaut », et il s’agit d’un poème, la Séquence de Sainte-Eulalie

Voilà la clé du roman, une clé qui ouvre bien des portes, vers des demeures archaïques. Charles  le Magne, celui qui a inventé l’école, ses petits fils, les jumeaux Nithard et Hartnid, la chamane Sar, et bien d’autres personnages, peuplent ce conte, qui croise l’histoire.
La grâce et la sobriété du conteur marchent à côté d’une indiscutable érudition mais vraiment érudite, au sens  de polie comme une hache néolithique à la ligne pure, défaite de toute rudesse, émouvante et drôle.
Le récit, fait de courts textes, parfois sans lien direct visible de l’un à l’autre, et parfois  aussi avec sauts et gambades dans la chronologie, fait penser, plus qu’à une mosaïque, à un filet aux mailles inégales, mais où tout se tient en un équilibre parfait. Voilà donc un conte, un poème, que l’auteur tient à appeler roman.

 Très simplement, assis sur une chaise, chaussant au besoin ses lunettes, l’auteur nous en lit quelques passages choisis, va jouer, au piano, un moment des Oiseaux d’Olivier Messiaen, puis revient se placer au centre du cercle de lumière dessiné par une poursuite (immobile) et laisse échapper un oiseau que son geste rend visible. En d’autres occasions, un corbeau, une chouette et peut-être une tourterelle ont pu, dit-il, accompagner la performance.

Dans la magie du plateau à la lumière (extrêmement raffinée, merci au concepteur de la Maison de la Poésie), ce qui se passe ici est en effet autre chose que du théâtre, mais une de ces «recitationes» qu’aimaient les anciens romains lettrés. Si l’on a déjà lu le roman, on le reconnaît avec joie, si l’on ne l’a pas encore lu, le charme de la performance en fait déjà un ami.

Christine Friedel

 Spectacle vu à la Maison de la Poésie, dans le cadre des Lectures musicales.

Les Larmes, éditions Grasset, octobre 2016.


Archive pour 28 octobre, 2016

La Rage, ou À la fin nous serons tous heureux

La Rage, ou À la fin nous serons tous heureux

Comment se rencontrer dans une société où l’on ne se rencontre pas ? Il faut, comme David Costé et Maëlle Faucheur, emmener le théâtre sur les lieux d’enfermement, hôpital, maison d’arrêt…Portes fermées et barrières solides : quand le théâtre et la danse s’invitent dans cette clôture, pourtant, quelque chose bouge et s’ouvre dans les esprits.

Avec deux duos qui feront un quatuor, dans un dispositif aussi ouvert et mobile que possible, mais aussi contraignant. Sur le plateau, une petite structure en forme de maison enferme l’interprète. Bouger là-dedans, tester des murs invisibles, replier, déplier son corps, laisser tomber, lutter plus tard contre la force sournoise d’un film plastique : Maëlle Faucheur, accompagnée par  Sabine Balasse au violoncelle, nous donne une belle danse contrainte. Elle s’enfermera à un autre moment dans le tissu d’un agrès aérien, et sa danse verticale, entre lutte et abandon, illustre d’une autre façon ce qu’est l’enfermement.

En parallèle, Damien Houssier et David Francillette jouent une délicate entrée de clowns. Ils sont le théâtre et s’enfarinent le visage, « pour un spectacle dont on ne sait pas ce qu’il sera », revêtent de grotesques robes de mariée, mais sont contrariés par les objets : la table descendue des cintres vacille, la chaise rappelée dans les hauteurs par un contrepoids, condamne le comédien à lui courir après…
Cela n’interrompt pas leur dialogue. Entre le comédien et l’ancien taulard, lui aussi forcément comédien, questions et réponses circulent avec calme, presque en tapinois. Vie, bonheur, bagarres violentes, origine de l’un et l’autre…, tout cela circule avec pudeur et désinvolture.

  Aucun pathos ni leçon de morale, mais il faut tendre l’oreille pour capter l’échange. On nous objectera sans doute que, vu la somme de travail que représente une création de ce type, par improvisations et trouvailles collectives, le spectateur à son tour peut faire un effort…

Le spectacle, à la fois très conceptuel (et compliqué), et sensible, se tricote ainsi avec maîtrise, et non sans charme. À suivre…

Christine Friedel

Spectacle vu à Mains d’Œuvres, lieu de création et de diffusion, de recherche et d’expérience à Saint-Ouen ( Seine-Saint-Denis).

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Déclaration de Carthage

 

Déclaration de Carthage, pour la protection des artistes en situation de vulnérabilité

 «Considérant que l’Art est une activité indispensable  permettant à l‘Homme de réaliser ce qui est proprement humain en lui, une puissance de révélation et un pouvoir d’influence, une pratique complexe et multidimensionnelle qui lui offre un champ de possibilités inattendues qui peuvent changer sa perception du monde (…) »,  expose en préambule, cette Déclaration de Carthage portée par un groupe d’artistes, universitaires et militants tunisiens réunis pour défendre les droits des artistes .

 Cette initiative a vu le jour, en novembre 2015 aux Journées Théâtrales de Carthage. Lassaad Jamoussi, le directeur de ce festival explique :«Constatant l’errance des artistes de Syrie, d’Afrique, d’Ukraine et d’ailleurs, il est important que la communauté internationale s’engage à les protéger.»
« Nous vivons dans “la  nuit du monde“, selon les mots de Martin Heidegger, et dans un système capitaliste sauvage,  ajoute Meriam Bousselmi, avocate et dramaturge, qui a contribué avec lui à la rédaction de ce projet ( avec l’universitaire Hamadi Redissià ). L’expression artistique est fabuleuse dans les pays au bord du chaos. Face à  la sauvagerie, c’est elle qui peut ramener à l’humain », c’est pourquoi, l’artiste doit être protégé par la communauté humaine ! Il convient de réfléchir, et non de réagir (…) réfléchir dans un monde de violence et de répression c’est possible en Tunisie. »

Pour Souhayr Belhassen, il  faut  multiplier des statuts spécifiques pour des catégories spécifiques (femmes, enfants, journalistes, etc. ). Bête noire du Président Ben Ali, cette journaliste et militante a dirigé la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) de 2007 à 2013 et, dans ce contexte, elle a rédigé, en 2012 le courageux Appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité. Cette charte selon elle, jette les bases d’un statut international pour les artistes et s’inscrit en droite ligne de la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948.

L‘exception tunisienne, soulignent les trois intellectuels réunis à la table ronde, a jusqu’ici permis de sauvegarder la liberté d’expression et d’élaborer ce projet, au sein de la société civile. Qu’est ce qu’un artiste ? Qui a droit à cette protection ?  Ils répondent : «Est artiste toute personne qui créée et participe à la création ou à la recréation d’une œuvre d’art. La communauté artistique reconnaîtra les siens, et non les distributeurs de cartes qui créent des artistes “officiels“». Dans la charte, cette protection inclut la propriété intellectuelle, telle que l’UNESCO l’a définie.

 Validée par le gouvernement, et signée par nombre de personnalités et institutions du monde de la culture, la Déclaration est actuellement soumise à l’Organisation des Nations Unies en vue d’une reconnaissance internationale. Dans ce sens, des réunions avec des artistes tunisiens et la rapporteuse spécialisée dans les droits culturels, au Conseil des droits de l’homme sont prévues d’ici 2017.

Il faut maintenant d’élaborer une stratégie bien claire, faire un travail national et international  de mobilisation de la société civile dans les différents pays. Pour Souhayr Belhassem, ces démarches passent par l’Europe mais il faut surtout retenir l’attention de personnalités de renommée mondiale comme Wei Wei, artiste chinois, qui sont, à elles seules, de puissants médias.

 Mireille Davidovici

La Déclaration de Carthage pour la protection des artistes en situation de vulnérabilité a été présentée, le 15 octobre à l’Institut des cultures d’islam à Paris, en présence de Lassaad Jamoussi, Meriam Bousselmi et Souhayr Belhassen.

Pour signer en ligne : http://jtcfestival.com.tn/declaration-de-carthage/

Journées Théâtrales de Carthage 2016 du 18 au 26 novembre

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