Cartographies

 Cartographies: L’Atlas de l’Anthropocène, conception et interprétation de Frédéric Ferrer

-Franck-Alix_2-2000x2645Premier épisode d’une série de cinq conférences sur le climat, qu’ on a vu pour beaucoup d’entre nous mais sont toujours aussi réjouissantes. Frédéric Ferrer autrefois géographe mais devenu auteur, acteur, metteur en scène, avait  d’abord monté Liberté à Brême de Fassbinder il y a vingt ans avant d’interroger les figures de la folie (Apoplexification à l’aide de la râpe à noix de muscade et Pour Wagner).
Il a consacré  au dérèglement climatique deux  cycles de conférences : d’abord Les chroniques du réchauffement avec Mauvais temps (2005), Kyoto for ever (2008), Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer le réchauffement climatique (20011) et plus récemment Sunamik Pigialik aux Métallos.
  Sur le plateau, juste une petite table avec de petits canards en plastique jaune, comme ceux qu’on met dans le bain des enfants, un écran  pour quelques  projections. Frédéric Ferrer nous parle de ces 90 canards lancés par la NASA américaine pour une expérience  sous les glaces  de l’Arctique, pour évaluer le changement climatique et les conséquences sur la formation des icebergs et la vitesse de leur fonte. Ces vilains petits canards auraient dû à un moment ou un autre réapparaître dans la mer mais que nenni depuis 2008, pas la moindre  trace du moindre canard… Donc échec total. Même si le réchauffement climatique est bien là. Les canards ont tout de même légitimé la présence des Américains au Groënland !  Belle opération de communication…
Frédéric Ferrer  va de sa table de conférencier à l’écran où sont projetées d’impressionnantes images de la fonte de la banquise.
Son dynamisme  et son humour emportent l’adhésion du public, même si on reste sceptique sur la réalité de l’entreprise….

Edith Rappoport

Les déterritorialisations du vecteur

Sur le plateau, une petite table de conférencier avec un ordinateur, et un palmier en pot. Au mur un écran. cela suffit pour que Frédéric Ferrer mène jusqu’au bout une brillante démonstration, à la fois solide sur le plan scientifique et absolument loufoque dès qu’il se met à parler. Avec une diction et une gestuelle excellentes.
Mais cela commence  sur le mode foutraque: « Soit je peux dire tout ce que je veux dire en trois heures, soit, seconde option, je vais essayer de dire ce que je disais en trois heures… en une heure ».

Frédéric Ferrer va nous démontrer, avec un calme déconcertant et de façon tout à fait scientifique  qu’Aedes albopictus, un moustique venu des forêts tropicales via les avions et les bateaux, et cela malgré toutes les mesures de protection sanitaire, est arrivé jusqu’au Sud de la France et en particulier dans la région de Montpellier. Et on a toutes les raisons de s’inquiéter.
Cet ennemi de l’homme, porteur  de ces graves maladies que sont la dengue et le chikungunya se reproduit à grande vitesse et se fait le plaisir de voyager aussi sur les autoroutes françaises en pratiquant le covoiturage sans aucun scrupule.Il semblerait qu’il soit aussi arrivé des Etats-Unis en logeant dans le creux des pneus exportés en Europe.

Frédéric Ferrer maîtrise remarquablement son sujet, et on rit souvent de bon cœur devant tant de malheurs. Mais il aurait vraiment pu oublier de nous présenter des vidéos à la fois vulgaires et faciles, où on le voit faire le clown sur des aires d’autoroute, ce qui lui aurait aussi permis d’économiser aussi de l’énergie électrique (un grand écran, cela consomme!). Au même chapitre on se demande bien aussi pourquoi il y a autant de projecteurs allumés- tout à fait inutiles, pour éclairer, avant le spectacle, la scène et la salle. Quand on prêche, et avec raison, les économies d’énergie, autant commencer par faire ce que l’on dit de faire!

A ces réserves près, c’est un  solo à la fois intelligent et hilarant. Pas si fréquent dans le théâtre contemporain…

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point, Paris jusqu’au 23 octobre à 20 h 30; Les Vikings et les satellites les 15 et 21 octobre, Les déterritorialisations du vecteur les 16 et 18 octobre, Pôle Nord les 7, 12 et 20 octobre et Vow les 8, 11 et 23 octobre.

 


Archive pour octobre, 2016

Les Elans ne sont pas toujours des animaux faciles

 

Les Elans ne sont pas toujours des animaux faciles,  textes de Frédéric Rose et Vincent Jaspard, adaptation et mise en scène de Laurent Serrano

Les élans ne sont pas toujours des animaux facilesSous une lumière tamisée de cabaret, il y a, sur la petite scène avec rideaux noirs, juste un piano droit, à cour et une guitare, à jardin, trois fauteuils, de petites tables avec une lampe et nombre de bouteilles de vin, dont plusieurs déjà  vides ont fini par terre, et une grosse valise de toile bariolée qui servira de contrebasse.
En costume cravate, et toujours ou presque un verre à la main, Benoît Urbain, Emmanuel Quatra et Pascal Neyron parlent de tout sans aucun lien, se racontent des souvenirs dans une série de sketchs parfois inégaux mais pour la plupart, très savoureux.
L’un d’eux veut se débarrasser à tout prix d’un morceau d’arc-en-ciel mais dont personne ne veut.
Un autre évoque un essai de conquête qui tourne au ratage absolu : il a cru séduire une belle jeune femme qui se révèle être ensuite un homme. Un autre évoque la situation catastrophique où se trouve une ex qui accumule échec sur échec. Quoi de plus drôle ? L’un  d’eux se croit obligé de «garder la mousson »  alors que l’autre « prévoit d’accueillir le sirocco». Il est aussi question d’une récente rencontre un soir avec Verlaine… On l’aura compris: on nage en plein loufoque. Et on allait l’oublier une danse de jambes figurées par les doigts des deux mains de toute beauté

Benoît Urbain, Emmanuel Quatra et Pascal Neyron sont très à l’aise dans ces sketchs courts, à la poésie teintée d’absurde (on pense souvent à Eugène Ionesco et à Roland Dubillard) qu’ils jouent avec un humour souvent féroce.
Il y a aussi des intermèdes musicaux de grande qualité, fort bien chantés par les trois complices, accompagnés  au piano par Benoît Urbain qui enseigna longtemps avec la chanteuse Christiane Legrand, fille de Raymond, le chef d’orchestre et sœur de Michel, le compositeur, et qui excella dans ces groupes étonnants qu’étaient Le Double Six et Les Swingers Singers dont on retrouve ici parfois l’esprit.
«La musique a une place prédominante, dit Laurent Serrano. Elle donne en effet une trame narrative à ces sketches qui n’ont pas toujours de liens entre eux.»  Avec des airs de Gershwin, mais aussi de Charles Trenet, Claude Nougaro et Serge Gainsbourg,  sur de remarquables arrangements musicaux de Benoit Urbain, et très bien mis en scène par Laurent Serrano.

Dans ce spectacle parfaitement rodé-c’est une reprise-aucun temps mort,  juste peut-être une petite baisse de régime vers la fin dans l’écriture des sketches. Mais quel bonheur de voir des chanteurs qui se révèlent être aussi de vrais bons comédiens, loin de toute prétention: une rareté dans le théâtre français contemporain. Bref, un très bon moment…

Philippe du Vignal

Théâtre du Lucernaire, rue Notre Dame des Champs, Paris (6ème) jusqu’au  6 novembre.

Anticorps de Magali Mougel

Anticorps de Magali Mougel, mise en espace de Maxime Contrepois

anticorps_antoine_dagata-sans_titre-bresil-2008_vertical Après une autre résidence, l’équipe d’Anticorps a mené durant quinze jours dans la salle de Théâtre Ouvert une “résidence dramaturgique visant à expérimenter le texte et les possibles résolutions scéniques dans le cadre d’une session de l’Ecole Pratique des Auteurs de Théâtre”.
Comme l’a expliqué avant la représentation, Maxime Contrepois, qui a été l’assistant de Jacques Nichet, Matthias Langhoff et Jean-François Sivadier, et qui est en charge des écritures dramaturgiques à la Comédie de Reims, le public  a assisté à quelque chose d’hybride entre une lecture très au point au pupitre, et en même temps à un début de mise en scène déjà élaborée, avec nombre de projections vidéo…

Une jeune femme Dina s’est enfuie de sa famille pour échapper à un passé qui sent trop mauvais pour elle. Puis, comme prise d’une nostalgie inavouable, elle va, sans doute au bout d’une longue errance, aller retrouver la maison où elle a autrefois vécue dans sa famille. On voit les images prises au volant d’une voiture d’une sorte de voyage initiatique. Dina va retrouver avec difficulté  ses repères  d’enfant: “Les constructions ont fleuri. Il n’y a plus de maïs, il n’y a plus de vaches. Seulement des charmilles, qui maintenant délimitent une propriété d’une autre. Je ne savais pas si je réussirais à distinguer la maison. »
  La vidéo nous montre longuement-et Maxime Contrepois s’est visiblement fait plaisir-une maison chic de banlieue bourgeoise. Récente et vaste, avec salon cossu et salle à manger aux beaux meubles. Sur le plateau, en complet décalage-scénographie réussie hyperréaliste de Margaux Nessi-une cuisine des années 50 avec évier et vaisselle qui sèche, petite table et chaises de stratifié jaune pâle, et juste à côté, un salon avec table basse et deux fauteuils eux aussi des années cinquante, éclairé par de grandes baies vitrées qui serviront aussi d’écran à certains moments.
Donc Dina retrouve sa tante qu’elle n’a pas vu depuis quelque dix ans, avec qui elle va prendre un café puis un porto. L’oncle n’est visiblement plus là…

Puis changement de décor très habile et rapidement mené: toute la cuisine disparaît pour faire place à une route, symbolisée par une aire de station-service avec sa grosse pompe à essence Avia, aux couleurs  bleu-blanc-rouge (toute une époque! et que l’on retrouvera sans doute un jour dans un musée de design en France, comme celui de Norrköpping en Suède).
Dina repartira  la nuit pour une nouvelle errance, puis rencontrera une femme et un homme et si on a bien compris, il semble qu’il y ait eu une histoire d’amour entre eux.  Il est aussi question d’un grave accident de la route. On voit, derrière une grande baie vitrée et dans une  superbe image, le corps de Dina nue, d’abord endormie puis visiblement morte? Sur un lit drapé de blanc, dans une étroite chambre tout aussi blanche. Image qui rappelle celles des premiers et magnifiques spectacles de Bob Wilson: la scénographe issue des Arts Déco a visiblement des références…

  Magali  Mougel veut parler de la vie personnelle qu’on voit se dérouler, mais de celle des autres aussi, dans un langage poético-dramatique. On se laisse facilement emporter  dans cette histoire où Dina navigue sans cesse du passé au présent, mais sans voir vraiment d’issue. Vieux conflit des personnages de théâtre… « Le passé me tourmente et je crains l’avenir” faisait déjà dire Corneille à la belle Chimène.
 Mais ici, cette errance est sans doute difficile à traduire sur un plateau. Et la vidéo-cette béquille passe partout, nuit une fois de plus  à la mise en scène. Et Maxime  Contrepois aurait pu ainsi nous épargner nombre d’images pléonastiques du genre: quand le texte évoque la petite fille que Dina a été, on voit de longs plans sur une petite fille dans le salon, etc.  Le regard du spectateur se fatigue donc et peine à se concentrer sur le texte et le jeu des comédiens, surtout quand les images très prégnantes sont parfois projetées  sur deux écrans à la fois!
 Mais bon, difficile de faire la part des choses et  de juger un travail encore en cours qui sera donc modifié, puisqu’il s’agit une mise en espace, et non encore d’une première qui aura lieu dans  trois semaines. En tout cas, Dan Arus, Adeline Guillot, Judith Morisseau, Jules Sagot remplissent le contrat et apportent une belle lumière à un texte difficile qui participe d’une sorte de poème à mi-chemin entre théâtre et cinéma, avec un clin d’œil à une installation d’art plastique, et où on retrouve parfois le charme des films d’Eric Rohmer.

Philippe du Vignal

Théâtre Ouvert  4 bis Cité Véron, 75018 Paris. T: 01 42 55 74 40 jusqu’au 22 octobre.
Le spectacle sera créé à Rennes le 9 novembre, lors du festival Mettre en scène.

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Vers un Protocole de conversation ?


 Vers un Protocole de conversation ? conception et mise en scène de Georges Appaix, chorégraphie et textes de Georges Appaix, avec la participation des interprètes

  Voilà près de trente ans que Georges Appaix nous enchante avec de petites œuvres qui suivent le cours de l’alphabet et dont l’apparente légèreté recèle des trésors de significations possibles.Cet artiste marseillais «danseur par effraction, puis chorégraphe sur le tas», comme il se définit lui-même, tresse les mots et les gestes en véritable acrobate poétique. Il jongle avec les aléas du sens et les vertus de la prose. Le nom de sa compagnie, La Liseuse, révèle d’ailleurs sa passion pour la littérature. Depuis Antiquité, créé en 1985, pièce  dont les interprètes dansaient sur des vers d’Homère, Georges Appaix a parcouru une grande partie de l’alphabet et Vers un Protocole de conversation ? nous amène maintenant à la lettre v !

img_5269_-_copie-2-d45dbHumour et grâce parcourent ce nouvel opus, portés par deux  artistes d’une infinie délicatesse : Mélanie Venino qui danse, et Alessandro Bernardeschi qui parle. La présence malicieuse du chorégraphe sur le plateau ajoute un supplément d’élégance.
Alessandro Bernardeschi, interprète de Caterina Sagna notamment, excelle dans la faconde et le plaisir de la conversation, et donne l’impression avec un texte très écrit  de l’inventer au fur et à mesure. Quant à Mélanie Venino, sa danse, où l’on croit par moments reconnaître celle d’Anne Teresa De Keersmaeker, dialogue avec les mots de  son partenaire, dans une rencontre faite d’approches, de fuites, d’hésitations et d’allers et retours entre eux. Rien n’est véritablement précisé mais on se sent tout de suite emporté par un courant de vie qui habite les trois personnages.

Il y a de la nostalgie dans l’air, jusque dans la musique : les airs d’opéra chantés par La Callas succèdent aux guitares électriques du groupe Creedence Clearwater Revival,  puis à une chanson de Bob Dylan interprétée par Georges Appaix, sorte d’hommage au dernier prix Nobel de littérature !  Déjà la lettre V qui s’envole, et on se prend à rêver d’un alphabet plus fourni, juste pour prolonger encore un peu le plaisir de voir ce que Georges Appaix peut faire jaillir d’une lettre.

Sonia Schoonejans

Théâtre des Abbesses, Paris,  jusqu’au 21 octobre.

Théâtre 140/Bruxelles, du 16 au 18 novembre. Théâtre Fontblanche/Vitrolles,  le  25 novembre;
Le Parvis/Scène Nationale de Tarbes, le 10 décembre.
Théâtre d’Arles, le 6 janvier ; C.C.N. de Tours, du 7 au 10 février.
C.D.C. de Strasbourg, les 1er et 2 mars; C.D.C. d’Aquitaine, en partenariat avec le TNBA, les 9 et 10 mars; C.N.C.D.C. de Châteauvallon, le 24 mars; Théâtre de Miramas, le 6 mai.

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Io sono Rocco

Festival Actoral (Temps fort, la scène belge) :  

 

Io sono Rocco, mise en scène et scénographie de Salvatore Calcagno

Comment dire la mort d’un proche ? Le sublime et le grotesque de ces moments à la fois intenses et triviaux ? Cela commence comme du théâtre-narration : on se souvient de Finir en beauté de Mohammed El Khatib qui s’est joué au festival d’Avignon (voir Le Théâtre du Blog) qui, puisant à la source du réel et de l’intime, nous racontait l’agonie de sa mère, avec des mots simples, des documents, des faits, et des paroles brutes.

 Ici aussi, un plateau à nu et vide. Mais les mots ne sont pas incarnés et s’impriment sur le beau mur de pierre, encadré de colonnes, du Théâtre des Bernardines. Ils évoquent la mort du père avec un peu de détachement. Comme dans l’incipit de L’Etranger d’Albert Camus, on ne souvient plus très bien de la date. Et puis, il ne faudrait pas que ce décès dérange trop le quotidien des vivants.

soeur noire Ensuite, sus aux mots : place au corps ! Entre en scène une soprane à la belle présence qui chante, puis s’éclipse pour laisser place à la déambulation solennelle d’une longiligne religieuse  aux vêtements blancs qui contrastent avec sa peau noire. Affublée de bottes de cuir à vertigineux talons-aiguille. Ce pourrait fort bien être une infirmière de film d’horreur, un personnage trouble dont on devine la duplicité.
Elle pousse un chariot, déploie une panoplie d’instruments inquiétants, se maquille outrageusement avec un rouge à lèvres sanguin, et dévoile un ensemble de lingerie vulgaire. Son manège devient de plus en plus inquiétant quand elle enlève sa coiffe, puis tranche ses longs cheveux avec un couteau. Et soudain, elle provoque un spectateur en duel.

 Au premier rang du public, se lève alors le danseur Salvatore Calcagno. qui est à l’origine de ce projet inspiré par le décès de son père et la découverte de ses vieux disques d’Ennio Morricone. Il imagine «un chapitre chorégraphié et fantasmé de son journal intime», dont le cœur dramaturgique serait la question du deuil.
Deux techniciens viennent installer une  grande table en inox avec, à chaque extrémité, couteaux et tomates, fenouil, artichaut, basilic…). Et nous voilà subitement projetés dans l’univers d’un western spaghetti : Rocco face à la Mort.  Un duel des chefs commence alors : « La garce avait les traits de la mort… je l’aime ».

Nous basculons dans l’allégorie. Le face à face est un deal, comme chez Bernard-Marie Koltès. Mais tacite. Avec une esthétique qui lorgne du côté de Kill Bill de Quentin Tarantino. La Mort est une putain superbe, un serpent venimeux, une Black Mamba, aussi sensuelle que vengeresse. Sur son visage de statue, apparaît fugacement une face grimaçante de gargouille où passent  très vite la Beauté et la Faucheuse. Et bien sûr, elle fume des clopes, comme toute cow-girl qui se respecte.

La table ne cesse de tourner sur son moyeu central, telle une roue de la fortune. S’y succèdent jeux dangereux de couteaux, interversion des rôles, découpage sauvage de légumes. Toute l’immanence de la chair. Nous retenons notre souffle, cela semble dangereux (le bandage du danseur au genou trahit-il une blessure lors des répétitions, ou le talon d’Achille de ce corps bien charpenté ?) Un combat  long, hypnotique. Un peu lassant à la longue. Puis la table devient autonome : temps et espace sont détraqués (out of joint),  comme dit Hamlet, après avoir parlé avec le fantôme de son père, et découvert qu’il a été assassiné par son oncle.

 Ce «mimodrame», à  la belle chorégraphie, offre un moment singulier, bien loin du réalisme des chambres d’hôpital, où se vivent prosaïquement les agonies. Y soufflent les troubles délices de fantasmes sadomasochistes. Malgré les longueurs qui concourent à la sensation de persévérance, on apprécie l’idée de mettre les adversaires à table, debout, et de suggérer le vertige  par un  incessant mouvement circulaire! L’imagerie italienne de mafiosi attablés pour négocier, n’est jamais loin.
 Intéressant personnage de théâtre que cette femme fatale qui nous cuisine! Elle semble échappée d’une bande-dessinée ou du Grand Guignol sanglant. Dans l’arène, le jeune garçon athlétique, au corps d’éphèbe, est moins puissant. Bang, bang! Nous garderons  de ce spectacle quelques images fulgurantes.

 Stéphanie Ruffier

Le Festival Actoral, a eu lieu à Marseille du 27 septembre au 15 octobre et se poursuivra à Montréal du 25 octobre au 5 novembre.

 

 

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L’Héritier de village de Marivaux

L’Héritier de village de Marivaux, mise en scène de Sandrine Anglade

 

7Un paysan Blaise, (Vincent Debost) qui sait ce qu’il veut, est un rustre, récemment enrichi par un héritage que sa bêtise expose à toutes les duperies. Vaniteux, il prodigue son argent, enseigne les mondanités à sa femme Claudine (malicieuse Julie Teuf), et exige que ses enfants reçoivent la meilleure des éducations et veut pour eux de futurs époux nobles : soit un miracle de promotion sociale.
Pour leur fille Colette (la même Julie Teuf, tout aussi sucrée), se présente un chevalier sans scrupule (Tonin Palazzotto), aristocrate déchu qu’intéresserait bien un mariage fortuné.
Et pour leur fils Colin (Yacine Sif El Islam), Madame Damis (Julie Bertin), veuve attirée par une alliance de sauvegarde, ferait, pour Blaise et Claudine, plutôt bien l’affaire. Et quoiqu’il arrive malgré tout, Arlequin (Johann Cuny) affiche l’optimisme du profiteur installé.

Marivaux écrit L’Héritier de village en 1725, sur un thème d’actualité : la banqueroute de Law a eu lieu quelques années plus tôt ! Pour Sandrine Anglade, la pièce, entre ironie et sarcasmes, humour et moquerie douce-amère, révèle la dimension d’une fable/farce. En effet, ce couple de pauvres bougres se croit riche, et on les croit riches, le temps d’une parenthèse drôle et cynique.
Des gens que tout oppose socialement à eux,  jouent les séducteurs, inventant une communauté improbable qui se dilue dans la seule valeur de l’argent, où tous les hommes  sont crédules, naïfs, et menteurs. La pièce provoqua un certaine scandale, quand en 1965, au festival du Théâtre universitaire de Nancy,  le jeune Patrice Chéreau la mit en scène.
Bernard Dort écrivait alors : « La comédie de ces paysans qui singent le beau monde, prenait soudain une réelle violence… » L’Héritier de village s’annonce en effet comme une comédie de l’éducation, non du cœur et de la raison, mais de la déraison et de l’incohérence d’une société hypocrite fondée sur l’argent.
Le pittoresque du langage provoque des effets burlesques : ces paysans parlent le dialecte d’Ile-de-France, mais stéréotypé pour le théâtre, avec une  prononciation conventionnelle et nombre de formes verbales au pluriel au lieu du singulier. Ainsi dit Blaise à sa Claudine : «Eh morgué, souvians-toi de la nichée des cent mille francs, n’avons-je pas des écus qui nous font des petits ? » ou encore : «Le brocard, les parles et les jouyaux ne font rian à mon dire, t’en auras bauge, j’aurons itou du d’or sur mon habit. » Vocabulaire et images respirent la saveur authentique du terroir, avec un mouvement des phrases expressif et énergique.

 Frédéric Casanova  a créé une scénographie facétieuse, avec un sol  nu, séparé à cour par deux grands châssis de tissu dessinant une alcôve, et à jardin, une véritable montagne de chemises sur laquelle règne lave-linge, coffre-fort ouvert ou fermé, sombre ou lumineux, selon les rentrées ou sorties financières du trésorier, titre que Blaise s’est arrogé à l’improviste.

 Il y a aussi un beau théâtre d’ombres-agrandies et projetées sur la toile de fond-, un jeu vivant et enfantin de théâtre dans le théâtre  où  tous, paysans et nobles déchus, s’amusent à se jouer la comédie jusqu’à la magie de pièces d’or qui tombent en poussière dorée sur un Blaise rêveur. Le spectacle irradie une bonne humeur, et un souffle de moquerie : les acteurs qu’accompagnent les musiciens Romain Guerret et Arnaud Pilard, jouent à plaisir cette farce loufoque  qui est aussi une comédie grave, dansent allégrement et chantent Aux Marches du palais avec une belle sérénité. Ils sautillent avec grâce avant la débâcle,  avec un rire mi-figue mi-raisin, parfois teinté d’amertume, entre poésie et politique…

Véronique Hotte

Spectacle vu au Théâtre Firmin Gémier-La Piscine à Châtenay-Malabry, le 18 octobre. En tournée en France.

Edgar, le cœur dans les talons

Edgar, le cœur dans les talons, mise en scène de Yoann Chabaud

 

« Mon fils en tutu ? Jamais ! » assure Francis. L’homme ne semble pourtant pas un mauvais bougre. Mais la pression sociale est forte : que diraient ses collègues de chantier, s’ils apprenaient que sa progéniture se passionne pour la danse classique ? Seul en scène, les yeux dans les yeux, Edgar nous raconte sa vocation d’artiste : une lutte qui tient de la grâce. Avec une détermination sans faille, tel un boxeur, il esquive à merveille les petites phrases assassines de sa famille, de ses camarades de classe, mais aussi et surtout les préjugés sur la virilité.
Car, inutile de faire des entrechats, plane ici le spectre de l’homophobie et de la misogynie : un garçon délicat qui chausse des ballerines ne serait-il pas un peu une fille ? Dans la cour de récré, tout le monde n’est pas tendre, et quand il entend « pd », Edgar préfère penser qu’on le compare à Patrick Dupont. Et puis, il a quelques alliés…

Dans des saynètes tour à tour tendres ou  haletantes, il se glisse à merveille dans la peau et la parlure de ses interlocuteurs, façon solo et théâtre d’objets. Première bagarre, premier amour fou pour une jeune beauté (oui, Edgar aime les filles !), première audition… Toutes les étapes de sa vie jusqu’à la consécration sont retracées.
Le milieu ouvrier fait, bien sûr, songer au film Billy Elliot et certaines scènes de confrontation (dont un onirique combat au poing et un repas chez le patron) rappellent les cruautés décrites dans le roman Pour en finir avec Eddy Bellegueule. Pour autant, l’ensemble reste plutôt léger, un peu naïf parfois.

Quand il danse, le cabotin Edgar se met à nu, nous emporte et terrasse ce que d’aucuns voudraient réduire à une bête et fallacieuse théorie des genres, alors qu’il s’agit de se mouvoir, au nom de la liberté d’être soi. Les changements facétieux de costumes (ah ! le fameux collant pour homme et le clin d’œil à Dirty Dancing), tout comme les très belles irruptions de chorégraphies donnent envie de se lever, pour se jouer, comme Edgar, du féminin et du masculin.

Un magnifique spectacle positif, qui nous touche en utilisant les armes de l’humour et dont la sincérité ne fait aucun doute. N’hésitez pas à le partager avec des enfants qui, dès huit ans, seront sensibles au message : « Deviens qui tu es ».

 Stéphanie Ruffier

 Théâtre de Ménilmontant. T : 01 46 36 98 60, jusqu’au 21  décembre.

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Grands Prix de littérature dramatique et de littérature dramatique Jeunesse 2016


Grands Prix de littérature dramatique et de littérature dramatique Jeunesse 2016:

M.ElKhatib© Droits réservésSous l’égide d’ARTCENA, le jury a retenu pour le premier de ces deux prix, Finir en beauté de Mohamed El Khatib, écrivain français de 39 ans, d’origine marocaine. Sa troisième pièce créée au festival Actoral à Marseille en 2014  puis reprise avec succès au festival off d’Avignon, est le récit de la mort de sa mère  en soins palliatifs pour un cancer du foie, à l’hôpital d’Orléans.
Après avoir fait Sciences Po à Rennes, il a commencé une thèse de sociologie puis a été conseiller théâtre et danse à la DRAC de Haute-Normandie.Il est, depuis la rentrée, artiste associé du Théâtre de la Ville; et deux de ses pièces Finir en beauté et Moi Corine Dadat seront joués le mois prochain au Monfort.

papin_nathalie_© Laurence GarcetteNathalie Papin, elle, a reçu le prix de littérature dramatique Jeunesse pour  Léonie et Noélie. Née en 1960, elle a été formée  au Centre des Arts et Techniques du Cirque, puis a écrit son premier récit, Le Tout-Contre en 1995. Elle a ensuite écrit nombre de pièces de théâtre pour enfants comme : Mange-moi, Debout, L’Appel du Pont, Yolé Tam Gué, Le Pays de Rien, Camino, Petites formes, publiés à l’École des loisirs,

La remise de ces prix s’est déroulée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, dont des élèves, dirigés par Robin Renucci, ont lu des extraits des huit textes  retenus par le jury, dont La Baraque d’Aiat Fayez, Des cow-boys de Sandrine Roche, Et dans le trou de mon cœur, le monde entier de Stanislas Cotton, et Seuls les vivants peuvent mourir d’Aurore Jacob.
Et pour le prix de littérature Jeunesse, Münchhausen? de Fabrice Melquiot, et Stroboscopie de Sébastien Joanniez.

Philippe du Vignal

ARTCENA , Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre
SignatureMailArtcenaaccueil@artcena.fr www.artcena.fr
68, rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris et 134 rue Legendre, 75017 Paris

Finir en beauté est publié par Les Solitaires intempestifs et sera jouée au Monfort, du 8 au 26 novembre à 19h30,  et Moi Corinne Dadat les 18, 19, 25 et 26 novembre à 21h.
Léonie et Noélie est une pièce éditée, comme les autres textes de Nathalie Papin, à L’Ecole des loisirs.

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Songes et Métamorphoses d’après Ovide et Shakespeare

Songes et Métamorphoses d’après Ovide et Shakespeare, mise en scène de Guillaume Vincent

 

 MG_0951-1024x683En alternance avec des pièces de Marivaux, Rainer-Werner Fassbinder, Virginia Woolf, Jean-luc Lagarce, Guillamme Vincent au parcours singulier  monte aussi ses propres textes, comme La nuit tombe, présenté notamment aux Théâtre des Bouffes du Nord,  et en  Avignon en 2014 un solo avec Émilie Incerti-Formentini, Rendez-vous gare de l’est,  (voir Le Théâtre du Blog).

Toujours accompagné par la Comédie de Reims, il vient d’y créer Songes et Métamorphoses où il combine des textes d’Ovide et le Songe dune nuit d’été de William Shakespeare, où, dans cette pièce, des artisans jouent Pyrame et Thisbé, une histoire que l’on trouve aussi chez Ovide, avec des moments de «théâtre dans le théâtre».
Cette mise en abyme se  prolonge encore ici, puisque les acteurs qui interprètent les personnages de comédiens de cette pièce dans la pièce portent leurs véritables  prénoms.

Le spectacle débute par l’histoire du mythe de Narcisse, joué par les enfants d’un groupe de théâtre amateur, dirigé par un certain M. Gaillard. Un décor glisse vers l’avant-scène, installation  qui aurait pu être réalisée par eux. Puis on assiste à une évocation de personnages comme Hermaphrodite, Myrrha, Pygmalion et Procné. Dans cette dernière séquence, une femme découvre que son mari a couché avec sa sœur et se venge.
Guillaume Vincent  a mis en scène cet épisode en rupture avec le rythme installé: un peu plus lent que les autres, et beaucoup plus sombre comme s’il avait voulu proposer un nouveau morceau de bravoure à Émilie Incerti-Formentini. Dommage…

 Ensuite, après un court entracte, il y a sur le plateau du Songe, les éléments du décor précédent, mais avec une plus large ouverture: de grands châssis latéraux figurent la forêt. Scénographie intelligente et discrète, appuyée par des lumières efficaces. Dans cette deuxième partie, Gérard Watkins incarne un  très beau Puck. Sautillant, comme un dandy à cornes et zigzaguant sans cesse dans un  costume à paillettes, il semble flotter et fait mouche à chacune de ses entrées, avec légèreté et humour: on guette ses apparitions…
Cette énième mise en scène du chef-d’œuvre de Shakespeare, fraîche, moderne et drôle, est aussi musicale et deux comédiennes entonnent du Henry Purcell et du Benjamin Britten.

Un souffle revigorant, une jeunesse affichée et un hommage aux amateurs dans cette double pièce qui y interroge le théâtre : pourquoi cet art si futile tient-il tant à cœur à ceux qui le pratiquent ? Peut-il changer les gens?
Stéphane Braunschweig qui a été le professeur de Guillaume Vincent à l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, rappelle qu’il a toujours voulu se situer entre Claude Régy  et Jacqueline Maillan, qu’il a retrouvée ici en la personne d’Émilie Incerti-Formentini, dont on découvre tout  le potentiel comique. Pour Claude Régy, on verra… mais le grand écart est déjà là quand il fait jouer cette jeune actrice!

En tout cas, un spectacle très bien réalisé,simple et généreux. Ne boudons pas notre plaisir…

Julien Barsan

Spectacle vu à la Comédie de Reims.

Le 18 novembre à l’Avant Seine-Théâtre de Colombes.Les 23 et 24 novembre  à l’ Espace Malraux-Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie. Du 30 novembre au 4 décembre au Théâtre du Nord-Centre Dramatique National.
Les 13 et 14 décembre, à la Scène nationale de Saint-Nazaire. Du 11 au 13 janvier, au Lieu Unique-Scène nationale de Nantes.

Les 19 et 20 janvier au Parvis-Scène nationale de Tarbes. Les 25 et 26 janvier à la Scène Nationale d’Albi.
Du 2 au  4 février au Centre Dramatique National d’Orléans-Loiret-Centre. Du 9 au 12 février , au Centre Dramatique National de Besançon-Franche-Comté.
Les 23 et 24 février, au Cratère-Scène Nationale d’Alès. Les 8 et 9 mars, au Théâtre de Caen.
Les 14 et 15 mars, au Quai-Centre Dramatique National d’Angers-Pays de la Loire. Les 23 et 24 mars, au TANDEM/Scène nationale de Douai.

Du 19 avril au 20 mai, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Et en juin, au Printemps des Comédiens à Montpellier.

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Le Suicidé de Nikolaï Erdman

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Le Suicidé de Nikolaï Erdman, mise en scène de Jean Bellorini

 

 Le metteur en pièce a créé la pièce de cet auteur russe (1900-1970) au Berliner Ensemble en février  dernier. Ecrite en 1928 mais interdite par Staline, elle fut enfin montée en Allemagne, et en russe en 1969seulement. Puis en Russie, quelques années après la mort de Nikolaï Erdman.
Jean Bellorini  a fait tout un travail musical préparatoire, en mêlant chants traditionnels russes et tsiganes, avec musique classique, en accord avec les musiciens Timofey Saltarov, à l’accordéon, et Phlipp Kullen, à la batterie. Et il y a ajouté un chant choral de Boulat Okoudjava, interprété par toute la troupe.
Le jeu physique de chacun correspond à l’esprit d’unité artistique qui se dégage de la célèbre troupe aguerrie du Berliner Ensemble avec ses remarquables acteurs à la personnalité singulière. Le metteur en scène a visiblement aimé les diriger à l’oreille, comme un chef d’orchestre.
La pièce de Nikolaï Erdman recèle une petite musique enjouée, façon Eugène Labiche, teintée de philosophie, que la troupe met en lumière entre allemand et russe, voire français. Quiproquos, malentendus et échanges surréalistes, loin de tout naturalisme : le monde risible et désespéré selon Nikolaï Erdmann, est absurde, et il n’y a personne pour en rétablir le sens…

Sémione Podsékalnikov,  pour cause de chômage de trop longue durée, a voulu apprendre à jouer de l’hélicon mais il échoue et veut se suicider. Il donne ainsi l’occasion à son entourage, comme entre autres, son proche voisin Alexandre Pétrovitch, de se faire de l’argent en le manipulant,  au nom de l’art, du commerce, du travail ou de la romance amoureuse….
Sémione est donc pris dans un engrenage qui l’enserre de plus en plus face aux autres,  tout aussi fous et inconséquents que lui. Son épouse Macha, seule, fait encore faire preuve de dignité (Hanna Jürgens), comme sa belle-mère, interprétée par Carmen-Maja Antoni qui chante et joue la comédie admirablement.
Nikolaï Erdman se livre ici, entre farce grotesque et comédie noire, à une critique  féroce du communisme.

Le comique et malicieux Giorgios Tsivanoglou, au profil symbolique d’Oblomov, le héros du célèbre roman d’Ivan Gontcharov, nonchalant et réfléchi, jouant du décalage des regards des autres joue remarquablement ce suicidé. Jean Bellorini s’est permis un ajout signifiant, entre poésie et politique: la lecture d’une lettre que Mikhaïl Boulgakov écrivit à Staline pour défendre Nikolaï Erdman,  où il le supplie de laisser le dramaturge exilé, rentrer en Russie et y vivre et écrire librement.

Le spectacle participe d’un beau moment festif, avec facéties, jeux et déguisements, dans une fresque chorale et un ensemble de scènes dotées parfois de chants magnifiques, comme ceux de Joachim Nimtz (le voisin). Les convives d’un banquet, bien habillés, honorent le futur suicidé:  dans un ensemble scénique aux belles couleurs vives, où les acteurs comme le public s’amusent : le plaisir même du théâtre.
Saluons les comédiens, tous remarquables, en particulier ceux qui tiennent de nombreux petits rôles avec une belle loufoquerie, comme Félix Tittel et Matthias Mosbach.

Véronique Hotte

Le spectacle a été joué au Théâtre Gérard Philipe, de Saint-Denis du 12 au 16 octobre.

 

 

 

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