Finir en beauté de et par Mohamed el Khatib
Finir en beauté, de et par Mohamed el Khatib

Il a fait Science-Po à Rennes, a vécu un temps à Mexico où il étudié la géographie, et a soutenu une thèse en sociologie sur la critique dans la presse, et a été conseiller théâtre et danse à la DRAC en Haute-Normandie. Bref, un parcours un peu atypique.
Ici, il raconte, étant lui-même son propre interprète, la mort de sa mère en 2012, atteinte d’un cancer du foie, à l’hôpital d’Orléans, dans une unité de soins palliatifs. Il a obtenu l’autorisation de la filmer et sa mère avait accepté.
Une de ses trois sœurs n’était pas d’accord mais il a attendu qu’elle parte pour le faire. Sur scène, une caisse à roulettes dite « flyer-case » avec un grand écran, et une autre avec quelques livres, un petit chapelet musulman, quelques livres et une grosse caméra. Sur l’écran qui reste noir, on voit défiler les paroles qu’on entend mais pas très bien, celle de sa mère et celle aussi des médecins qui essayent de lui rendre sa fin de vie supportable.Elle aurait dû se soigner, il y a une vingtaine d’années: elle ne l’a pas fait, et maintenant la famille va apprendre que c’est une question de semaines, voire de jours: elle va mourir. On ne verra jamais son corps, sauf très vite sur son lit de mort.
Mohamed El Khatib raconte cette fin dramatique puis son enterrement au Maroc-dont on voit quelques images-avec les complications administratives pour le transport du corps. mais tout cela sans aucun pathos, avec une grande économie de moyens et un humour des plus caustiques.
Il nous fait ainsi entendre, enregistré sur son portable, un petit orchestre de trompettes qui, au cimetière, joue lamentablement faux, puis très juste… après que son oncle soit allé glisser un billet à leur chef. Il nous raconte aussi comment l’iman récite les sourates du Coran tenu de la main droite, tandis qu’il envoie un SMS de l’autre…
Nous nous retrouvons tous, dans cette confrontation avec la mort d’un proche, surtout quand il se met à poser des questions comme cette mère: «Pas d’opération, ni rien ? – Non, rien. Ils ne peuvent plus rien faire.» Phrase terrible, avec une variante aussi terrible-que nous avons entendue de la bouche d’un très proche, allongé dans son bain, le regard fixe, quelques jours avant sa mort: « Le médecin m’a dit hier qu’ils ne pouvaient plus rien faire pour moi »!
Entre fiction théâtrale et autobiographie en forme de documentaire, le spectacle qui n’en est pas vraiment un et qui vaut sans doute plus par la présence effective de son auteur, plus que par une mise en scène parfois assez conventionnelle, mais bon, l’essentiel du livre avec sa vérité juste et crue, est bien là…
Dans cet exorcisme très intime, l’auteur évoque, en à peine une heure, son deuil et celui de sa famille marocaine, et élève un « monumentum » à sa mère, quelques années après sa disparition. Avec une grande dignité mais aussi-sinon cela ne passerait pas- avec quelques phrases très drôles. Cela dit, la pièce méritait-elle vraiment le Grand prix de littérature dramatique? Dans sa forme, elle reste un peu décevante, et le thème aurait mérité une construction plus solide.
A la fin, l’auteur-metteur en scène distribue de l’acte de décès au public (mais on n’en voit pas bien la nécessité!) et il y a la projection d’une très belle photo de cette mère adorée.
Mohamed El Khatib- et c’est bien ainsi-ne reviendra pas saluer. Profond silence et réelle émotion dans le public…
Philippe du Vignal Monfort, Paris XVème, jusqu’au 26 novembre.Le texte de cette pièce est publié aux Solitaires intempestifs, 11 €.