Scènes de violences conjugales de Gérard Watkins

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Scènes de violences conjugales, texte, mise en scène et scénographie de Gérard Watkins

  Une femme et un homme se rencontrent, dans des circonstances plus ou moins étranges ou ordinaires, aux quelles on trouvera après coup un sens prophétique, « forcément, parti comme ça… ». Ils s‘aiment, se déchirent et se séparent. Mais souvent l’un déchire l’autre, et le détruit.
Le plus intéressant, et le plus prophétique quand s’installe l’échange des premières paroles : un rapport de domination. Lui, appelons-le, Pascal Frontin, vient d’un milieu social plus favorisé. Artiste qui plus est (encore qu’il pratique fort peu…) : cela ajoute à son prestige.
Elle, disons, Annie Bardel, a déjà été pas mal bousculée par la vie. Deux enfants, dont elle n’a pas la garde, de deux pères vite absents. L’arrivée de Pascal dans sa vie est un vrai miracle. Mais tout de suite, il commence à la critiquer, à la “reprendre“.
Arrivent les petites humiliations, le harcèlement, la sape de la personnalité de la jeune femme, puis la brutalité et la violence physique, jusqu’à la torture. Tout cela parce qu’elle n’a pas pu rester seule, tout cela parce que lui a voulu tester à mort le seul pouvoir qui lui reste, à défaut d’en avoir sur sa propre vie, sur quelqu’un de plus fragile. Où l’on voit l’amour, l’idée de l’amour, l’espoir de l’amour flambé par le grand rêve de ne faire qu’un : l’un des deux mange l’autre, le pervers narcissique le détruit, pour être sûr de ne faire qu’un et que cet “un“ soit lui-même.

L’autre couple est plus jeune et, en apparence, appelé à un meilleur destin. Rachida, étudiante en médecine, musulmane en désaccord mais non en guerre avec sa famille, sait ce qu’elle veut, tient tête, avec une sacrée répartie. Liam, perdu dans cette banlieue qu’il ne connaît pas, ayant fui sa petite ville et une enfance fracassée, voudrait à la fois se fondre dans cette fille forte et la fondre à son désir. Même une Rachida peut céder un temps, par amour, jusqu’au coup de trop qui tue leur enfant à naître. Pas d’avenir avec un homme qui tue l’avenir. Elle vivra donc blessée et seule, mais autonome.

Gérard Watkins a écrit, mieux qu’une pièce documentaire, une pièce documentée. Il a interrogé, consulté, écouté, travaillé avec des professionnels de la lutte contre les violences conjugales et de la réparation des femmes qui les ont subies. Policiers, juges, psy, “aidants“ restent hors-champ. Il se concentre sur les deux « cas » qui nous donnent à voir chaque étape de l’emprise, de la destruction de l’un par l’autre.
Mais  il fait œuvre en travaillant sur le langage. Les mots du dominateur rabaissent, blessent, amoindrissent, jusqu’à ce qu’ils servent de justification aux coups et de déni face à la justice ou au thérapeute. Le silence de celle qui prend les coups fait tourner le cercle infernal ; elle en sort enfin quand elle réussit à parler. Watkins cisèle son texte jusqu’à une véritable poésie de l’épure. De l’empathie, sans jugement : à chaque personnage de faire son chemin.

La scénographie fonctionnelle, presque abstraite, interdit tout naturalisme,qui serait ici littéralement obscène. Elle porte avec les percussions de Yuko Oshim-il s’agit bien d’une affaire de coups-l’énergie de jeu des quatre comédiens. Elle les propulse jusqu’à la respiration finale.
Julie Denisse et Daniel Gouhier (le premier couple), Hayet Darwich (Rachida) et Maxime Lévêque (Liam), donnent la même qualité de précision et d’intensité que l’écriture, drôles parfois au début puis de moins en moins, et enfin oppressés jusqu’à l’apnée. Cela fait de ces Scènes de violences conjugales, une tragédie d’aujourd’hui, à la fois positive et lucide, humaine et intelligente.
Chapeau.

Christine Friedel

Théâtre de la Tempête – 01 43 28 36 36 – jusqu’au 11 décembre puis en tournée.

 

 

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