Le Conte d’hiver de William Shakespeare
Le Conte d’hiver de William Shakespeare, adaptation d’Yves Favega et Philippe Car, mise en scène de Philippe Car
La pièce écrite en 1610-1611, donc peu avant la mort du grand William dont on célèbre la disparition il y a quatre siècles, cette année, a souvent été mise en scène en France, notamment par Luc Bondy, Stéphane Braunschweig, Lilo Baur, Patrick Pineau et Declan Donnelan (voir Le Théâtre du Blog).
Le Conte d’hiver a aussi inspiré Eric Rohmer pour son film au titre éponyme.
Polixène, roi de Bohême et non de Sicile , rend visite à Léonte, roi de Sicile et non de Bohème comme dans la pièce d’origine, son ami d’enfance depuis neuf mois. Léonte est jaloux, et soupçonne Hermione enceinte de neuf mois d’avoir aimé Polixène. Il ordonne à son conseiller, l’honnête Camillo, d’empoisonner Polixène.
Mais Camillo l’en avertit et il s’enfuit. Léonte fait mettre Hermione en prison, en attendant le retour d’une ambassade qu’il a envoyée au sanctuaire d’Apollon à Delphes, afin de le consulter sur sa culpabilité. Elle met au monde Perdita que Léonte tiendra pour bâtarde, et qu’il confiera à Antigonus pour l’abandonner, avec quelques bijoux, à l’étranger.
Mais l’oracle de Delphes proclamera l’innocence d’Hermione. Léonte, déclare qu’il a menti mais, un messager leur apprend la mort de leur petit Mamillius. Hermione en meurt subitement. Léonte reconnaît enfin son affreuse erreur et fait vœu de ne jamais se remarier avant que Paulina, la suivante d’Hermione ne l’y autorise.
La petite Perdita est déposée sur une côte maritime de Bohême (sic! William Shakespeare n’a cure de ce détail). Le bateau d’Antigonus fait naufrage et lui est dévoré par un ours. Léonte restera donc sans nouvelles de Perdita que des bergers découvrent et adoptent.
Seize ans passent, dit le personnage du Temps en quelques phrases. Perdita est devenue une belle jeune fille, et le prince Florizel, en cachant qu’il est le fils de Polixène, veut l’épouser. Le berger, père adoptif de Perdita est d’accord et prépare une grande fête. Mais Polixène apprend la nouvelle; déguisé, il assiste à la fête mais interdit le mariage.
Camillo, qui rêve depuis longtemps de revoir sa Sicile, conseille alors à Florizel et Perdita d’y chercher refuge. Mais il va dénoncer leur fuite à Polixène, pour qu’il reçoive l’ordre de les poursuivre et pouvoir ainsi retourner en Sicile). Les bergers qui ont adopté Perdita, ont peur de Polixène et s’embarquent avec elle, et ses bijoux trouvés, il y a seize ans.
Léonte, pleure Hermione. Florizel et Perdita le rencontrent; ému, le roi leur promet de plaider leur cause auprès de Polyxène qui arrive. La véritable identité de Perdita est dévoilée, grâce à des marques de reconnaissance conservés par les bergers.
Paulina les invite à venir admirer chez elle une statue d’Hermione, qu’elle a commandée. Tous sont émerveillés de sa ressemblance avec cette statue. Paulina par magie, la fait bouger la statue… et on voit alors Hermione, embrasser son époux sans un mot, puis bénir Perdita, sa fille perdue et retrouvée.
Il s’agit ici non du texte original (le début de la pièce a fait l’objet de nombreuses coupes, les personnages secondaires ont été éliminés et la suite, qui reste dans l’esprit de Shakespeare, a été assez réécrite et il s’agit donc d’une adaptation mais revendiquée comme telle. Le premier acte se passe en Bohème, et le deuxième en Sicile, avec moins de personnages que dans le texte initial et de nombreuses musiques (accordéon, guitare, saxo, trompette…)
Remarquablement jouées par les six acteurs, d’abord dans le hall du théâtre puis dans les couloirs, et sur scène. Ils interprètent aussi très bien et joyeusement quelques chansons en italien. La dernière partie se joue dans une sorte de castelet ingénieux pour des comédiens qui deviennent autant de grandes marionnettes.
Philippe Car a conçu son spectacle comme une sorte de fable, en bravant toute les difficultés qu’il y a, à en rendre l’imaginaire et le poétique sur un plateau. Le Conte d’Hiver, on le sait, n’a rien d’une pièce facile à monter. Il y a dans cette curieuse mise en scène, de l’excellent, du bon et du pas bon du tout. Excellente, voire parfois excellentissime, le jeu gestuel et la diction des acteurs, comme leur facilité à jouer d’un instrument puis à continuer à incarner avec bonheur un personnage…
Excellents aussi ce personnage du Temps, et ces merveilleux petits bateaux qui voguent sur le haut d’un rideau et que l’on suit avec gourmandise (ils font penser à ceux tout blancs, et tout aussi merveilleux, imaginés par Yannis Kokkos pour le fameux Soulier de satin monté par Antoine Vitez), excellente aussi cette sorte de féérie que Philippe Car réussit, avec trois fois rien, à mettre en place. Excellente aussi à la toute fin, cette belle statue qui va prendre vie.
Vraiment moins bons : un texte dont on voit vite qu’il a été coupé et trop réécrit, ce qui ne facilite pas toujours l’unité et la compréhension de la fable, et un rythme que le metteur en scène parfois a du mal à tenir, avec des intermèdes musicaux un peu longs.
Et le pas bon du tout ? Une scénographie aux matériaux et aux couleurs approximatifs où on ne circule pas bien, mis à part le petit castelet de la fin avec son rideau brechtien, et des costumes mal dessinés et franchement laids.
Mis à part ces réserves, cette «tragi-comédie féérique et musicale» tient ses promesses et le public a longuement applaudi.
Philippe du Vignal
Théâtre 13/Seine, 30 rue du Chevaleret 75013 Paris. (métro : Bibliothèque François Mitterrand. T : 01 45 88 62 22.
Enregistrer
Enregistrer
Enregistrer