Un démocrate de Julie Timmerman

_DSC0836[1]Un Démocrate, texte et mise en scène de Julie Timmerman

 

Edward Bernays, double neveu de Sigmund Freud (fils de sa sœur mais aussi du frère de sa femme) a exporté de Vienne jusqu’ aux Etats-Unis,  certains aspects des théories de son oncle. Exemple : une foule n’est pas une somme d’êtres raisonnables mais une réserve de pulsions, qu’il suffit de déclencher pour la dominer. Eddy ne cherche pas à dominer. Non, c’est un « démocrate », comme le président Wilson auquel il a vendu des «éléments de langage» pour l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, opérant ainsi le renversement d’une politique pacifiste pour laquelle Wilson avait été élu.

Son ouvrage Propaganda où il expose ses techniques de manipulation des foules, se trouve dans la bibliothèque de Joseph Goebbels, mais cela ne le regarde pas: «Ce sont des fous!», clame-t-il du haut de son innocence commerciale américaine. Et plus tard, il fabriquera consciemment, avec la C.I.A., un coup d’État au Guatemala pour sauver les intérêts de la United Fruit Company et pour soutenir l’entreprise de désinformation (fort lucrative!) des lobbys du tabac. Et cela fonctionne toujours et même mieux que jamais… comme les mensonges d’État américains sur la présence d’armes de destruction massive en Irak.

Julie Timmerman mène son enquête, en utilisant tous les outils du théâtre de tréteaux, mais à la manière d’une série policière. Qui est Eddy ? Un homme, quand même, un démocrate, croit-il. mais surtout un redoutable entrepreneur qui ne  vend rien, justement mais qui  crée le désir d’acheter: beaucoup plus rentable! Il observe ses cobayes, répond à toutes les commandes, falsifie, manipule, facilite tellement le travail de la presse qu’elle ne fait plus son boulot d’investigation et se laisse enfumer (via les cigarettes Lucky Strike !).
Précurseur de Steve Jobs, il est très fort…  Et quand on veut parler du travail des acteurs (Anne Cantineau, en plus excellente chanteuse, Mathieu Desfemmes, Jean-Baptiste Verquin et Julie Timmerman, tous à leur affaire) et de la mise en scène, on reparle d’Eddy… Donc, comme dans une série policière, indices, documents et preuves s’accumulent sur le mur du fond. Eddy est cerné ? Nous sommes cernés, jusqu’à ce que…

Ce Démocrate secoue et divertit mais ce n’est pas antinomique. Il met noir sur blanc et en couleurs, le système grâce auquel nous sommes manipulés. Le rire naît alors, comme souvent, de la rencontre avec le vrai. Un rire de revanche aussi : le grand méchant loup ne peut plus se cacher, même si nous savons qu’il se cache encore très bien et qu’il a plus d’un tour dans son sac.  Il y a surtout ici un véritable humour : nous avons bien conscience que nous sommes des marionnettes entre les mains d’entreprises géantes.

Promis, nous ferons un peu plus attention la prochaine fois, avant de nous précipiter sur le prochain objet connecté, non seulement inutile mais espion et voleur de nos données, pour le plus grand profit du capitalisme et d’une dictature larvée… Et là, on redevient sérieux : n’oublions pas le titre, et les responsabilités que nous avons à l’égard de la démocratie. Le spectacle ne l’oublie pas et le public lui en est reconnaissant.

Christine Friedel

Théâtre d’Ivry-Antoine Vitez, jusqu’au 27 novembre, dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin, 1 Rue Simon Dereure, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). T : 01 46 70 21 55.

Gare au Théâtre, 13 Rue Pierre Semard,Vitry-sur-Seine. T : 01 55 53 22 22 du 14 au 17 décembre.
Théâtre de l’Opprimé, 80 Rue du Charolais, Paris (XII ème). T : 01 43 45 81 20, du 18 au 29 janvier.
Puis à Poitiers, Saint-Michel-sur-Orge, Boulogne-sur-mer, Charenton-le-pont…

 

 


Archive pour 24 novembre, 2016

Un démocrate de Julie Timmerman

_DSC0836[1]Un Démocrate, texte et mise en scène de Julie Timmerman

 

Edward Bernays, double neveu de Sigmund Freud (fils de sa sœur mais aussi du frère de sa femme) a exporté de Vienne jusqu’ aux Etats-Unis,  certains aspects des théories de son oncle. Exemple : une foule n’est pas une somme d’êtres raisonnables mais une réserve de pulsions, qu’il suffit de déclencher pour la dominer. Eddy ne cherche pas à dominer. Non, c’est un « démocrate », comme le président Wilson auquel il a vendu des «éléments de langage» pour l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, opérant ainsi le renversement d’une politique pacifiste pour laquelle Wilson avait été élu.

Son ouvrage Propaganda où il expose ses techniques de manipulation des foules, se trouve dans la bibliothèque de Joseph Goebbels, mais cela ne le regarde pas: «Ce sont des fous!», clame-t-il du haut de son innocence commerciale américaine. Et plus tard, il fabriquera consciemment, avec la C.I.A., un coup d’État au Guatemala pour sauver les intérêts de la United Fruit Company et pour soutenir l’entreprise de désinformation (fort lucrative!) des lobbys du tabac. Et cela fonctionne toujours et même mieux que jamais… comme les mensonges d’État américains sur la présence d’armes de destruction massive en Irak.

Julie Timmerman mène son enquête, en utilisant tous les outils du théâtre de tréteaux, mais à la manière d’une série policière. Qui est Eddy ? Un homme, quand même, un démocrate, croit-il. mais surtout un redoutable entrepreneur qui ne  vend rien, justement mais qui  crée le désir d’acheter: beaucoup plus rentable! Il observe ses cobayes, répond à toutes les commandes, falsifie, manipule, facilite tellement le travail de la presse qu’elle ne fait plus son boulot d’investigation et se laisse enfumer (via les cigarettes Lucky Strike !).
Précurseur de Steve Jobs, il est très fort…  Et quand on veut parler du travail des acteurs (Anne Cantineau, en plus excellente chanteuse, Mathieu Desfemmes, Jean-Baptiste Verquin et Julie Timmerman, tous à leur affaire) et de la mise en scène, on reparle d’Eddy… Donc, comme dans une série policière, indices, documents et preuves s’accumulent sur le mur du fond. Eddy est cerné ? Nous sommes cernés, jusqu’à ce que…

Ce Démocrate secoue et divertit mais ce n’est pas antinomique. Il met noir sur blanc et en couleurs, le système grâce auquel nous sommes manipulés. Le rire naît alors, comme souvent, de la rencontre avec le vrai. Un rire de revanche aussi : le grand méchant loup ne peut plus se cacher, même si nous savons qu’il se cache encore très bien et qu’il a plus d’un tour dans son sac.  Il y a surtout ici un véritable humour : nous avons bien conscience que nous sommes des marionnettes entre les mains d’entreprises géantes.

Promis, nous ferons un peu plus attention la prochaine fois, avant de nous précipiter sur le prochain objet connecté, non seulement inutile mais espion et voleur de nos données, pour le plus grand profit du capitalisme et d’une dictature larvée… Et là, on redevient sérieux : n’oublions pas le titre, et les responsabilités que nous avons à l’égard de la démocratie. Le spectacle ne l’oublie pas et le public lui en est reconnaissant.

Christine Friedel

Théâtre d’Ivry-Antoine Vitez, jusqu’au 27 novembre, dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin, 1 Rue Simon Dereure, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). T : 01 46 70 21 55.

Gare au Théâtre, 13 Rue Pierre Semard,Vitry-sur-Seine. T : 01 55 53 22 22 du 14 au 17 décembre.
Théâtre de l’Opprimé, 80 Rue du Charolais, Paris (XII ème). T : 01 43 45 81 20, du 18 au 29 janvier.
Puis à Poitiers, Saint-Michel-sur-Orge, Boulogne-sur-mer, Charenton-le-pont…

 

 

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