Léon Bakst : des Ballets russes à la haute couture
Léon Bakst : des Ballets russes à la haute couture
Le lien entre le monde de la mode et celui de la scène est ici clairement démontré avec l’œuvre de Léon Bakst (1866-1924), à qui l’Opéra de Paris et la Bibliothèque Nationale de France consacrent ensemble une exposition. D’entrée, on est frappé par la beauté du premier costume, bien mis en valeur: un tutu de tarlatane et plumes blanches, porté par Anna Pavlova dans La Mort du cygne, en 1907, au Théâtre Mariinski, à Saint-Petersbourg… Léon Bakst après avoir collaboré à la revue Le Monde de l’art autour de 1900, avec Alexandre Benois et Serge Diaghilev, va être un des principaux créateurs de costumes des Ballets russes. Des dizaines de dessins , trois costumes d’époque et quelques photos retracent son parcours avec Serge Diaghilev qu’il quittera en 1921, après l’échec de La Belle au bois dormant à Londres. Il reprochait au directeur des Ballets russes un défaut de paiement, et il lui avait déjà écrit en 1918 : «Cher Serioja, voici une nouvelle esquisse, c’est la deuxième ; elle non plus, ne m’a pas encore été payée … Je te conjure de remettre 2000 francs à Louise, car je n’ai pas un sou et nulle part où trouver du travail.»
Les films du Spectre de la rose et de L’Après-Midi d’un Faune sont diffusés en boucle, et le public découvre avec émotion, dans la salle principale, les photos de Vaslav Nijinski à sa création en 1912 au Théâtre du Châtelet, par Waléry, mais aussi un dessin le représentant dans le rôle-titre de Narcisse en 1911. On peut voir aussi le costume et la coiffe, traduisant une nette inspiration orientale, qu’Ida Rubinstein portait dans Shéhérazade à l’Opéra de Paris en 1910; d’autres pièces renvoient à la Grèce antique. Couleur et mouvement se retrouvent dans chacun de ses dessins, et comme le dit Alexandre Benois : «L’austère et noble gamme chromatique de ses costumes et l’interprétation suprêmement intelligente du vêtement antique étaient uniques en leur genre».
D’autres éléments de l’exposition dévoilent l’influence de Léon Bakst sur la haute couture, quand il devient peu à peu une figure du Tout-Paris: des journalistes comme ceux de Vogue lui demandent son avis sur la mode féminine, les maisons Jeanne Paquin ou Paul Poiret s’inspirent de son travail… De très émouvants croquis de chapeaux de 1914 sont ainsi à découvrir.
Deux espaces enfin évoquent l’univers des créateurs actuels de haute couture, en filiation directe avec Léon Bakst, avec des robes signées Karl Lagerfeld pour Chloé en 1994, mais aussi avec des réalisations de Christian Lacroix, Yves Saint Laurent ou John Galliano pour Christian Dior. Enfin, on découvre un autre héritier à Léon Bakst avec Marc Chagall qui dessina un magnifique costume pour Daphnis et Chloé en 1959, confirmant ainsi une proximité spirituelle et matérielle de ce grand créateur, né il y a cent cinquante ans, avec l’Opéra de Paris.
Jean Couturier
Bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris, jusqu’au 5 mars.