Dans la Solitude des champs de coton

 

Dans la Solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Charles Berling

 «Il n’y a pas d’amour», seulement un deal où s’affrontent client et vendeur. Suffit de s’entendre sur le désir et l’objet du désir. Cela posé, le public sait fort bien que la transaction sera littéraire, et sans doute peu spectaculaire.
Dans le théâtre-très écrit-de Bernard-Marie Koltès, la monnaie de singe, c’est la langue. Dans son Prologue, l’auteur s’explique : «Le premier acte de l’hostilité, juste avant les coups, c’est la diplomatie qui est le commerce du temps. Elle joue l’amour en l’absence d’amour, le désir par répulsion. Mais c’est comme une forêt en flammes traversée par une rivière : l’eau et le feu se lèchent, mais l’eau est condamnée à noyer le feu, et le feu forcé de volatiliser l’eau. L’échange des mots ne sert qu’à gagner du temps avant l’échange de coups. »

Dès le début, un bruit assourdissant fait tressaillir le spectateur: on se sent immédiatement mobilisé et on sait qu’on va s’en prendre plein les yeux. D’autant plus que le décor de Massimo Troncanetti en impose. De majestueuses palissades métalliques figurent deux immeubles : à cour, un grand escalier noir mène à une plateforme. La présence d’un haut lampadaire, des rangées de lumières latérales, et trois tubes fluo bleu permettent de subtils jeux de clair-obscur. Et belle image, il y a une passerelle qui va des premiers rangs au plateau, dans une ligne courbe cheminant lentement vers l’Autre …

 Las, Charles Berling, en costume trois pièces faussement défraichi, n’est guère convaincant et de dos, il a une voix qui porte mal. Certes, le texte oppose masculin/féminin, noir/blanc, animal/homme, mais quel besoin d’enfoncer encore le clou, avec pour Mata Gabin :  treillis kaki, veste à capuche, et grosses bottes cloutées ? Le Dealer, ici, est une femme. Mais cela ne change pas grand-chose ! L’affrontement des antonymes était déjà lisible dans ce dialogue de sourds et les corps ne semblent guère traversés par cette nouvelle attirance.

L’un et l’autre ont des gestes caricaturaux avec lesquels ils miment le texte : Charles Berling montre son hésitation en se balançant d’un pied sur l’autre, les mains ballantes ! Et Mata Gabin montre son agressivité avec ses bras et dépense la même énergie tout au long du spectacle. Au second coup de semonce sonore, on espère un changement…qui ne viendra pas.
Dans un salle peu attentive, il y a un concert de toux; un: «On ne comprend rien !» s’élève et l’hémorragie de public commence. C’est vrai: on n’entend pas le texte, non à cause d’un problème de diction, mais bien d’une absence de rythme et de changement dans la relation entre les deux personnages…

Nous assistons avec quelque ennui, au défilé des mots et l’issue du deal n’apparaît guère palpitante. Reste cette ruelle au centre du plateau, faille où clignotent les chaudes promesses de la nuit : MOTEL, GIRLS, GIRLS, GIRLS… Consolations intermittentes. Nous aurions aimé que soit investie cette béance : l’obscurité du désir!

 Stéphanie Ruffier

Spectacle vu le 23 novembre, à Anthéa-Antipolis 260 Avenue Jules Grec, 06600 Antibes. T: 04 83 76 13 13.

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