Timon/Titus par le collectif OS’O

 

Timon/Titus par le collectif OS’O mise en scène de David Czesienski

timon_titus Des cadavres sanglants gisent sur le plateau, et une tête de cerf empaillé domine le fond de scène… Ambiance théâtre élisabéthain, revue à l’aune gore du Grand-Guignol ou du cinéma de genre. 

« Faut-il payer ses dettes ? »  Qui dit dette dit culpabilité ( Schuld en allemand signifie l’un et l’autre). Le spectacle tourne autour de cette question – dont on n’aura pas la réponse- . À commencer, comme on nous l’explique dans un (trop) long préambule, par la dette contractée par les sept acteurs de la troupe envers les spectateurs.

 

Ceux-ci, qu’ils aient ou non payé leur place, leur consacrent du temps (deux heures vingt) et, comme le disait Benjamin Franklin, «time is money ». Mais ils n’auront pas droit aux deux pièces annoncées (deux fois dix actes !), sinon, à  un résumé ironique et musclé de Titus Andronicus. La première tragédie de Shakespeare et Timon d’Athènes, l’une de ses dernières, donnent le ton et le cadre dramatique au spectacle concocté par le groupe!

  Il s’agit d’une sanglante saga où l’argent sème la discorde. Les quatre membres de la famille Barthelot, à la mort de leur père, se découvrent un demi-frère et une demi-sœur cachés, avec lesquels ils doivent partager l’héritage.
Un septième et mystérieux personnage, Milos, tente d’arbitrer les dissensions fratricides, citant William Shakespeare à tout bout de champ. De même que le défunt forçait ses enfants à apprendre par cœur, puis à réciter Timon d’Athènes, une épreuve dont ils nous font une démonstration
Le dramaturge anglais est donc convoqué pour la violence de ses œuvres, mais un deuxième  écrivain apporte un contrepoint théorique : les jeunes gens puisent dans le livre Dette, 5.000 ans d’histoire de l’anthropologue américain David Graeber où il dénonce les théories actuelles de l’argent et du crédit, et prône l’effacement pur et simple de la dette globale.

 Débats politiques et histoire familiale constituent en alternance la structure de Timon/Titus. Au bord de l’espace où se joue la pièce, les comédiens débattent, se contredisent, commentent l’action avec une belle énergie, puis réintègrent leurs rôles dans cette fiction rocambolesque et parodique, entre drame bourgeois  et tragédie.
 Ce va-et-vient fonctionne quelque temps mais les trois dénouements imaginés pour cette sordide histoire d’héritage (avec trois inutiles versions du testament) donnent une impression de longueur.

 Timon/Titus a remporté le prix du public et celui du jury au Festival Impatience 2015 et l’on ne peut nier le talent d’OS’O. Fondé au sortir de l’Ecole Supérieure de Théâtre de Bordeaux, le collectif porte un regard inquiet sur le monde : «Un monde désenchanté, sans idéologie, sans mythe. De quel mythe avons-nous besoin aujourd’hui ? Par mythe, nous entendons un récit, une histoire capable de bouleverser notre vision et nos pratiques sociales. Nous sommes loin d’avoir la réponse,  mais, en tout cas, la question nous anime. »

Les jeunes comédiens, tous excellents, savent la communiquer et la partager avec le public, en s’adressant souvent frontalement à lui; ils offrent un spectacle généreux, amusant et d’une réelle esthétique baroque, qui a ravi les scolaires venus en nombre.
On peut seulement regretter les redondances inutiles où les emportent leur fougue et leur délectation du théâtre.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Cent-Quatre, programmé avec le Théâtre de la Colline.

Le 3 décembre, Le Phénix, Valenciennes. Le 7 mars M270, à Floirac ; le 15 mars, Les Trois T, Châtellerault ;  le 6 avril,  Le Canal, à Redon ; le 5 mai, au Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France ; le 9 mai, à L’Apostrophe de Cergy-Pontoise.

 Dette 5000 ans d’histoire est publié aux éditions Les Liens qui libèrent.

 


Archive pour 28 novembre, 2016

Le Théâtre de la Ville à l’espace Pierre Cardin avec Toro d’Akram Khan


Le Théâtre de la Ville emménage à l’Espace Pierre Cardin avec Toro d’Akram Khan

15727776Ancien théâtre à l’italienne construit par Davioud au XXème siècle, le Théâtre Sarah Bernardt, ex-Théâtre de la Cité sous l’Occupation, devenu ensuite Théâtre de la Ville (!!), avait été entièrement restructuré en 1967-68 par Valentin Fabre et Jean Perrotet, avec 987 places en gradins et confié à Jean Mercure, auquel succéda Gérard Violette qui, en 85, prendra sa suite et le réorientera surtout vers la danse et les musiques du monde. Et, en 96, il bénéficiera d’une seconde salle, le Théâtre des Abbesses.
Emmanuel Demarcy-Motta en est le directeur depuis 2007.

Comme le Théâtre du Châtelet, il vient d’être fermé pour cause d’indispensables travaux aussi indispensables qu’importants prévus depuis longtemps mais différés: climatisation, réaménagement de l’accueil, du foyer au premier étage, mise aux normes du plateau et des espaces pour les comédiens, reconfiguration  de la salle, etc.; il rouvrira au printemps 2019.
La tristounette place du Châtelet fera aussi et en même temps, l’objet d’une importante rénovation, ce qui n’est  pas un luxe…

Le Théâtre de la Ville, grosse entreprise de spectacles, est dotée d’une subvention de 10, 7 millions de la Mairie. Espace de création et d’accueil pour le théâtre, la danse, les spectacles pour enfants, la musique classique et les musiques du monde, il est aussi un des lieux du Festival d’Automne.
 En 2007,  il  a reçu quelque 220.000 spectateurs, dont environ 14.000 abonnés, avec un budget artistique annuel  de  4,5 millions d’euros sur un budget total de fonctionnement de 13 millions,.
Avant le spectacle, Dominique Alduy, la présidente du Théâtre de la Ville, Emmanuel Demarcy-Mota et l’adjoint à la Culture de la Mairie, Bruno Julliard, ont remercié pour leur travail exemplaire les nombreux responsables de cette émigration temporaire à l’Espace Cardin. Ce qui n’était en effet pas du tout évident, puisque c’est la totalité du personnel qui va travailler là.

Construit au dix-huitième siècle, le Café des Ambassadeurs  est remplacé par un théâtre construit en 1931 qui fut dirigé de 1938 à la guerre par Henri Bernstein, dramaturge bien oublié aujourd’hui ; il appartient à la Mairie qui en accorda la concession en 1970 à Pierre Cardin, et rebaptisé… Espace Cardin. Et où Bob Wilson créa plusieurs spectacles.
Il comprend une salle de 680 places, et d’autres lieux dont une surface d’expositions d’environ  1.500 m2.


On est loin de la jauge de la salle  du Théâtre  de la Ville mais, comme l’a souligné Emmanuel Demarcy-Motta, ce déménagement qui, comme tout les autres, est toujours  un certain traumatisme, aura été une opération réussie, et le plateau d’une ouverture plus limitée pourra quand même accueillir de  grands spectacles.

Pour les deux premières soirées d’ouverture au public, Emmanuel Demarcy-Motta a choisi d’accueillir le chorégraphe anglais, dont la famille est originaire du Bangladesh, Akram Khan, habitué du Théâtre de la Ville qui avait joué tout jeune dans Le Mahabharata, spectacle mythique monté par Peter Brook il y a presque trente ans, dans  la Carrière Boulbon, au festival d’Avignon.
En 2000, il fonde sa compagnie à Londres et y crée Rush puis il est vite devenu un des maîtres de la danse contemporaine en Grande-Bretagne, grâce à une chorégraphie toute en énergie, à partir d’un savant équilibre entre le traditionnel kathak du Nord de l’Inde qu’il apprit à sept ans, et la danse contemporaine occidentale.
Il a collaboré ensuite avec le National Ballet of China, Juliette Binoche qu’il a fait danser, et des chorégraphes comme Sidi Larbi Cherkaoui,  mais aussi avec des artistes comme Anish Kapoor qui réalisa les décors de Kaash, spectacle qui révéla, avec Ma, ce jeune chorégraphe au monde en 2003 et 2004. Le Théâtre de la Ville a présenté la plupart de ses créations dont Zero degrees, Desh… et Torrobaka dont est issu ce Toro présenté deux fois pour l’ouverture de l’Espace Cardin.
Il danse ici en solo-donc cette fois sans Israel Golvan qui a signé avec lui la chorégraphie, aux côtés des autres interprètes de Torabaka, les chanteurs Christine Leboutte et le contre-ténor David Azurza, et le grand danseur gitan Bobote, et l’indien BC Manjunath.

 Le kathak est réputé pour la virtuosité des mouvements de mains et a sans doute beaucoup influencé Akram Khan dans les variations qu’il propose en soliste, avec des rythmes qui s’accordent bien au chant de Christine Leboutte.
Le spectacle, issu d’une rencontre entre la musique indienne et la danse flamenco est  remarquablement construit et d’une sublime virtuosité et, parfois semble-t-il, avec un certain humour mais n’évite pas toujours répétitions et longueurs.
Mais le public, essentiellement de danse, était conquis.

Philippe du Vignal

Spectacle vu à l’Espace Cardin, Paris 8ème, le 24 novembre.

Deux autres pièces d’Akram Kan seront aussi présentées  à Paris par le Théâtre de la Ville : Until the lions au Théâtre de la Villette, du 5 au 17 décembre, et Chotto Desh au Théâtre des Abbesses, rue des Abbesses, Paris 18ème,  du 21 décembre au 6 janvier.
Chotto Desh sera aussi jouée à l’Espace 1789 à Saint-Ouen (Hauts-de-Seine), les 26, 27 et 28 janvier à 16h et 20h. T : 01 40 11 70 72.

 

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