L’Avare de Molière, mise en scène de Jacques Osinski
L’Avare de Molière, mise en scène de Jacques Osinski
Cela se passe dans un triste appartement aux murs vêtus d’un papier peint à horribles motifs gris; le séjour/cuisine est glacé, toute en imitation bois! Rien n’y traîne et l’évier inox et la plaque de cuisson sont ultra-propres (on ne doit pas y préparer beaucoup de repas!) et le grand frigo est vide! Tout cela sans doute pour dire l’avarice d’harpagon: la scénographie a quelque chose d’un peu surligné mais bon! Côté cour, un petit coffre-fort dissimulé dans le mur où Harpagon vient souvent vérifier que son cher argent est bien toujours là…
Jacques Osinski dénonce la toute puissance, voire la névrose de l’argent qui peut contaminer tous les membres d’une entreprise ou d’une famille. Y compris à notre époque entichée du capitalisme des grandes banques et qui n’ose pas dire son nom. On retrouve donc ici des jeunes gens d’aujourd’hui, avec les couples Elise/Valère et Cléante/Marianne. Mais il a modifié le dénouement de la pièce qui, du coup, est ici comme un peu bâclée. Il aurait mieux valu respecter la fin romanesque écrite par Molière, quitte à la traiter au second degré…
Quant à la distribution, Christine Brücher (Frosine) est comme d’habitude remarquable et tout à fait crédible, et Jean-Claude Frissung, malheureux Harpagon en vieux pantalon de velours côtelé et chemise bas de gamme, en fait une interprétation tout fait exemplaire. Il est plus qu’émouvant dans sa solitude de vieil homme coupé de ses futurs héritiers (qui ne sont pas plus que lui des enfants de chœur)… Il y a entre autres, une scène formidable quand Harpagon et son fils sont face public et se parlent sans se regarder. Harpagon, tel que le joue Jean-Claude Frissung, semble plus malheureux-l’argent est son unique fétiche et réconfort-que vraiment méchant. Quel acteur!
Jacques Osinski est un metteur d’expérience mais il y a un point faible dans cet Avare: la direction des comédiens. Les plus âgés s’en sortent grâce à un solide métier, mais les jeunes ont bien du mal à imposer leur personnage. Et du coup, cela pénalise la pièce.
“Comme dans les romans policiers, dit Jacques Osinski, la vérité des âmes éclate sans masque. A l’abri du cercle intime, les personnages s’envoient à la figure des vérités que l’on préfère taire en société. Valère a beau s’abriter sous des masques, la pièce dynamite l’hypocrisie, pas si lointaine finalement du film Festen. Elle dit une vérité crue : la famille n’est pas le cercle de douceur que le XIXe siècle voulut idéaliser. Molière la met à sac sans hésiter.”
Sans doute, il ne semble quand même pas tout à fait à l’aise avec cette comédie qui n’en est pas vraiment une et il n’a pas su donner le bon rythme à cette mise en scène qui date déjà de deux ans et cette reprise fait souvent du sur-place. Il peut, en tout cas, être reconnaissant à Christine Brücher et à Jean-Claude Frissung. Sans eux, cette pièce-culte ne serait plus ici que l’ombre d’elle-même…
Alors à voir ? Oui, à condition de n’être pas trop exigeant! Mais bon, aux meilleurs moments, on retrouve toute la saveur de cette pièce adorée des Français, dont ils connaîssent les plus fameuses des répliques, dès l’école primaire.
A voir aussi pour ces deux formidables acteurs.
Philippe du Vignal
Théâtre Artistic Athévains, 45 Rue Richard Lenoir, 75011 Paris T: 01 43 56 38 32 jusqu’au 15 janvier.