Le Quat’sous d’après Annie Ernaux

IMG_0484 Le Quat’sous d’après Annie Ernaux, adaptation de Laurence Cordier et David D’Aquaro, d’après Les Armoires vides, Une Femme et La Honte d’Annie Ernaux, mise en scène de Laurence Cordier

 Quat’sous désigne, on le comprendra très vite, le sexe féminin, soit un objet de peu de valeur !
 Des trois romans à couleur auto-biographique d’Annie Ernaux, dont le premier Les Armoires vides est paru en 1974, et les autres en 1988, et 1994, tous maintenant célèbres, Laurence Cordier a tiré une sorte de portrait d’une très jeune femme.
Denise Lesur est déchirée entre le monde prolétarien du café-épicerie de ses parents à Yvetot en Normandie, où défilaient des ouvriers venus se remonter le moral à coup de café “allongé” comme on disait. Et d’un autre univers, celui du lycée, de l’amour des mots et de l’apprentissage de la culture. A quel prix?  En faisant le grand écart entre la fierté de la réussite personnelle, et une certaine culpabilité…

Ce n’était pas au Moyen-Age mais il y a quelque soixante ans seulement. En 1974, il faut rappeler que les femmes en France avaient le droit de voter depuis seulement trente ans, alors que la République corse l’avait proclamé en 1755 ! Et cela faisait six ans que les femmes avaient le droit d’ouvrir un compte bancaire sans autorisation de leur mari!
Annie Ernaux, fait exceptionnel dans son milieu, fera ses études à l’Université de Rouen puis de Bordeaux. Et
elle obtiendra le Capes, puis obtiendra l’agrégation de Lettres modernes. Mais cela se paye: “J’ai été coupée en deux, dit-elle, c’est ça, mes parents, ma famille d’ouvriers agricoles, de manœuvres et l’école, les bouquins (…) Le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine. Il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c’est trop tard. On aurait été davantage heureux si elle avait pas continué ses études,qu’il a dit, un jour, mon père. Moi aussi, peut-être. »

Les romans d’Annie Ernaux ont déjà fait l’objet d’adaptations scéniques comme Passion simple par Maud Reyer, il y a déjà quelque vingt ans, ou plus récemment par Jeanne Champagne (voir Le Théâtre du Blog de ce mois)). Laurence  Cordier a réalisé-et ce n’est pas si facile!-avec des extraits de ces trois fictions, une sorte de partition vocale et gestuelle pour Laurence Roy, Aline le Berre, Delphine Cogniard. « Pour incarner cette énergie d’une furieuse gaieté, j’ai imaginé trois femmes en scène, trois voix, trois corps, trois générations. Au foisonnement de mots, répond une prise de parole multiple, alternant adresses au public, polyphonies, dialogues, monologues intérieurs ou chants”.

Reste à donner corps à ce tricotage de textes souvent pleins d’un humour incisif et parfois aussi très poétiques: Annie Ernaux réussit à mettre en place tout un univers de  paroles, de situations à jamais disparues mais ou presque qui, miracle de l‘écriture dense et juste de l’écrivaine, elle  touche tout un public qui n’était même pas né à cette époque.
Mission accomplie pour 
Laurence Cordier: elle a su recréer un texte qui fait sens sur un plateau et qui respecte la sensibilité d’Annie Ernaux, surtout, quand elle parle de l’émancipation des femmes et de son ascension sociale  et celle de ses parents.

«Je me considère très peu comme un être singulier, dit l’écrivaine, au sens d’absolument singulier, mais comme une somme d’expérience, de déterminations aussi, sociales, historiques, sexuelles, de langages, et continuellement en dialogue avec le monde (passé et présent), le tout formant, oui, forcément, une subjectivité unique. Mais je me sers de ma subjectivité pour retrouver, dévoiler les mécanismes ou des phénomènes plus généraux, collectifs ».
Donc toute une œuvre écrite  entre un « je » très personnel et le « nous » social, entre le plus intime et le collectif ; cela commence et finit ici par l’évocation d’un avortement clandestin.

Laurence Cordier réussit à mettre en scène ce déchirement personnel avec une grande sobriété dans l’interprétation. Laurence Roy  est parfaite, imposante de vérité, et possède comme toujours une belle présence ; Aline le Berre, Delphine Cogniard semblent, elles, parfois plus de mal à  s’emparer de cette langue brute et sensible à la fois et ont une diction parfois incertaine.

Côté scénographie, là, il y a vraiment une erreur : trois châssis dotés d’une toile plastique que les actrices ne cesseront de déplacer et de faire tourner puis couvriront de vagues dessins ou écritures, surtout vers la fin. « Des tableaux vivants, se cloisonnent ou s’échappent. Comme des cloisons, des portes, des fenêtres à ouvrir. (…) Par l’utilisation de ces cadres, les corps se séparent ou se rejoignent », dit Laurence Cordier.
On veut bien mais cela a un côté très artificiel et parasite inutilement le texte.
Malgré ces réserves, il faut aller écouter la vérité et la parole authentiques d’une femme comme Annie Ernaux, sans aucun doute, une de nos meilleures écrivaines. Dans le public, les nombreux jeunes gens écoutaient dans un silence étonnant. Ce qui est toujours bon signe…

Catherine Marnas a eu raison de produire ce spectacle, surtout quand, visiblement, la Mairie de Bordeaux semble se méfier de la création théâtrale et verrait bien ce Théâtre national se limiter à faire de l’accueil. Ce qui est toujours mauvais signe.

Alain Juppé a sans doute d’autres soucis,  surtout depuis hier soir mais quand même, on aimerait bien comprendre.

Philippe du Vignal

Le spectacle a été créé au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine du 8 au 19 novembre. Espace Vasarely à Antony (92) les 23 et 24 novembre ; Théâtre de Choisy-le-roi, le 29 novembre dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin . Théâtre de la Pléiade à La Riche (Indre et Loire), les 1er, 2 et 3 mars, avec le Théâtre Olympia/Centre Dramatique  régional de Tours.

Les livres d’Annie Ernaux sont publiés chez Gallimard; Écrire la vie, collection Quarto (2011) rassemble onze œuvres de ses œuvres, des extraits de son Journal intime, des photos et des textes.

 

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Archive pour novembre, 2016

Nkenguegi, de Dieudonné Niangouna

(C)Samuel Rubio

(C)Samuel Rubio

 

Nkenguegi, texte et mise en scène de Dieudonné Niangouna

 Que sont les « nkenguégui » ? «Des plantes équatoriales aux longues feuilles coupantes. Au Congo, utilisées pour protéger les enclos des bêtes sauvages. Celui qui reste à l’intérieur de l’enclos est protégé, mais enfermé. Celui qui est à l’extérieur, est en danger mais libre. »
Le dernier texte d’une trilogie, initiée avec Le Socle des vertiges et Shéda, se fait aujourd’hui magnifique création scénique, à travers la déclamation d’un verbe passionné, glissé avec verve et panache dans une fulgurance d’images et de reviviscences foisonnantes. 

D’un côté, le grotesque d’un registre scatologique, avec chapelets d’injures réinventées et adressées aux puissants, et de l’autre, un tragique aux envolées poétiques. Des mots cinglants et âpres, à la fois gorgés de colère et d’immense amour pour la vie, et le bel épanouissement de ce spectacle participent à une évocation géopolitique d’un monde contemporain bousculé. Avec la mise en relief des sombres événements actuels, largement retransmis par les médias, comme ces populations fuyant les violences politiques et sociales, la misère ou la guerre.

Dieudonné Niangouna reprend à son compte la douleur âcre de ces réalités-nerf de la guerre de son théâtre existentiel-à travers une expression qui est d’abord une façon d’échapper à la barbarie. Sa langue caractéristique porte la parole de la souffrance (qu’il fait sienne) de ceux qui subissent les agressions d’un monde violent.
L’écrivain-metteur en scène  joue aussi par intermittences flamboyantes, le rôle, au second degré, d’un directeur de troupe (théâtre dans le théâtre) et accompagne une dizaine de comédiens dans une version scénique du mythique Radeau de la Méduse de Théodore Géricault : « Les vagues balaient la barque, un pauvre radeau de fortune. Je vois la fragilité de la vie, de toutes ces vies accroupies et mal en point, entassées comme des bêtes sur la barque. Mais où vont-ils ? Personne ne saura, hormis le hasard. C’est quoi, cette obsession qui leur fait braver les mers, les vagues, les tempêtes et la mort ? »

Ce tableau du passé fait ici place à l’actualité criarde des mouvements migratoires d’Afrique et du Moyen-Orient. La vie, précieuse et à sauvegarder, tient lieu d’élan contre les vents et les marées, quand les les hommes sont propulsés loin de leur pays d’origine où règnent les misères. Avec dix merveilleux interprètes, embarqués sur quelques planches de bois qui leur tiennent lieu de petit radeau, tandis qu’un écran vidéo diffuse des images du Congo : Dieudonné Niangouna sur le pont Djoué traîne avec maladresse un luminaire volumineux, métaphore du soleil perdu, ou dans un commissariat, de curieux policiers se saisissent de femmes comme d’une marchandise à consommer ou à réduire à néant.

Les acteurs dansent dans la patience et la douceur, sur une chorégraphie ordonnancée dans la grâce. Puis, en hommes et femmes en colère, s’expriment plus violemment. Déclamateurs, chanteurs, danseurs ou musiciens, ils monologuent ou bien se parlent, avec le consentement implicite du metteur en scène.
Au centre, seul, se tient l’homme, sorte de figure de passeur ou d’Ulysse jamais revenu de son épopée sur les mers, le plus souvent debout, ou parfois gisant et souffrant comme le Christ sur la croix, dont les plaies sont crûment filmées.
Hors des relégations et des exclusions qu’il a pu surmonter, renaissant de sa mort, il aimerait pouvoir enfin habiter son être et simplement se sentir exister.

Un spectacle somptueux, engagé, à teneur  très humaine et conviviale, entre méditation sur nos temps présents et illuminations festives. Une exposition éloquente se tient en même temps que Nkenguegi au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis que dirige Jean Bellorini : Habiter le campement de Fiona Meadow, avec des photos révélant le visage de nomades, voyageurs, conquérants, contestataires, infortunés, exilés… et des extraits de Par les villages de Peter Handke.

Véronique Hotte

Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National de Saint-Denis/ Festival d’Automne à Paris, jusqu’au 26 novembre. T : 01 48 13 70 00

 

 La pièce est éditée aux Editions Les Solitaires intempestifs

Félicie de Marivaux, mise en scène de Paolo Dominguo

Félicie de Marivaux, mise en scène de Paolo Dominguo

Photo 2 FélicieUne sorte de comédie qui est plutôt une moralité (1757) que Marivaux ne souhaitait pas voir jouée sur une scène mais plutôt réservée à la lecture et très rarement jouée.

Dans un pays imaginaire,  Félicie est une belle jeune fille, élevée par Hortense, une fée qui veut lui offrir un don et, bien entendu, elle choisit celui de plaire.
Bien entendu aussi, elle rencontrera dans une fête, Lucidor, un beau jeune homme.
Mais la Modestie est là, qui veille au grain. Malgré le personnage de l’Impatience que Paolo Dominguo a ajouté! Et la Vertu se joindra à la Modestie pour lui dire de faire attention aux grands méchants loups qui pourraient la convoiter.

Mais Félicie, très fortement tentée, est bien prête de céder à Lucidor; la Modestie et la Vertu arriveront heureusement à temps et le beau jeune homme s’en ira… Du moins dans  le scénario original de Marivaux dont Paolo Dominguo a modifié la fin.

Cette petite pièce d’une heure ne manque pas d’intérêt, (et Roger Planchon l’avait montée en 2001), surtout pour ses dialogues qui, même sur le mode mineur, se révèlent vite être ceux d’un  bon dramaturge. On y retrouve le style des grandes pièces comme Le Jeu de l’amour et du hasard ou des Fausses confidences et le ton des plus courtes mais non moins savoureuses comme La Dispute, autrefois délicieusement montée par Patrice Chéreau.
Cela commence avec une belle fraîcheur par un peu de musique au violon de Frédéric Dunis, et une distribution de roses blanches à quelques spectatrices. Paolo Dominguo sait diriger ses six comédiennes : Célia Diane,
Nadia H. Cordier, Catherine Keched,  Anne-Laure Maudet, Fanny Passelaigue, Priscillia Shillingford et son unique acteur, Christophe Maniez…
Six femmes et un homme: assez rare pour être signalé!

Malgré un curieux plateau d’une ouverture de quelque huit mètres mais… d’une profondeur de trois: cela ne rend pas la tâche facile pour le metteur en scène qui maîtrise pourtant bien les choses, en dépit de quelques éléments de scénographie-arbres et massifs de pelouse vraiment très laids-et on prend un certain plaisir à voir ces jeunes actrices s’emparer avec humour et légèreté des personnages de cette fable et les rendre tout à fait crédibles.

Cela ne fait pas vraiment une soirée, et il n’y a pas foule à cet horaire difficile (mais Paolo Dominguo n’a sans doute pas eu le choix!) Cette pièce est plutôt ce qu’on appelait autrefois un lever de rideau: bref, on aimerait bien le voir mettre en scène une des grandes pièces de Marivaux…

Philippe du Vignal

Théâtre du Gymnase (petite salle), 38 boulevard de Bonne Nouvelle, 75010 Paris. Uniquement le dimanche à 16 heures.

 

 

Arlequin poli par l’amour de Marivaux

 

Arlequin poli par l’amour de Marivaux, mise en scène de Thomas Jolly

 IR3A2724Que peut l’amour ? Tout ! A savoir une transformation radicale, promet le tout jeune Marivaux en 1720, dans une pièce légère en un seul acte, où candeur et spontanéité jouent des coudes.
 La Piccola Familia de Thomas Jolly le matérialise par une pluie d’or, une nuée de filaments lumineux et une nouvelle toile de fond. Mais comment opère-t-il ? Mystère… « Choisit-on, ou se laisse-t-on choisir ? » Le sentiment semble tomber du ciel comme une grâce, aussi subite qu’immaîtrisable, sur des personnages qui ne peuvent contrôler leurs réactions.
Il enhardit les sots et terrasse les penseurs, telle cette fée, promise à Merlin l’Enchanteur, qui se voit surprise par la fulgurance du désir. Elle s’amourache d’un mignon mais très benêt Arlequin. Las. Et si elle l’éduquait ? Peut-être gagnerait-il un peu d’esprit ? Malheureusement, chansons et belles paroles n’y font rien. L’ingrat va tomber amoureux, comme on tombe d’une chaise, à la vue d’une jeune bergère à lunettes, ravissante petite poupée aussi innocente que lui.
Et voilà notre fée qui n’a d’autre choix que de recourir au machiavélisme. Ainsi débute la vieille guéguerre entre culture (la magicienne au maquillage et au décolleté ultra-sexy) et nature (la bucolique beauté sans fards).

 En 2006, Thomas Jolly s’était déjà attaqué à cette intrigue, somme toute assez maigre, bien avant son épatant Henry VI où,  à la façon du visionnage ininterrompu d’une saison entière de Game of thrones, sa folle épopée avait tenu le public avignonnais en haleine pendant dix-huit heures. Spectaculaire !
 En 2015, il reprise le costume de son Arlequin avec du fil noir. Dans sa proposition, pas de losanges, il passe de l’innocent caleçon blanc du bambin, au pantalon serré et bottes sombres du dominateur. Avec une scénographie aux couleurs plus sombres, et troublante : des ampoules créent d’inquiétants halos dans le noir, que souligne, dans les moments forts, une musique rock à grands effets… Manichéen mais efficace.
 Moins de fête, plus de rouge sang et de noirceur ! L’Enfer d’où est sorti le fameux personnage italien semble tout proche. A jardin, une machine métallique crachant fumée, lueurs rougeâtres et éclairs stroboscopiques tient lieu d’avertissement. 

Diable ! Thomas Jolly a décidément un sens aigu de l’image. Dans sa boîte noire, sur un plateau dénudé, des effets spéciaux quasi-cinématographiques se déchaînent autour de personnages rayés de noir et blanc, silhouettes griffues et démoniaques, arborant jupons de tulle sous perfecto de cuir et visages cérusés, (on pense aux films L’Etrange Noël de mister Jack de Tim Burton, à Coraline d’Henry Selick). Les paillettes volent ! Le vent se lève…
Les lumières, entre artisanat et coup de génie, entretiennent la magie.
Dans ce cabaret burlesque qui joue aussi bien du marivaudage, de la pastorale, de la commedia dell’arte que du fantastique gothique, le rythme est effréné. Tout respire la jeunesse : l’écriture, la mise en scène, l’épatante troupe des comédiens de la Piccola Familia. Aimer follement, se lancer à corps perdu dans le théâtre : quelle différence ? Fraîcheur et enthousiasme, comme dans l »innamoramento », bâtissent un monde où tout paraît possible.

 Arlequin, le «beau brunet», opte d’abord pour un jeu plutôt agaçant. Mais la chute, fort originale, renverse la vapeur, et même bonifie le texte. Pour le spectateur, la scène du premier baiser est sidérante de beauté, et pour autant, pas niaise du tout. Un grand drap blanc où figure le titre du spectacle, descend avec fracas des cintres. Voilà Arlequin enfin dégrossi, touché par le Verbe et toutes les promesses qu’offre le langage. Jolie philosophie de l’amour. Cependant, très vite, la parole devient stratagème et la manipulation ressurgit : ne vaudrait-il pas mieux dire le contraire de ce qu’on pense et tenir l’autre à distance ? La baguette rouge et la Parole, comme le précieux anneau poursuivi par Golum dans Le Seigneur des Anneaux (ou celui de Gygès), sont le symbole d’un pouvoir dangereux à posséder. Finie l’enfance ! 

 Ce spectacle très plastique ravit les jeunes spectateurs et amollit les cœurs endurcis. On en sort émerveillé. Mais, à y regarder de plus près, que peut l’amour ? Pas grand-chose… Une illusion d’optique, semble nous dire aussi cette éblouissante mise en scène, aveuglante donc, qui nous fait prendre des bouts de papier brillants soulevés par un ventilo pour un miracle.
Pour autant, il ne nous ment pas, il exhibe ses artifices : tout est à vue. Il suffit de regarder au bon endroit pour ne pas se laisser berner par l’aura de l’attraction des corps.  Placé sous l’ombre tutélaire de Jean-Luc Lagarce, il évite la mièvrerie : « Nous serons amoureux, évidemment, le moins qu’on puisse. Et pas toujours en silence, pénibles et envahissants, et indignes, c’est bien et pas toujours mélancoliques et pas toujours fidèles et purs et pas toujours, je ne sais plus, mais amoureux, ça oui ! »
Voilà bien le talent de Thomas Jolly, son énergie tempétueuse, comme sa musique assourdissante émaillée de bienvenus grincements, nous sauvent de l’angélisme

Stéphanie Ruffier

Spectacle vu à Draguignan/Théâtres en Dracénie, le 15 novembre.
Et les 13 et 14 décembre à Annemasse.

Le Conte d’hiver de William Shakespeare

 

 Le Conte d’hiver de William Shakespeare, adaptation d’Yves Favega et Philippe Car, mise en scène de Philippe Car

 Aperçu DocumentpetiteLa pièce écrite en 1610-1611, donc peu avant la mort du grand William dont on célèbre la disparition il y  a quatre siècles, cette année,  a souvent été mise en scène en France, notamment par Luc Bondy, Stéphane Braunschweig, Lilo Baur, Patrick Pineau et Declan Donnelan (voir Le Théâtre du Blog).
Le Conte d’hiver a aussi inspiré Eric Rohmer  pour son film au titre éponyme.

Polixène, roi de Bohême et non de Sicile , rend visite à Léonte, roi de  Sicile et non de  Bohème comme dans la pièce d’origine,  son ami d’enfance depuis neuf mois. Léonte  est jaloux,  et soupçonne Hermione enceinte de neuf mois d’avoir aimé Polixène. Il ordonne à son conseiller, l’honnête Camillo, d’empoisonner Polixène.
Mais Camillo l’en avertit et il s’enfuit. Léonte fait  mettre Hermione en prison, en attendant le retour d’une ambassade qu’il a envoyée au sanctuaire d’Apollon à Delphes, afin de le consulter sur sa culpabilité. Elle  met au monde Perdita que Léonte tiendra pour bâtarde, et qu’il confiera à  Antigonus pour l’abandonner, avec quelques bijoux, à l’étranger.
Mais l’oracle de Delphes proclamera l’innocence d’Hermione. Léonte, déclare qu’il a  menti mais,  un messager leur apprend la mort de leur petit Mamillius. Hermione  en meurt subitement. Léonte reconnaît enfin son affreuse erreur et fait vœu de ne jamais se remarier avant que Paulina, la suivante d’Hermione ne l’y autorise.

La petite Perdita est déposée sur une côte maritime de Bohême  (sic! William Shakespeare n’a cure  de ce détail). Le  bateau  d’Antigonus  fait naufrage et lui est dévoré par un ours.  Léonte restera donc sans nouvelles de Perdita que des bergers découvrent et  adoptent.
Seize ans passent,  dit le personnage  du Temps en quelques phrases. Perdita est devenue une belle jeune fille, et le prince Florizel, en cachant qu’il est le fils de Polixène, veut  l’épouser. Le  berger, père adoptif de Perdita  est d’accord et prépare une grande fête. Mais Polixène apprend la nouvelle; déguisé, il assiste à la fête mais interdit le mariage.
Camillo, qui rêve depuis longtemps de revoir sa Sicile,  conseille alors à Florizel et Perdita d’y chercher refuge. Mais il va dénoncer leur fuite à Polixène, pour qu’il reçoive l’ordre de les poursuivre et pouvoir ainsi retourner en Sicile). Les bergers qui ont adopté Perdita, ont peur de Polixène et s’embarquent avec elle, et ses bijoux trouvés, il y a seize ans.
Léonte, pleure Hermione. Florizel et Perdita  le rencontrent; ému, le roi leur promet de plaider leur cause auprès de  Polyxène qui arrive. La véritable identité de Perdita est dévoilée, grâce  à des marques de reconnaissance conservés par les bergers.
Paulina les invite à venir admirer chez elle une statue d’Hermione, qu’elle a commandée. Tous sont émerveillés de sa ressemblance avec cette statue. Paulina par magie, la fait bouger la statue… et on voit alors Hermione, embrasser son époux sans un mot, puis bénir Perdita, sa fille perdue et retrouvée.

Il s’agit ici non du texte original (le début de la pièce a fait l’objet de nombreuses coupes, les personnages secondaires ont été éliminés et la suite, qui reste dans l’esprit de Shakespeare, a été assez réécrite et il s’agit donc d’une adaptation  mais revendiquée comme telle. Le premier acte se passe en Bohème, et le deuxième en Sicile, avec moins de personnages que dans le texte initial et de nombreuses musiques (accordéon, guitare, saxo, trompette…)
Remarquablement jouées par les six acteurs, d’abord dans le hall du théâtre puis dans les couloirs, et sur scène. Ils interprètent aussi très bien et joyeusement quelques chansons en italien. La dernière partie se joue dans une sorte de castelet ingénieux pour des comédiens qui deviennent autant de grandes marionnettes.

Philippe Car a conçu son spectacle comme une sorte de fable,  en bravant toute les difficultés qu’il y a, à en rendre l’imaginaire  et le poétique sur un plateau. Le Conte d’Hiver, on le sait, n’a rien d’une pièce facile à monter. Il y a dans cette curieuse mise en scène, de l’excellent, du bon et du pas bon du tout. Excellente, voire parfois excellentissime, le jeu gestuel et la diction des acteurs, comme leur facilité à jouer d’un instrument puis à continuer à incarner avec bonheur un personnage…
Excellents aussi ce personnage du Temps, et ces merveilleux petits bateaux qui voguent sur le haut d’un rideau et  que l’on suit avec gourmandise (ils font penser  à ceux tout blancs, et tout aussi merveilleux, imaginés par Yannis Kokkos pour le fameux Soulier de satin monté par Antoine Vitez), excellente aussi cette sorte de féérie que Philippe Car réussit, avec  trois fois rien, à mettre en place. Excellente aussi à la toute fin, cette belle statue qui va prendre vie.

 Vraiment moins bons : un texte dont on voit vite qu’il a été coupé et trop réécrit, ce qui ne facilite pas toujours l’unité et la compréhension de la fable, et un rythme que le metteur en scène parfois a du mal à tenir, avec des intermèdes musicaux un peu longs.
Et le pas bon du tout ? Une scénographie aux matériaux et aux couleurs approximatifs où on ne circule pas bien, mis à part le petit castelet de la fin avec son rideau brechtien, et des costumes mal dessinés et franchement laids.
  Mis à part ces réserves,  cette «tragi-comédie féérique et musicale» tient ses promesses et le public a longuement applaudi.

 Philippe du Vignal

Théâtre 13/Seine, 30 rue du Chevaleret 75013 Paris. (métro :  Bibliothèque François Mitterrand. T : 01 45 88 62 22.

 

 

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Negua, Zaharrak Berri, Abbadie par le collectif Bilaka

Negua, Zaharrak Berri, Abbadie par le collectif Bilaka

 IMG_3828A l’invitation de Thierry Malandain et de Biarritz-Culture, trois jeunes chorégraphes de Bilaka, pôle de la Fédération de danse basque, se produisent pour la première fois  lors d’un week-end consacrée à cette discipline traditionnelle.
Un spectacle et une procession dans les rues de la ville par la compagnie Maritzuli ont aussi été présentés au public. 

Les chorégraphes, chacun à leur manière, ont travaillé avec une même équipe d’amateurs, spécialisés dans les danses rituelles traditionnelle basques. Quelle que soit leur esthétique, elles possèdent un vocabulaire commun associant farandoles, sauts, maniements de bâtons ou d’épées.  A l’origine, elles étaient interprétées par des hommes dans les villages, donnant lieu à de vraies performances physiques.

 Mathieu Vivier présente avec Negua, un rite de sortie de l’hiver sur une excellente musique originale de Paxkal  Irigoyen, jouée en direct. Le sang maculant le visage des interprètes, les bois de cerf coiffant certains danseurs, et le feu autour duquel ce rituel se développe,  nous rappellent nos racines sauvages. Mais… la transe n’est pas chose facile pour des danseurs plus habitués  aux danses rituelles! Ils sont plus à l’aise dans Zaharrak Berri,  chorégraphié par Gari Otemendi qui décline ici le fandango :  en costumes traditionnels,  en  groupe ou en couple, les interprètes déploient une belle énergie!  Dans cette pièce, une curieuse adaptation, chantée et dansée de Lili Marlen

Aussi surprenante, Abbadie, chorégraphié par Jon Maya et inspirée d’Antoine Abbadie, pilier de la culture basque d’origine irlandaise, mort en 1897. La canne à pommeau remplace ici le bâton  et pantalons à bretelles, capes noires et chapeaux haut-de-forme transforment le plateau en cabaret parisien fin 19 ème siècle. Avec des mouvements précis et un rythme soutenu, grâce au remarquable travail de l’orchestre.
L’ensemble, très chic,  réjouit un public qui adhère pleinement à ces transformations esthétiques. Ces jeunes artistes, grâce à leur engagement personnel et à cette relecture, permettront peut-être à l’avenir la diffusion de la culture basque, afin qu’elle perdure  et rayonne au-delà de sa région.

Jean Couturier

Spectacle vu au Théâtre du Casino de Biarritz le 13 novembre.

Bilaka.com

          

 

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Cry Jailolo par l’EkosDance Compagnie

Cry Jailolo par l’EkosDance Compagnie.

IMG_3836Il faut absolument découvrir ce ballet programmé dans le cadre de la vingtième édition du festival de l’Imaginaire, au musée du Quai Branly. Le chorégraphe indonésien Eko Supriyanto crée ici une pièce pour sept danseurs choisis parmi 350 jeunes artistes de la baie de Jailolo. Avec une chorégraphie s’inspirant de la circulation de bancs de poissons, et une parfaite unité des danseurs, rythmée par le martèlement des pieds au sol. Du groupe, s’échappe parfois un individu qui induit un nouveau mouvement.

Après avoir reculé lentement en  silence, face public, les interprètes se lancent dans une deuxième partie un peu anarchique, qui semble moins maitrisée. Avec une musique, trop présente et moins poétique que leur envoûtant piétinement. Cette séquence n se semble avoir d’autre ambition que le plaisir du geste répétitif.
Les danseurs, en permanente mobilité, sans jamais se toucher, occupent parfaitement la totalité du plateau, par vagues humaines successives.  Avec des lumières qui donnent une belle esthétique à l’ensemble.

 Pour leur première venue à Paris, l’EkosDance Compagnie est heureuse de pouvoir montrer  son travail qui associe danse traditionnelle indonésienne et danse contemporaine: Eko Supriyanto qui a en effet participé à plusieurs créations, comme Le grand Macabre de  Gyögy Ligeti, The Flowering Tree de John Adams, ou Le Roi Lion.
A noter: à l’occasion de cette tournée, est aussi présentée une exposition sur l’archipel des Moluques et une  conférence sera donnée sur les danses martiales dans le monde malais.  

Jean Couturier

Théâtre Claude Lévi-Strauss, Musée du Quai Branly, Paris, du 18 au 27 novembre.

www.quaibranly.fr

www.festivaldelimaginaire.com/

Gens de Séoul 1909 texte et mise en scène d’Oriza Hirata

seoul1909

Gens de Séoul 1909 , texte et mise en scène d’Oriza Hirata

 «Je m’intéresse à la figure d’une famille qui pourrit doucement décrite par Tchekhov ou Thomas Mann», dit Oriza Hirata, quand on lui parle de la genèse de son diptyque. Il y met en scène une famille japonaise dans son quotidien, installée en Corée et le deuxième épisode se situe en 1919, au plus fort de la colonisation japonaise. En 1909, un an avant l’annexion du pays, des accords commerciaux ont permis à des hommes d’affaire nippons de s’installer sur un territoire sous-développé,  avec des perspectives de gains importants.  Nous sommes chez les Shinozaki; il y a le père, sa seconde épouse, son fils, ses deux filles, son frère, des domestiques, japonais et coréens, et un étudiant chargé d’écrire la saga familiale.

Au lieu de l’amoureux d’une des filles, apparaît un magicien qui disparaît… comme par magie. Un mobilier bourgeois,grande table et chaises hautes, occupe tout le plateau: autour, circulent parents, enfants, cousins et employées de maison dans un va-et-vient incessant. Dans cette pièce très morcelée, constituée de courtes séquences, les personnages dialoguent à propos de petits riens : affaires familiales, projets des enfants, préoccupations domestiques… Les bonnes s’activent maîtrisant plus ou moins bien la langue des colons.Tout ce monde replié sur lui-même vit dans une bonne entente de convenances, mais transparaissent, au fil des échanges, conflits, intrigues amoureuses, que le spectateur voit progressivement affleurer. De même, s’insinue un racisme rampant mais plutôt gentillet à l’égard des Coréens. «A l’époque, dit l’auteur. presque tous les Japonais étaient persuadés que cette colonisation était une bonne chose, y compris pour la Corée ».  Où  un séjour pendant ses études lui avait ouvert les yeux sur les exactions de son pays.

Créée en 1989, après les évènements de la place Tienanmen, la chute du mur de Berlin, et la mort de l’empereur Hirohito, Gens de Séoul marque, chez ce jeune écrivain-metteur en scène, les débuts d’une dramaturgie originale qui inscrira son œuvre et sa compagnie Seinendan, dans la nouvelle vague du théâtre japonais. Les allusions à la colonisation en Corée sont feutrées mais, Gens de Séoul aurait été mal reçu au Japon qui demeure encore loin de la reconnaître, et qui se pose davantage comme victime que comme responsable de la guerre.

 En France, au contraire, on peut trouver la critique bien légère. Mais le propos de la pièce n’est pas de traiter directement le sujet. La Corée sert plutôt de toile de fond à une question plus générale : comment une occupation coloniale altère-t-elle les relations ? Au risque, comme le reconnaît Oriza Hirata, que «ses pièces soient considérées comme des œuvres qui justifient la colonisation. » Gens de Séoul a pourtant une vraie valeur universelle: il pourrait s’agir  de n’importe quelle situation coloniale, de l’Algérie aux Indes. Et dans ce chassé-croisé permanent de quelque dix-huit personnages, l’auteur entremêle finement les relations entre Japonais et Coréens, hommes et femmes, parents et enfants, maîtres et domestiques. Mais ici on se perd dans des dialogues abondants, parfois mal relayés par le surtitrage, et on a du mal à saisir les enjeux des conversations entre les personnages, souvent de dos, ou cachés par le mobilier encombrant. Et on en perd alors le fil ténu tendu entre eux .

 Gens de Séoul 1919 nous transporte dix ans plus tard, alors que commencent les premiers soulèvements pour l’indépendance de la Corée. Elle traite le contexte politique de manière tout aussi transversale…
Plusieurs réalisations en langue française ont déjà fait connaître ce diptyque, où l’on pouvait saisir plus facilement les subtilités de ce style si particulier qui peut s’avérer efficace, tant il manie savamment l’art de l’allusion.

Mireille Davidovici

 Le spectacle s’est joué au Théâtre de Gennevilliers  du 11 au 14 novembre.
L’Apostrophe, Cergy Pontoise (95) les 17 et 18 novembre.

Les pièces d’Oriza Hirata sont publiées aux Solitaires Intempestifs

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Scènes de violences conjugales de Gérard Watkins

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Scènes de violences conjugales, texte, mise en scène et scénographie de Gérard Watkins

  Une femme et un homme se rencontrent, dans des circonstances plus ou moins étranges ou ordinaires, aux quelles on trouvera après coup un sens prophétique, « forcément, parti comme ça… ». Ils s‘aiment, se déchirent et se séparent. Mais souvent l’un déchire l’autre, et le détruit.
Le plus intéressant, et le plus prophétique quand s’installe l’échange des premières paroles : un rapport de domination. Lui, appelons-le, Pascal Frontin, vient d’un milieu social plus favorisé. Artiste qui plus est (encore qu’il pratique fort peu…) : cela ajoute à son prestige.
Elle, disons, Annie Bardel, a déjà été pas mal bousculée par la vie. Deux enfants, dont elle n’a pas la garde, de deux pères vite absents. L’arrivée de Pascal dans sa vie est un vrai miracle. Mais tout de suite, il commence à la critiquer, à la “reprendre“.
Arrivent les petites humiliations, le harcèlement, la sape de la personnalité de la jeune femme, puis la brutalité et la violence physique, jusqu’à la torture. Tout cela parce qu’elle n’a pas pu rester seule, tout cela parce que lui a voulu tester à mort le seul pouvoir qui lui reste, à défaut d’en avoir sur sa propre vie, sur quelqu’un de plus fragile. Où l’on voit l’amour, l’idée de l’amour, l’espoir de l’amour flambé par le grand rêve de ne faire qu’un : l’un des deux mange l’autre, le pervers narcissique le détruit, pour être sûr de ne faire qu’un et que cet “un“ soit lui-même.

L’autre couple est plus jeune et, en apparence, appelé à un meilleur destin. Rachida, étudiante en médecine, musulmane en désaccord mais non en guerre avec sa famille, sait ce qu’elle veut, tient tête, avec une sacrée répartie. Liam, perdu dans cette banlieue qu’il ne connaît pas, ayant fui sa petite ville et une enfance fracassée, voudrait à la fois se fondre dans cette fille forte et la fondre à son désir. Même une Rachida peut céder un temps, par amour, jusqu’au coup de trop qui tue leur enfant à naître. Pas d’avenir avec un homme qui tue l’avenir. Elle vivra donc blessée et seule, mais autonome.

Gérard Watkins a écrit, mieux qu’une pièce documentaire, une pièce documentée. Il a interrogé, consulté, écouté, travaillé avec des professionnels de la lutte contre les violences conjugales et de la réparation des femmes qui les ont subies. Policiers, juges, psy, “aidants“ restent hors-champ. Il se concentre sur les deux « cas » qui nous donnent à voir chaque étape de l’emprise, de la destruction de l’un par l’autre.
Mais  il fait œuvre en travaillant sur le langage. Les mots du dominateur rabaissent, blessent, amoindrissent, jusqu’à ce qu’ils servent de justification aux coups et de déni face à la justice ou au thérapeute. Le silence de celle qui prend les coups fait tourner le cercle infernal ; elle en sort enfin quand elle réussit à parler. Watkins cisèle son texte jusqu’à une véritable poésie de l’épure. De l’empathie, sans jugement : à chaque personnage de faire son chemin.

La scénographie fonctionnelle, presque abstraite, interdit tout naturalisme,qui serait ici littéralement obscène. Elle porte avec les percussions de Yuko Oshim-il s’agit bien d’une affaire de coups-l’énergie de jeu des quatre comédiens. Elle les propulse jusqu’à la respiration finale.
Julie Denisse et Daniel Gouhier (le premier couple), Hayet Darwich (Rachida) et Maxime Lévêque (Liam), donnent la même qualité de précision et d’intensité que l’écriture, drôles parfois au début puis de moins en moins, et enfin oppressés jusqu’à l’apnée. Cela fait de ces Scènes de violences conjugales, une tragédie d’aujourd’hui, à la fois positive et lucide, humaine et intelligente.
Chapeau.

Christine Friedel

Théâtre de la Tempête – 01 43 28 36 36 – jusqu’au 11 décembre puis en tournée.

 

 

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Une légère blessure de Laurent Mauvignier

Une légère blessure de Laurent Mauvignier , mise en scène d’Othello Vilgard

 

UNE-LEGERE-BLESSURE_GiovanniCittadiniCesi_055-2000x1333Après Trois Ruptures (voir Le Théâtre du Blog), on retrouve le duo Othello Vilgard/Johanna Nizard,  avec ce monologue écrit par le romancier pour cette comédienne. Une femme fait préparer un dîner à son employée de maison. On situe vite le cadre  bourgeois de l’action.
Un dialogue à sens unique s’établit avec cette «autre femme» qui ne peut évidemment pas se placer sur un pied d’égalité avec sa patronne et qui ne répond pas. Cette domestique d’origine étrangère a fui son pays dans des conditions périlleuses.
Sa patronne l’utilise pour monologuer, la tutoie, et lui parle sans pudeur ni barrières. Et lui pose même des questions sur ses relations intimes avec son mari!

Cette bourgeoise se laisse aussi aller à une confession quand elle évoque ses rapports difficiles avec les hommes et sa sexualité, jusqu’à l’évocation d’une «légère blessure», qui ne l’est pas tant que ça. Dans cette sorte de psychanalyse à ciel ouvert d’une heure,  Johanna Nizard ne cesse presque jamais de parler. Avec un talent manifeste pour capter un public…
On sent ce personnage au bord d’un précipice, avant ce dîner qui réunira sa famille qu’elle aime, autant qu’elle la hait.

Malheureusement, charisme et précision de jeu ne suffisent pas : le texte, très littéraire, passe difficilement au théâtre. Et on reste assez indifférent à cette femme, autant blessée que blessante, parfois même un peu agaçante.
Le metteur en scène s’est concentré sur la direction-plutôt réussie-de son actrice. Johanna Nizard s’agite beaucoup, étale une nappe sur la table, met le couvert, change de robe, se promène en sous-vêtements et s’adresse au public comme à sa domestique…
Procédé un peu simple et sans fantaisie, visant à valoriser le texte et à éviter de trop personnaliser cette femme, pour la rendre universelle.
Cette traversée dans la vie d’une bourgeoise traumatisée confirme malgré tout le talent d’une comédienne qu’on a hâte de revoir.

 Julien Barsan

Théâtre du Rond-Point, Paris jusqu’au 27 novembre. T: 01 44 95 98 21 www.theatredurondpoint.fr

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