Et tâchons d’épuiser la mort dans un baiser

 

Et tâchons d’épuiser la mort dans un baiser, correspondance de Claude Debussy, conception et mise en scène de Marc Lainé

Ce spectacle musical a été créé à partir des extraits de la correspondance de Claude Debussy, mêlés à quelques mélodies  de son opéra inachevé La Chute de la maison Usher, pour un pianiste, deux chanteurs et un acteur: Pauline Sikirdji ou Clémentine Bourgoin, Jean-Gabriel Saint-Martin ou Laurent Deleuil, Nicolas Royez et Thomas Jubert.

 Les extraits de cette correspondance couvrent la dizaine d’années qui ont précédé la mort de Claude Debussy, traduisent son angoisse des affres de la création musicale et d’une maladie qui, diagnostiquée en 1910, le poussait à s’identifier à Roderick Usher. Tourmenté par une mélancolie envahissante, et déchiré par un impossible amour, tel était ce personnage de La Chute de la maison Usher (The Fall of the House of Usher) , une nouvelle fantastique d’Edgar Allan Poe,  parue en 1839, traduite en français, comme la plupart de ses contes, par Charles Baudelaire. L’amour de Claude Debussy pour sa femme Emma, chanteuse accomplie, le renvoie douloureusement à la passion qu’avait Roderick, pour sa sœur Madeline qui souffre de transes cataleptiques. Persuadé que les murs de la maison, pourvus d’un sens maléfique sont capables de l’emmurer.

Claude Debussy partage avec son héros une hyper-acuité des sens et une profonde anxiété. Il en témoigne, comme des  tourments de la création,  dans sa correspondance: il voulait toujours écrire la musique de demain et s’aperçoit, quand elle est écrite, que ce n’est que la musique d’hier ! Mais il partage aussi la souffrance physique avec ses personnages, lui dont la maladie «met les nerfs en triolet »

«Tous ces derniers jours, j’ai beaucoup travaillé à La Chute de la maison Usher… C’est un excellent moyen d’affermir les nerfs contre toute espèce de terreur ; tout de même, il y a des moments où je perds le sentiment exact des choses environnantes ; et si la sœur de Roderick Usher entrait chez moi, je n’en serais pas extrêmement surpris », écrit-il à l’éditeur Jacques Durand, le 18 juin 1908.

 Mise en scène, montage de textes et scénographie rendent compte de la parenté profonde  de Claude Debussy avec les symbolistes. Le texte de la correspondance alterne avec les passages chantés de l’opéra et les mélodies écrites pour les poèmes de Baudelaire Recueillement  et de  Verlaine, Colloque sentimental. Le compositeur prétendait que sa musique jetait un pont avec les autres arts; la mise en scène, le montage textuel et musical de Marc Lainé restitue quelque chose de cette ambition.
Heureux va-et-vient entre les passages les plus savoureux et/ou les plus lyriques de  cette correspondance, les poèmes et la musique. Il faut savoir gré au pianiste et aux deux chanteurs de délivrer la vibrante émotion de cette musique, tout en assumant la présence et le jeu de comédiens.
 Thomas Jubert, issu de l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne, est à la hauteur de l’exigence requise, pour endosser le rôle d’un Debussy souffrant, cheminant d’angoisse en désespoir. Ses lettres le montrent, tour à tour plein de tendresse pour sa femme Emma et leur fille Chouchou, travaillé par le désarroi de cette musique révolutionnaire qui naît de son esprit fiévreux, mais révolté aussi par l’incompréhension du public, hermétique à ses souffrances comme à ses audaces : «On s’obstine autour de moi à ne pas comprendre que je n’ai jamais pu vivre dans la réalité des choses et des gens, écrit-il en 1910 à Jacques Durand, d’où ce besoin invincible d’échapper à moi-même dans des aventures qui paraissent inexplicables… »

 Avec le choix d’une scénographie minimale : juste un praticable faisant office de lit, de table, et d’estrade renforce l’intensité du drame. Et cette petite forme intimiste pour une jauge restreinte, dégage une grande puissance d’émotion…

Michèle Bigot

Le spectacle, créé à la Comédie de Saint-Etienne en 2015, fait l’objet d’une reprise à la Comédie de Valence, en décembre.

 

 

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