Ce ne andiamo

© Elisabeth Carecchio

© Elisabeth Carecchio


Ce ne andiamo per non darvi alter preoccupazioni (Nous partons pour ne plus vous donner de soucis), de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, inspiré par une image du roman Le Justicier d’Athènes de Pétros Márkaris.

Cela se passe  sur plateau nu, juste doté d’une table et de trois chaises qui correspond, pour les créateurs de ce spectacle, à la volonté de faire coïncider l’espace de la représentation avec celui de l’espace réel de la salle de théâtre. “ Nous-même sommes sur scène à la fois performeurs et figures ( dans le cas de Ce Ne andiamo… les quatre retraités grecques.”

On comprend vite qu’il s’agit de déminer le côté naturaliste que peut avoir le théâtre. “Nous ne faisons en sorte que le public participe au travail. Il doit être conduit à combler la vision par son imagination et sa propre expérience”.
 Sur scène deux acteurs et deux actrices habillés de gris. Cette action théâtrale/performance  ne commence pas très bien:  une fois de plus avec cette vieille scie du spectacle contemporain: du théâtre dans le théâtre: “Nous ne savons pas finalement si nous allons pouvoir jouer… »
Dans de longs monologues les quatre personnages parlent avec une certaine tendance à dire non, dans une société où il faut être positif.  Ce qu’on fait les Italiens hier en débarquant Mateo Renzi.

  Puis les choses s’éclairent et les quatre personnages nous parlent de cette triste histoire emblématique de la grave crise socio-économique grecque: le suicide collectif à coup de vodka et d’anxiolytiques de quatre jeunes encore retraitées qui ne veulent pas devenir un poids pour les autres. Elles n’ont que de toutes petites retraites, et pas de famille proche et  «ni enfants ni chiens»;  avec le crise qui sévit dans leur pays, elles elles ne peuvent faire face aux frais de maladie que ne remboursent plus ni l’État ni leurs mutuelles.
Elles vont laisser sur la table de la cuisine leur carte d’identité et un petit papier : « Nous partons pour vous éviter cette charge. Quatre retraitées en moins, cela vous aidera à mieux vivre. »

Donc aucun dispositif scénique autre que cette table et trois chaises pour non pas une incarnation mais une évocation/narration très pudique par les acteurs, de ces femmes désespérées.

Cela fait souvent penser à une sorte de rituel préparatoire à  une mort volontaire; coiffées de perruques féminines, à la fin, les comédiens mettent le médicament, les verres et la bouteille de vodka qui seront tous, comme eux ,enveloppés d’ une gaine de tissu noir élastique.
Tout est ici dans l’économie: quelques gestes, quelques phrases pour dire l’univers de chacune. Pas de vrai dialogue-on est ici parfois à la limite de la didascalie-pas vraiment loin dans cette volonté de dépouillement absolu de la tragédie grecque,  et des  personnages de Sophocle: Ajax, Antigone, Hémon, Eurydice … qui eux aussi se suicideront.

Et cela fonctionne plutôt bien, surtout vers la fin, grâce à de bons acteurs: Anna Amadori, Draia Deflorian, Antonio Tagliarini, Valention Villa,  et une mise en scène exigeante et  rigoureuse qui casse l’idée même de représentation, pour mieux aller au cœur des choses.
Ce qu’avaient aussi tenté de faire avec succès, il y a déjà une cinquantaine d’années, le célèbre Living Theatre de Judith Malina et Julian Beck. Et ne s’interdisant pas au besoin,  de faire naître l’émotion, avec une certaine efficacité. A partir d’une histoire réelle, ou comme ses auteurs le disent “d’une ombre d’histoire sans récit vraiment fort”.

Cela tient presque du théâtre d’intervention fabriqué parfois avec un certain humour pour dire le réel mais avec une grande économie de moyens,  et pour une fois, sans vidéos! Ce qui devient rare! Cette piqûre de rappel sur  les dysfonctionnements de la société actuelle en soixante minutes que peut encore procurer un théâtre intelligent, est loin d’être inutile…

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Odéon/ Ateliers Berthier, rue André Suarès, Paris 17ème, jusqu’au 7 décembre.

CDN Besançon Franche-Comté, du 7 au 9 mars.

CDN Théâtre de Lorient, du 29 mars au 9 avril.
Scène nationale de Châteauvallon le 19 mai.

Le Justicier d’Athènes de Pétros Markaris est publié aux Editions du Seuil.

 

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Archive pour 5 décembre, 2016

Ce ne andiamo

© Elisabeth Carecchio

© Elisabeth Carecchio


Ce ne andiamo per non darvi alter preoccupazioni (Nous partons pour ne plus vous donner de soucis), de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, inspiré par une image du roman Le Justicier d’Athènes de Pétros Márkaris.

Cela se passe  sur plateau nu, juste doté d’une table et de trois chaises qui correspond, pour les créateurs de ce spectacle, à la volonté de faire coïncider l’espace de la représentation avec celui de l’espace réel de la salle de théâtre. “ Nous-même sommes sur scène à la fois performeurs et figures ( dans le cas de Ce Ne andiamo… les quatre retraités grecques.”

On comprend vite qu’il s’agit de déminer le côté naturaliste que peut avoir le théâtre. “Nous ne faisons en sorte que le public participe au travail. Il doit être conduit à combler la vision par son imagination et sa propre expérience”.
 Sur scène deux acteurs et deux actrices habillés de gris. Cette action théâtrale/performance  ne commence pas très bien:  une fois de plus avec cette vieille scie du spectacle contemporain: du théâtre dans le théâtre: “Nous ne savons pas finalement si nous allons pouvoir jouer… »
Dans de longs monologues les quatre personnages parlent avec une certaine tendance à dire non, dans une société où il faut être positif.  Ce qu’on fait les Italiens hier en débarquant Mateo Renzi.

  Puis les choses s’éclairent et les quatre personnages nous parlent de cette triste histoire emblématique de la grave crise socio-économique grecque: le suicide collectif à coup de vodka et d’anxiolytiques de quatre jeunes encore retraitées qui ne veulent pas devenir un poids pour les autres. Elles n’ont que de toutes petites retraites, et pas de famille proche et  «ni enfants ni chiens»;  avec le crise qui sévit dans leur pays, elles elles ne peuvent faire face aux frais de maladie que ne remboursent plus ni l’État ni leurs mutuelles.
Elles vont laisser sur la table de la cuisine leur carte d’identité et un petit papier : « Nous partons pour vous éviter cette charge. Quatre retraitées en moins, cela vous aidera à mieux vivre. »

Donc aucun dispositif scénique autre que cette table et trois chaises pour non pas une incarnation mais une évocation/narration très pudique par les acteurs, de ces femmes désespérées.

Cela fait souvent penser à une sorte de rituel préparatoire à  une mort volontaire; coiffées de perruques féminines, à la fin, les comédiens mettent le médicament, les verres et la bouteille de vodka qui seront tous, comme eux ,enveloppés d’ une gaine de tissu noir élastique.
Tout est ici dans l’économie: quelques gestes, quelques phrases pour dire l’univers de chacune. Pas de vrai dialogue-on est ici parfois à la limite de la didascalie-pas vraiment loin dans cette volonté de dépouillement absolu de la tragédie grecque,  et des  personnages de Sophocle: Ajax, Antigone, Hémon, Eurydice … qui eux aussi se suicideront.

Et cela fonctionne plutôt bien, surtout vers la fin, grâce à de bons acteurs: Anna Amadori, Draia Deflorian, Antonio Tagliarini, Valention Villa,  et une mise en scène exigeante et  rigoureuse qui casse l’idée même de représentation, pour mieux aller au cœur des choses.
Ce qu’avaient aussi tenté de faire avec succès, il y a déjà une cinquantaine d’années, le célèbre Living Theatre de Judith Malina et Julian Beck. Et ne s’interdisant pas au besoin,  de faire naître l’émotion, avec une certaine efficacité. A partir d’une histoire réelle, ou comme ses auteurs le disent “d’une ombre d’histoire sans récit vraiment fort”.

Cela tient presque du théâtre d’intervention fabriqué parfois avec un certain humour pour dire le réel mais avec une grande économie de moyens,  et pour une fois, sans vidéos! Ce qui devient rare! Cette piqûre de rappel sur  les dysfonctionnements de la société actuelle en soixante minutes que peut encore procurer un théâtre intelligent, est loin d’être inutile…

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Odéon/ Ateliers Berthier, rue André Suarès, Paris 17ème, jusqu’au 7 décembre.

CDN Besançon Franche-Comté, du 7 au 9 mars.

CDN Théâtre de Lorient, du 29 mars au 9 avril.
Scène nationale de Châteauvallon le 19 mai.

Le Justicier d’Athènes de Pétros Markaris est publié aux Editions du Seuil.

 

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