Le Rélèvement de l’Occident :blancrougenoir

 

8-dec3

© Koen Bros

Le Rélèvement de l’Occident : blancrougenoir, texte et mise en scène de Natali Broods, Willem de Wolf, Peter Van den Eede 

La compagnie De KOE présente ainsi sa trilogie tricolore : «Dans Blanc, nous portons notre regard/Sur le moment précédent le commencement/Lorsque nous étions encore fondus avec l’univers/et l’environnement. (…) Le Blanc serait un exercice de non commencement (…)». Ils projetteront dans Rouge «l’irrésistible besoin d’être conscients du bonheur», tandis que Noir «est la sortie et l’entrée, le déclin et la renaissance…».

 Deux hommes et  une seule  femme occupent l’espace, dialoguent entre eux ou s’adressent au public, en jouant de cette triangulation. Les comédiens ont travaillé des mois à une version française de ce spectacle créé en néerlandais et y ont réussi : «Jouer dans une autre langue demande une autre bouche, un autre corps, dit Willem de Wolf qui, lui, joue en anglais. Mais il y a une difficulté: il faut du temps pour que le texte descende dans le corps et que l’on puisse être libre sur la scène, sans réfléchir tout le temps.»
 «Pour Willem, c’est particulièrement dur, il ne comprend pas très bien le français, alors il compte parfois pour savoir où on en est», dit Natali Broods. Le mélange français/anglais n’est d’ailleurs pas inintéressant. 

 Avec Blanc, nous, spectateurs, restons dans le non-commencement d’un spectacle. Pendant une bonne heure, les trois compères se demandent par quoi commencer : plusieurs débuts se présentent. Sans perdre de vue la thématique de départ, chacun y va de ses remarques, sur l’homme (et la femme) blanc(he) occidental(e), mettant à bas les modèles proposés, socio-culturels.
  Et à la fin de Blanc,  presque deux heures se sont écoulées, et nous sommes encore au petit déjeuner, au Frühstuck (en allemand, on entend Früh, tôt !) quand enfin ! On passe au Rouge.  Chemin faisant,  les acteurs débitent une foule d’anecdotes censées illustrer leur recherche commune, et le fait d’être ensemble en scène : «De KOE c’est une mentalité, une philosophie : comment nous comportons-nous ensemble sur la scène, pourquoi faisons-nous du théâtre, quelles sont nos motivations (…) »

Construite à la va comme-je-te-pousse, sans autre colonne vertébrale que les trois couleurs, c’est-à-dire trois humeurs, la pièce peut amuser par son audace et son non-conformisme. Les acteurs, fort sympathiques, jouent  leur propre «je », souvent dans l’autodérision.  Sautant du coq à l’âne, ils enfilent des banalités mâtinées de réflexions philosophiques, et se montrent sous leur meilleur ou leur pire jour. Et dans Rouge, ils ironisent avec un certain humour (belge) sur les clichés véhiculés par la société occidentale, notamment par le cinéma américain.

Ces prises de parole confinent souvent au bavardage, et visent sans doute  un comique de répétition et de dérision. Comme si la gageure consistait à occuper le terrain le plus longtemps possible ! Cette suite d’exercices, séduisante au départ, sonne assez vite comme du remplissage! Dans Rouge, heureusement plus tonique, les comédiens portent des costumes de cette couleur et nous entraînent dans le royaume chic des stars hollywoodiennes. Pour conclure cet épisode, ils jouent une parodie mimée d’Antoine et Cléopâtre (la pièce de Shakespeare et le film) et proposent un pastiche grotesque de vieux théâtre amateur qui nous sort de la torpeur…

«Déranger, c’est exactement ce que doit faire le théâtre, s’il veut échapper à sa propre mort. » Tel est le credo de la compagnie De KOE. Pourtant ici, rien de déroutant, et le public se réjouit visiblement des facéties des acteurs, grâce à la belle  connivence qu’ils ont su installer. Mais quatre heures et demi, c’est bien long pour un spectacle qui ne relève rien, sauf le défi de durer ! Et désolée, mais comme d’autres, nous avons profité de l’entracte pour partir…

 Mireille Davidovici

Théâtre de la Bastille, rue de la Roquette Paris XI ème, jusqu’au 17 décembre.

Compagnie De Koe Schildersstraat 9, 2000 Antwerpen, Belgique.

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