Il Cielo non è un fondale

il-cielo-non-e-un-fondale_carecchio_2Il Cielo non è un fondale (Le Ciel n’est pas une toile de fond) de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini

C’est le second spectacle de ces auteurs présenté ici après  Ce non andiamo (voir Le Théâtre du Blog). Depuis quelques saisons déjà, ils ont  accumulé des matériaux pour préparer  cette pièce en flirtant avec les Beaux-Arts:  peinture, land-art, art minimal…
En 2014, il avaient déjà présenté ensemble Il Posto (qui reprend le titre italien, de La Place d’Annie Ernaux), une étude-performance in situ au musée du Novecento à Milan, qui compte environ 400 œuvres: futuristes, spatialisme, transavanguardia et Arte Povera. Ils ont aussi apprécié le travail de Sophie Calle et celui du hollandais Berndnaut Smilde qui recrée un arc-en-ciel aplati, ou des nuages dans la chapelle de la Vierge à Hoorn près d’Amsterdam et à la Saatchi Gallery à Londres, ou encore le  travail du documentariste Nicolò Bassetti, auteur d’une enquête sociologique sur le périphérique de Rome, film primé au dernier festival de Venise.

Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, disent-ils,  ont réfléchi sur les rythmes obsessionnels de la vie contemporaine, sur «l’efficacité hyperactive» qui nous pousse sans cesse à voir, mais nous empêche toujours plus de regarder autour de nous, sans objet immédiat-qui nous prive de simplement contempler. Qu’appelle-t-on habiter ?  S’il est vrai que «nous avons troqué notre vie intérieure contre une vie à l’intérieur», comment nos abris nous laissent-ils penser à ceux qui restent «sous la pluie» ? Comment, sur scène, faire entrer le paysage du dehors, comment les faire dialoguer ? » Soit! Comme dans le précédent spectacle, rien ou si peu sur le plateau, avec comme unique décor, un grand châssis de toile noire noire, un micro sur pied, et côté cour, un gros radiateur en fonte blanc. Et  on retrouve ici les auteurs et deux autres de leurs acteurs, Francesco Alberici et Monica Demuru, perdus dans ce beau mais immense plateau, et munis de ces affreuses verrues sur le visage que sont les micros HF. Grave erreur de scénographie : il aurait mieux valu mettre ensemble  pour ce type de spectacle, comédiens et public dans un plus petit espace.

La note d’intention parle beaucoup d’art et de théâtre contemporain, sur lequel les auteurs dissertent avec une certaine complaisance : «Cette attention à la frontière entre le dedans et le dehors caractérise tous les grands moments de mutations, mais aussi les refondations de l’art scénique. (… ) Mais en réalité la finitude de l’espace théâtral et la précarité de l’action scénique en font un des lieux les plus adaptés pour accueillir l’infini ». Autrement dit, du genre avec toute notre modestie, notre frugalité sur le plateau, vous allez voir ce que vous allez voir… Mais entre cette approche théorique, un poil prétentieuse et le résultat sur le plateau, que voit-on ? A vrai dire, pas vraiment grand-chose de passionnant. De bons acteurs sans doute  qui  nous disent  dans une implacable logorrhée, leur rapport au monde contemporain, en « s’interrogeant la matière du réel à travers l’exploration du rapport entre l’individu et son environnement… »

On aperçoit très fugaces des silhouettes d’exclus, comme une SDF, ou des marginaux : un vendeur à la sauvette de fleurs indien, un aide-cuisinier pakistanais. On évoque aussi la figure de Jack London… Mais bon, cette quête existentielle, et cette réflexion sur le théâtre ne nous apprennent rien, ne font pas vraiment sens et ces quatre vingt minutes paraissent bien longues… Dans leur précédent spectacle,  Ce ne Andiamo, on sentait au moins  la présence réelle d’Athènes, avec en arrière-plan, la crise économique grecque. Mais ici, rien ou si peu, sinon l’influence évidente d’une certain art minimal et conceptuel. Et cela aère les choses; quelques beaux chants d’une des comédiennes.

On nous a aussi demandé, de temps à autre, de fermer les yeux comme dans un jeu de gentil club de vacances, et comme s’il allait y avoir un événement surprenant sur le plateau. Bien entendu, nous avons triché, nous avons vu qu’il ne s’était pas vraiment pas passé grand chose, sinon un déplacement des acteurs ! A la fin, il y a au moins une formidable image : le grand châssis noir s’ouvre et laisse apparaître six radiateurs blancs que les acteurs disposent sur le plateau, belle installation d’art minimal que l’on pourrait voir à la galerie Daniel Templon ou au Centre Georges Pompidou. Mais on la paye d’une bonne heure d’ennui ! John Cage associait happening et nécessité de l’ennui; ici, c’est un peu cela!

En fait, ce spectacle n’aurait jamais dû franchir le  résultat d’un atelier de recherche et être réservé aux professionnels et amis de cette compagnie, mais était-il bien nécessaire de le présenter comme une recherche théâtrale des plus pointues dans un espace qui ne convient absolument pas. Attention, les retours  du public risquent d’être sévères, surtout à 36 € la place, ce genre de chose peu convaincante et du genre branchouille est un coup à faire fuir les abonnés du Théâtre de l’Odéon. Vous, voilà prévenus, allez-y si vous en avez envie mais vous aurez compris que l’on ne ne vous y poussera pas.

Philippe du Vignal

 

Théâtre de l’Odéon/Ateliers Berthier, Paris 17 ème,  jusqu’au 18 décembre.
Théâtre Garonne, Toulouse, les 28 et 29 avril.

 

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Archive pour 12 décembre, 2016

La Gentillesse

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La Gentillesse , écriture de la compagnie Demesten Titi, mise en scène de Christelle Harbonn

 Un texte inspiré des personnages de L’Idiot de Fiodor Dostoïevski et de La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole: soit des êtres hors du commun, avec une douceur confinant à la naïveté et qu’on pourrait dire, frappés d’innocence. Dans l’univers feutré d’une famille bourgeoise, deux héros maladroits vont faire exploser cadres et règles de la bienséance et des relations sociales. En une déflagration, qui  bouleversent la vie et libére les pulsions dissimulées.

Sur le plateau,  une mère et sa fille  figées dans des attitudes prostrées ou mutiques. Dans un coin, un homme et sa seconde fille. Il s’ingénie à démêler une sculpture de filaments colorés. Autoritaire et sûr de lui, il intime sèchement des ordres absurdes. La jeune femme, docile, fait de son mieux. Une « gentille », avec l’attitude du « Ravi » de la crèche mais ce qu’elle suggère à son partenaire, est frappé du sceau du bon sens: elle l’encourage à sortir de son isolement et de son aboulie, et veut lui présenter sa mère, susceptible de lui offrir un emploi. Présentation donc à cette mère raide et inhumaine: commence alors un drame bourgeois incongru, avec des personnages idiots et/ou cruels. Le jeune homme est engagé comme portier.

S’installe progressivement un univers absurde, avec l’arrivée d’un hôte qui ne sait répondre à aucune question. Il ne sait même pas qui il est. Dès qu’on lui pose une question un peu directe, il perd pied, et on le reçoit comme un chien dans un jeu de quilles. Les cinq personnages susurrent des propos fiévreux, insensés ou incongrus. Tout un monde se met en place, entre Dostoïevski et Beckett,  entre loufoque  et saugrenu. Effet renforcé par la scénographie, les lumières et le jeu des comédiens.

Au centre du plateau, une carcasse de divan recouvert d’étoffes, à l’abandon, et surmontée d’un  de sacs plastiques qui, éventrés, arrosent acteurs et accessoires, de sable et autres détritus. Dans un climat Chute de la maison Usher qui ajoute au désarroi des personnages, déchirés entre une gentillesse qui les paralyse et une violence délirante.
Un père mort, une mère égarée et ses deux filles  timides et  haineuses envers elle ! Les comédiens soulignent la violence sous-jacente ou manifeste du texte par un jeu souvent grotesque et outré : tout le monde s’embrasse sur la bouche, se murmure à l’oreille des confidences qui n’en sont pas. Diction caricaturale, et dialogue souvent onirique ou ubuesque: quelques spectateurs quittent la salle…

On a affaire à une écriture de plateau, collective où  les jeux d’expression,  volumes sonores, diction et gestes ont autant d’importance que le pur matériau verbal.  Ainsi, pour l’anniversaire de la fille aînée, la famille prépare un spectacle. Une grosse bête avance sur scène : les membres de la famille, mère en tête,  avancent à la queue leu-leu, recouverts d’un tissu style «nouvel an chinois ».. Puis, chacun sort du ventre de la bête. La mère explique à sa fille qu’ils ont voulu lui offrir comme cadeau, un tableau. Mais, comme ils sont désargentés, ils vont se contenter de le lui décrire; ça hésite entre loufoque et dramatique.La pauvre fille en a pour son argent mais  la «gentille» fait bonne figure, et participe activement à la création du tableau collectif avec une bonne volonté qui cache des desseins criminels : elle rêve de les tuer tous.

Dénonciation des conventions sociales, déclaration de guerre à la famille, assomption du rêve et libération des désirs refoulés, tout y passe… Le public a donc parfois un peu de mal à retrouver ses billes,  et à participer à la cérémonie.
Reste un spectacle d’une rare énergie, avec des tableaux parfois réussis, un remarquable travail collectif et une bonne direction d’acteurs…

Michèle Bigot

Théâtre national de la Criée, Marseille, jusqu’au 15 décembre.

 

Un Centre Dramatique National à Manufacture des Œillets

Inauguration d’un Centre Dramatique National à la Manufacture des Œillets à Ivry

 10 décembre 2016 ! Après  une quinzaine d’années  de négociations, à Ivry-sur-Seine,commune de 59.000 habitants du Val-de-Marne qui fait maintenant partie du Grand Paris, a été enfin installé un Centre Dramatique National, dans une des dernières banlieues avec Malakoff, encore «rouge ».

En 1972, Antoine Vitez s’était installé à Ivry dans une petite salle, le Studio Ledru-Rollin. Il y développera, à un haut niveau, une démarche pédagogique et de création, dans les quartiers, qu’il poursuivra ensuite à Nanterre, avant qu’il ne prenne la direction du Théâtre National de Chaillot, puis de la Comédie- Française. Philippe Adrien lui succèdera à Ivry,  puis Catherine Dasté où pendant sept ans, elle développera aussi une intense activité pédagogique : huit ateliers pour enfants et adolescents, et cinq pour adultes.

 972840-la-manufacture-des-oeillets-a-ivry-sur-seine-pres-de-paris-se-mue-en-theatreAdel Hakim et Élisabeth Chailloux les actuels directeurs qui s’investissent eux aussi beaucoup dans  l’enseignement, s’installent  en 1984 dans les bâtiments existants au Studio qu’ils viennent de quitter et au Théâtre Antoine Vitez qu’ils occupent ponctuellement. La lutte engagée pour aménager  cette Manufacture des Oeillets durera une quinzaine d’années, après de multiples réunions avec la commune d’Ivry, la Région et l’Etat.Autrefois usine de fabrication d’œillets, ce magnifique espace permet à Patrice Chéreau d’y créer en 1998, avec les élèves du Conservatoire, des fragments d’Henry VI et Richard III de William Shakespeare .

Entièrement réaménagé, il rassemblera maintenant sous le même toit les activités de la compagnie:  une pédagogie toujours intense et des créations avec une dominante internationale,  Adel Hakim collaborant régulièrement avec le Théâtre National Palestinien. Élisabeth Chailloux elle  se consacrant à un répertoire plus classique. A l’occasion de ces deux jours ouverts au public, on a pu entendre et voir: d’abord une lecture du texte de Jack London Ce que la vie signifie pour moi par Stanislas Nordey, un concert du Trio Joubran, un cabaret Levin et  L’impromptu d’Ivry, joué par les comédiens amateurs de l’Atelier Théâtral.

Ce nouveau lieu comprend: la Fabrique, un espace modulable de 397 places, le Lanterneau, une salle de répétition et de spectacle de 80 places, l’Atelier qui abrite l’École de théâtre, et la grande Halle pour l’accueil du public, avec bar et librairie. Voisin du Centre d’Art Contemporain d’Ivry et de l’École Supérieure des arts graphiques, ce Centre Dramatique National accueille pour la saison 2016/17, une dizaine de spectacles  pour  la moitié, créés par des metteuses en scène: Julie Timmerman (voir Le Théâtre du Blog), Anne Théron, Blandine Savetier, Élisabeth Chailloux, Maïa Sandoz !

Edith Rappoport

 www.theatre-quartiers-ivry.com

 

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