La Femme rompue de Simone de Beauvoir
La Femme rompue de Simone de Beauvoir, mise en scène d’Hélène Fillières
C’est le réveillon ! Les rues illuminées grouillent de monde, et l’agitation règne avec cris de joie, stress, et bruit… Mais, venus d’un appartement, d’autres cris se font entendre. Ceux d’une femme révoltée. Abandonnée sentimentalement et socialement, elle laisse éclater souffrance et rage.
Cela commence dans l’obscurité sur une musique angoissante de Mako, moment un peu trop long mais qui revient plus justement, à la fin. Sur le sol nu, un lit étroit, recouvert de tissu corail. Seules les lumières d’Eric Soyer accompagneront le voyage intérieur et le déchirement existentiel de cette femme qui sort de la pénombre et se dirige lentement vers ce lit, espace symbolique pour elle, de repos mais aussi d’angoisse, de rêve et volupté, et seule présence à ses côtés: personne n’écoute ni regarde cette femme cassée, mais qui reste forte.
Josiane Balasko, sous la direction fine d’Hélène Fillières, s’empare de Monologue, tiré d’un recueil de nouvelles La Femme rompue (1967). Pour la metteuse en scène, le choix correspondait aussi à une volonté esthétique: «Ce texte est une partition sublime pour une actrice. Cette femme, c’est Josiane Balasko». Jusqu’à la fin, seule en scène, elle retient, pendant une heure vingt, l’attention d’un public très attentif. La blessure se révèle de plus en plus dure, et l’actrice, sensible et dévorante, donne à la souffrance enfouie, avec des cris jetés dans le vide, une beauté et une vérité rares.
Le public vit pleinement le parcours d’une femme au plus profond de son être, démoli mais révolté : «Lucide, trop lucide. Ils n’aiment pas qu’on voie clair en eux, dit-elle, moi je suis vraie, je ne joue pas le jeu, j’arrache les masques.» Les mots de Simone de Beauvoir et la voix de Josiane Balasko qui résonnent dans le lieu mythique du théâtre contemporain qu’est le Théâtre des Bouffes du Nord, nous ont bouleversé.
Elisabeth Naud
Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, 75010 Paris, jusqu’au 31 décembre. T : 01 46 07 34 50.
Le texte de cette pièce est publié aux Editions Gallimard.