Bella Figura,Tar and Feathers, Symphony of Psalms

© Ann Ray | Opéra national de Paris

© Ann Ray | Opéra national de Paris

Bella Figura, Tar and Feathers, Symphony of Psalms, chorégraphies de Jiri Kylian.

On se souvient encore de l’apparition magique au Palais Garnier, en 2001, d’Aurélie Dupont dans cette pièce que nous retrouvons, interprétée aussi par le ballet de l’Opéra, maintenant dirigé par  l’ancienne danseuse-étoile.   Les interprètes doivent ici faire bonne figure «belle figura», et tout est beauté hypnotique : musiques de Pergolese, Vivaldi, Torelli, Lukas Foss, mais aussi costumes de Joke Visser avec, entre autres, de longues jupes à panier au rouge éclatant qui couvrent les jambes des  danseurs et danseuses, tous torse nu, et remarquable création-lumière, avec jeux d’ombres sophistiqués, qui  fait varier les dimensions du cadre de scène ! Ce grand succès de Jiri Kylian, créé en 1995 pour le Nederlands Dans Theater qu’il a quitté en 2004, fascine toujours autant. Une grâce sensuelle habite les interprètes, tous exceptionnels de justesse.

Tar and Feathers (2006) entre aujourd’hui au répertoire de l’Opéra. D’une composition très actuelle, cette pièce révèle la diversité du travail du chorégraphe. À  trois mètres de hauteur, trône un piano sur lequel Tomoko Mukaiyama joue un concerto de Mozart, parasité par des grognements de chiens. Les interprètes se croisent, se perdent, se retrouvent, parfois une danseuse se dresse, en prenant appui sur le dos de deux danseurs qui miment un rugissement animal !

Symphony of Psalms  (1978) entre aussi au répertoire de l’Opéra;  nous l’avions vue au printemps dernier au Bolchoï, à Moscou (voir Le Théâtre du Blog). Avec les mêmes références : prie-Dieu des catholiques sur le sol, tapis de prière des musulmans descendant des cintres. Les danseurs sont d’une grande précision et leurs portés parfaits. Mouvements lents et rapides alternent ici sur la magnifique musique d’Igor Stravinsky. Mais déception : ici, pas d’orchestre ni chœur comme au Bolchoï…

À la fin de son livre Bon qu’à ça, Jiri Kylian, qui aura soixante-dix ans l’an prochain, conclut : «Je pourrai dire ce que la vie signifie pour moi, c’est vivre, ni plus ni moins. Comme un Aborigène. Ou  une calligraphie. Un signe que fait le corps dans l’espace, qui déjà disparaît. Un signe éphémère». Bel exemple d’humilité…

Jean Couturier

Opéra de Paris, Palais Garnier, Paris, jusqu’au 31 décembre.

Operadeparis.fr

 

     

 


Archive pour 19 décembre, 2016

Letter to a Man

Letter to a Man mise en scène de Robert Wilson, Mikhaïl Baryshnikov, d’après le Journal  de Vaslav Nijinski, musique d’Hal Willner, (en anglais et en russe, surtitré  en français)

 Capture d’écran 2016-12-19 à 15.18.11Un véritable mythe : celui Vaslav Nijinski, d’origine polonaise (1889-1950), danseur vedette et chorégraphe de génie des fameux Ballets russes. Le spectacle est la deuxième collaboration avec Bob Wilson de Mikhaïl Baryshnikov, après The old Woman de Daniil Kharms, en 2013  (voir Le Théâtre du Blog). Pas très grand, à soixante-huit ans, il est resté très mince, souple et d’une  belle élégance. Il dirige le Baryshnikov Arts Center qu’il a fondé à New York.

Ici, visage grimé de blanc, en queue de pie et chemise blanche impeccables, il esquisse seulement quelques pas de danse… Mais ce  n’ est pas une incarnation de Vaslav Nijinski mais  des variations très picturales à propos de ce danseur séduisant et à l’ambivalence sexuelle. Vaslav Nijinski avait imaginé pour L’Après-midi d’un faune une chorégraphie révolutionnaire qui fascinera le public et les artistes, dont Auguste Rodin : «Aucun rôle n’a montré Nijinski aussi extraordinaire  (…) Plus de bonds, rien que les attitudes et les gestes d’une animalité à demi-consciente… Il a la beauté de la fresque et de la statuaire antiques… Rien n’est plus saisissant que son élan. » Mais cette création suscita aussi de fortes polémiques, à cause notamment d’un orgasme, évoqué à la  fin du ballet. Terriblement seul à vingt-huit ans, le danseur va écrire ce Journal  en quelques  semaines. Il  est  obsédé par  Serge de Diaghilev dont il avait été l’amant et qu’il considéra ensuite comme son plus grand ennemi mais aussi  par Romola, sa jeune femme. Et enfin par Dieu qu’il voit partout…

Il y a juste cent ans, Nijinski, victime d’hallucinations, sombrait dans le silence et dans une folie mégalomane et mystique. Sa femme tentera de le faire soigner en Suisse, sans succès et elle publiera une première version de la biographie de son mari, avec une introduction de Paul Claudel, deux ans après sa mort à Londres, .

Comme on peut l’imaginer, ce Journal maintenant bien connu, a inspiré des metteurs en scène dont Patrice Chéreau pour une lecture, ou Brigitte Lefevre et Daniel San Pedro (voir Le Théâtre du Blog). Bob Wilson a adapté ce fameux Journal, avec, au centre, et presque tout le temps présent (sauf pour changer de costume),  Mikhail Baryshnikov dont on entend la voix en russe, enregistrée,  comme celles, en anglais de la chorégraphe Lucinda Childs et aussi, semble-t-il, de Bob Wilson. Nous nous souvenons avec émotion de son fameux et bredouillant: «Ladies and gentlemen, ladies and gentle, Llaadies, Llla … qui précédait le spectacle muet de six heures et devenu culte, Le Regard du sourd, il y a quelque quarante ans.

Mais le temps a passé et il y a quelque chose de caricatural dans ce spectacle presque luxueux mais bien peu chargé d’émotion. A la fin, il y a deux cygnes-faux-comme dans le tableau L’Art de la conversation de René Magritte. Comprenne qui pourra…Le texte est sous-titré sur de trop petits écrans, ce qui en rend difficile la lecture.

Cela dit, ces extraits du Journal de Nijinski, en proie déjà une profonde schizophrénie restent émouvants: on sent dans les mots toute la violence et l’angoisse que ressent le danseur qui  abandonnera bientôt et à jamais la scène! Avec des phrases dites plusieurs fois, en russe, en anglais et traduites en français sur l’écran… comme cet exorcisme personnel plusieurs fois répété: «Je ne suis pas le Christ. Je suis Nijinski. (…) Je suis Dieu, je suis Dieu. Je suis tout, la vie et l’infini. Je serai toujours et partout. Si l’on me tuait, je survivrais, parce que je suis tout. Je rejette la mort et me perpétuerai en une vie infinie. Je ne suis pas un comédien, un acteur. Venez et regardez-moi, vous vous apercevrez que j’ai des défauts, que j’en suis criblé mais ils s’effaceront si l’on me vient en aide. (…) « Je n’aime pas la mort, je la veux et, cherchant l’unisson avec ceux qui me devinent, j’aime tous les hommes. Dieu, la vie, et me tiens toujours prêt à agir dans l’intérêt de mon prochain. »

Mais l’ensemble de ce specatcle ne fonctionne pas! Au début, on est impressionné par la silhouette que Bob Wilson a imaginée pour Mikhail Baryshnikov, maquillé de blanc, en habit noir et chemise blanche impeccable. On est très vite déçu ! Il porte au début (on se demande bien pourquoi) mais pas après, une sorte de camisole de force ! Et une bande-son débite entre autres des chansons folk, et on le voit en prière, face à une sorte de vitrail, puis dans un désert de glace. Il y a même une nuée de fumigène qui n’a rien à faire là, et une barre transversale en oblique comme dans son magnifique opéra repris récemment au Châtelet, Einstein on the beach  (voir Le Théâtre du Blog) dans le fond du plateau mais en vidéo !

A la fin, Mikail Baryshnikov disparaît dans les plis d’un petit rideau rouge, sans doute pour rappeler que nous sommes bien au théâtre ! Aucun doute : le spectacle comme toujours chez Bob Wilson, est magistralement réglé, mais sans aucune âme et sec comme une belle mécanique.On a, en fait, la désagréable impression que le metteur en scène a répondu à un travail de commande, sans trop de fatigue et qu’il nous débite, au mètre, des éléments de sa syntaxe scénique dont il s’est si souvent-et trop!-servi : éclairages changeants rouges, bleus, ou verts, ou « cut » blanc, maquillages très expressionnistes avec rehauts de noir, phrases répétées, éléments de sa propre sculpture comme une chaise carrée minimale. Et on s’ennuie un peu. Petit ennui qui n’arrange pas les choses: l’ouverture de scène de l’Espace Cardin étant plus petite que celle du Théâtre de la Ville actuellement en travaux, on voit les techniciens s’affairer en coulisses !

Applaudissements un peu frileux : le public semble n’être pas tout à fait dupe de ce qu’on essaye de lui vendre sous la marque Bob Wilson/Mikail Baryshnikov. Bref, on est loin de la réussite qu’était The old Woman.  Effets pervers de la coproduction ? En tout cas, ce spectacle pas donné:  36€ pour à peine une heure ! reste très décevant! Emmanuel Demarcy-Motta ferait bien de se méfier : ce genre de programmation, même signée de grands noms, n’est pas digne de son théâtre. Et on ne vous conseille vraiment pas d’y aller ; autant relire le Journal de Nijinski…

Philippe du Vignal

Espace Pierre Cardin/Théâtre de la Ville, 3 avenue Gabriel, Paris 8ème. Métro: Concorde. T: : 01.42.66.69.20. Jusqu’au 21 janvier.  (relâche le 24 décembre)

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Roméo et Juliette, chorégraphie d’Angelin Preljocaj

Roméo et Juliette chorégraphie d’Angelin Preljocaj

Rom+®o_5075_web3Ce ballet en trois actes de Sergueï Prokofiev, écrit à partir de la pièce de William Shakespeare connut sa première, en 1940, au Théâtre Kirov à Saint-Pétersbourg.  Le public parisien garde, lui, en mémoire, la chorégraphie de Rudolf Noureev dans les beaux décors et costumes d’Ezio Frigerio et Mauro Pagano, inspirés de la Renaissance italienne.

 Vingt ans après sa création, un autre public redécouvre cette œuvre du répertoire du Ballet Preljocaj.  A l’époque, le choix était un peu audacieux de confier costumes et décor à Enki Bilal, devenu une star de la bande dessinée et des arts graphiques, qui transpose ici l’action dans une cité futuriste, avec chemin de ronde à cour et vigie au centre, lieu qui paraît un peu caricatural aujourd’hui.

La partition électronique de Goran Vejvoda qui accompagne la sublime musique de Prokofiev accentue lourdement l’affrontement entre les deux camps: celui des faibles, dominés, et des forts, dominants. La guerre entre les familles Capulet et  Montaigu devient ici une opposition sociale entre miséreux et miliciens.

Autant les combats entre les hommes sont réalistes, violents et remarquablement réalisés,  avec des corps à corps impressionnants, autant les duos entre Juliette et Roméo sont artificiels, et sans vraie douceur ni tendresse.  Ce parti-pris est assez étonnant! Angelin Preljocaj transforme en effet cette célèbre histoire en une sorte de jeu vidéo électronique, où, dans un monde, selon lui «policé, les libertés individuelles sont proscrites»

La pièce dure une heure et demi! Et interprétée dans un univers sombre par d’excellents danseurs mais qui, la plupart du temps, dansent dans la pénombre… La très belle scène finale entre les deux amoureux témoigne du savoir-faire du chorégraphe: les gestes sont justes et émouvants, mais l’ensemble de la chorégraphie ne soulève pas notre enthousiasme !
Angelin Preljocaj créée ici monde sans espoir, à l’image de la dernière tirade du Prince à la fin de la tragédie de Shakespeare : «Sombre est la paix qu’apporte ce matin, le soleil endeuillé ne montre pas son front. On reparlera de ces choses si tristes: partons! Certains seront punis, d’autres seront pardonnés. Car jamais, il n’y eut pire cortège de malheurs que dans l’histoire de Juliette et de Roméo. »

Jean Couturier

Théâtre National de la Danse de Chaillot, jusqu’au 24 décembre.

www.theatre-chaillot.fr

 

 

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