Une Maison de Poupée d’Henrik Ibsen
Une Maison de poupée d’Henrik Ibsen, traduction de Régis Boyer, adaptation et mise en scène de Philippe Person
À propos de Nora, Georg Groddeck (1866-1934) parle de Nora, cette jeune épouse qui a falsifié une signature pour procurer à son mari gravement dépressif, les moyens d’une guérison et d’une convalescence en Italie. Si son crime est découvert, Nora pense qu’Helmer «prendra sur lui» mais elle devient consciente son incompréhension et le quitte. Pour le psychanalyste allemand : «Nora mène une double vie : l’une avec Helmer et les enfants, l’autre pour elle toute seule, une vie rêvée» : la fierté d’avoir sauvé son mari.
Le dramaturge norvégien, lui, écrit, au moment de l’écriture de sa pièce, jugée plus tard subversive et scandaleuse, « qu’une femme ne peut pas être elle-même dans la société actuelle, exclusivement une société masculine, avec des lois écrites par des hommes … » Le mari choisit le terrain de la loi et estime les faits avec un œil masculin.
Dans ce huis-clos oppressant, la tension progresse ici de façon inéluctable et avec une acuité douloureuse. Philippe Person a écarté du quatuor, le personnage du docteur Rank. Et le public, placé dans un salon à l’ameublement nordique et à l’arbre de Noël illuminé, assiste en ces temps, apparemment festifs, de Noël, au bonheur de cette famille, décuplé par la promotion de l’heureux époux qui va devenir directeur de banque. Par ailleurs, la dette de la jeune femme est juste sur le point d’être remboursée.
Mais s’installe une anxiété déstabilisante avec la venue d’un maître-chanteur, Krogstad, qui menace Nora de tout révéler, si elle ne le soutient pas auprès de son mari qui veut le licencier parce qu’il qui a commis des irrégularités. Même la belle présence de Madame Linde, amie d’enfance qu’Helmer vient d’embaucher pour remplacer Krogstad ne suffit pas à rassurer Nora.
Le danger des aveux s’accélère et les craintes s’accumulent avant que tout ne puisse s’arranger merveilleusement, comme dans un conte. Peut-être… Mais Helmer apprend tout; cette catastrophe blesse la jeune femme mais la révèle à elle-même : «Je ne peux plus me contenter de ce que les gens disent, et de ce qu’il y a dans les livres. Je dois penser par moi-même et tâcher d’y voir clair. » Elle quittera son mari.
La pièce fait office de parcours initiatique jusqu’à l’obtention d’une maturité âcre, enfin atteinte par Nora qui aura joué les «alouettes » ou les «petits oiseaux» pour son mari, Helmer, amusé, et attendri à la fois par l’ingénuité confondante de la mère de ses enfants. Florence Le Corre (Nora) pépie, tremble et danse sur la scène avec grâce, perdant parfois le juste contrôle de sa voix posée. Philippe Person est Krogstad, un homme peu recommandable mais humain. Nathalie Lucas, l’amie de Nora lui apporte une présence réconfortante. Et Philippe Calvario, mari attentif, ouvert et attachant, ne fait référence qu’aux seules et vaines apparences sociales.
Un spectacle convaincant, serré et tendu sur le fil du rasoir…
Véronique Hotte
Théâtre du Lucernaire, jusqu’au 21 janvier, du mardi au samedi à 21h. T : 01 45 44 57 34