Terabak de Kyiv
Terabak de Kyiv, mise en scène de Stéphane Ricordel, composition musicale de Vlad Troitsky et des Dakh Daughters
C’est une création composite avec les Dakh Daughters, six formidables jeunes musiciennes, chanteuses et actrices ukrainiennes qui jouaient une sorte de chœur dans Antigone à la Comédie de Caen. (voir Le Théâtre du Blog). A coup de morceaux de rock et chants traditionnels, avec violoncelles, violons, synthé… Ruslana Khazipova, Tanya Havrylyuk, Solomia Melnyk, Anna Nikitina, Natalia Halanevych et Zo, qui avaient été révélées au Monfort Théâtre en 2014, accompagnent ici des numéros de cirque et de magie.
Installé sous un petit chapiteau jouxtant le Monfort, le spectacle a quelque chose du cabaret et on peut, à prix doux, grignoter salade, fromages, borch, ou boire bière ou un café, en regardant le spectacle.
Mais ici rien de bobo; grâce en soit rendue à leurs directeurs, Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, cofondateur des Arts Sauts, metteur en scène et codirecteur du Monfort qui a mis en scène cet étonnant spectacle. Ils ont su attirer dans ce lieu à l’architecture signée Claude Parent qui n’a rien de sublime, un public jeune, de plus en plus local et fidèle, avec un programme de qualité.
Les Dakh Daughters, héritières au look déjanté mais grandes professionnelles du Dakh, créé il y a plus de vingt ans par Vlad Troitsky, producteur, mécène et réalisateur à Kiev qui a voulu mettre l’accent sur ce que l’on pourrait appeler un certain théâtre total.Il y a d’abord un Monsieur Loyal qui en fait parfois un peu trop mais qui est aussi et surtout champion du monde 2012 de magie… Le grand Yann Frisch que nous avions découvert en 2015 au festival de Briare ( voir Le Théâtre du Blog) fait preuve ici, avec quelques jeux de cartes à jouer, en close-up retransmis sur grand écran, de la même virtuosité avec des numéros aussi incompréhensibles que brillantissimes. Comme si notre rapport à l’objet en devenait, d’un seul coup, profondément modifié.
Côté acrobatie, ce n’est pas mal non plus!, Il y a d’abord Julieta Martin au mât chinois puis Benoît Charp remarquable sur un monocycle et il sait prendre de sacrés risques- sur une trampoline ! Oscar Nova de la Fuente, les jambes repliées, essaye de nous faire croire à sa condition d’homme-tronc, mais on est un peu mal l’aise; il est plus convaincant ensuite aux sangles ; il y a surtout Matias Pilet qui, à partir d’une sorte de passerelle, tombe égaré sur une trampoline pour rebondir après quelque sauts périlleux sur cette même passerelle. Il a quelque chose du grand Buster Keaton dans son impassibilité. Et enfin, un sublime duo de cadre aérien, Daniel Ortiz & Josefina Castro, lui, porteur et elle, voltigeuse. Quelle beauté! Quelle intelligence du corps et quelle exemplaire solidarité !
Un spectacle intelligent et fin, parfois légèrement répétitif mais d’une rare qualité. Loin des variations wilsoniennes esthétisantes ; on sort vraiment heureux de ces quatre vingt dix minutes où les gens n’hésitent pas à se parler sous ce petit chapiteau. Vous avez dit populaire ?
Une belle réussite pour toute l’équipe du Monfort. N’hésitez pas surtout pas. Et on ne vous le dira pas deux fois ni trois fois: dans la pénurie ou la vulgarité de spectacles en cette période de maudites fêtes, ce cabaret vaut le déplacement.
Vous pouvez y emmener sans risques votre vieille nounou mais aussi vos enfants mais pas M. Laurent Wauquiez qui, de toute façon, n’aimerait sans doute pas cela. Il a sans aucune doute d’autres chats à fouetter: « « Si jamais, quand vous tombez malade, cela n’a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ce n’est pas très responsabilisant. Du coup, on a un peu l’impression que la Sécurité sociale est quelque chose sur lequel on peut tirer sans qu’il y ait un impact . »
Philippe du Vignal
Le Monfort 106 Rue Brancion, 75015 Paris. T : 01 56 08 33 88 jusqu’au 14 janvier.
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