Letter to a Man

Letter to a Man mise en scène de Robert Wilson, Mikhaïl Baryshnikov, d’après le Journal  de Vaslav Nijinski, musique d’Hal Willner, (en anglais et en russe, surtitré  en français)

 Capture d’écran 2016-12-19 à 15.18.11Un véritable mythe : celui Vaslav Nijinski, d’origine polonaise (1889-1950), danseur vedette et chorégraphe de génie des fameux Ballets russes. Le spectacle est la deuxième collaboration avec Bob Wilson de Mikhaïl Baryshnikov, après The old Woman de Daniil Kharms, en 2013  (voir Le Théâtre du Blog). Pas très grand, à soixante-huit ans, il est resté très mince, souple et d’une  belle élégance. Il dirige le Baryshnikov Arts Center qu’il a fondé à New York.

Ici, visage grimé de blanc, en queue de pie et chemise blanche impeccables, il esquisse seulement quelques pas de danse… Mais ce  n’ est pas une incarnation de Vaslav Nijinski mais  des variations très picturales à propos de ce danseur séduisant et à l’ambivalence sexuelle. Vaslav Nijinski avait imaginé pour L’Après-midi d’un faune une chorégraphie révolutionnaire qui fascinera le public et les artistes, dont Auguste Rodin : «Aucun rôle n’a montré Nijinski aussi extraordinaire  (…) Plus de bonds, rien que les attitudes et les gestes d’une animalité à demi-consciente… Il a la beauté de la fresque et de la statuaire antiques… Rien n’est plus saisissant que son élan. » Mais cette création suscita aussi de fortes polémiques, à cause notamment d’un orgasme, évoqué à la  fin du ballet. Terriblement seul à vingt-huit ans, le danseur va écrire ce Journal  en quelques  semaines. Il  est  obsédé par  Serge de Diaghilev dont il avait été l’amant et qu’il considéra ensuite comme son plus grand ennemi mais aussi  par Romola, sa jeune femme. Et enfin par Dieu qu’il voit partout…

Il y a juste cent ans, Nijinski, victime d’hallucinations, sombrait dans le silence et dans une folie mégalomane et mystique. Sa femme tentera de le faire soigner en Suisse, sans succès et elle publiera une première version de la biographie de son mari, avec une introduction de Paul Claudel, deux ans après sa mort à Londres, .

Comme on peut l’imaginer, ce Journal maintenant bien connu, a inspiré des metteurs en scène dont Patrice Chéreau pour une lecture, ou Brigitte Lefevre et Daniel San Pedro (voir Le Théâtre du Blog). Bob Wilson a adapté ce fameux Journal, avec, au centre, et presque tout le temps présent (sauf pour changer de costume),  Mikhail Baryshnikov dont on entend la voix en russe, enregistrée,  comme celles, en anglais de la chorégraphe Lucinda Childs et aussi, semble-t-il, de Bob Wilson. Nous nous souvenons avec émotion de son fameux et bredouillant: «Ladies and gentlemen, ladies and gentle, Llaadies, Llla … qui précédait le spectacle muet de six heures et devenu culte, Le Regard du sourd, il y a quelque quarante ans.

Mais le temps a passé et il y a quelque chose de caricatural dans ce spectacle presque luxueux mais bien peu chargé d’émotion. A la fin, il y a deux cygnes-faux-comme dans le tableau L’Art de la conversation de René Magritte. Comprenne qui pourra…Le texte est sous-titré sur de trop petits écrans, ce qui en rend difficile la lecture.

Cela dit, ces extraits du Journal de Nijinski, en proie déjà une profonde schizophrénie restent émouvants: on sent dans les mots toute la violence et l’angoisse que ressent le danseur qui  abandonnera bientôt et à jamais la scène! Avec des phrases dites plusieurs fois, en russe, en anglais et traduites en français sur l’écran… comme cet exorcisme personnel plusieurs fois répété: «Je ne suis pas le Christ. Je suis Nijinski. (…) Je suis Dieu, je suis Dieu. Je suis tout, la vie et l’infini. Je serai toujours et partout. Si l’on me tuait, je survivrais, parce que je suis tout. Je rejette la mort et me perpétuerai en une vie infinie. Je ne suis pas un comédien, un acteur. Venez et regardez-moi, vous vous apercevrez que j’ai des défauts, que j’en suis criblé mais ils s’effaceront si l’on me vient en aide. (…) « Je n’aime pas la mort, je la veux et, cherchant l’unisson avec ceux qui me devinent, j’aime tous les hommes. Dieu, la vie, et me tiens toujours prêt à agir dans l’intérêt de mon prochain. »

Mais l’ensemble de ce specatcle ne fonctionne pas! Au début, on est impressionné par la silhouette que Bob Wilson a imaginée pour Mikhail Baryshnikov, maquillé de blanc, en habit noir et chemise blanche impeccable. On est très vite déçu ! Il porte au début (on se demande bien pourquoi) mais pas après, une sorte de camisole de force ! Et une bande-son débite entre autres des chansons folk, et on le voit en prière, face à une sorte de vitrail, puis dans un désert de glace. Il y a même une nuée de fumigène qui n’a rien à faire là, et une barre transversale en oblique comme dans son magnifique opéra repris récemment au Châtelet, Einstein on the beach  (voir Le Théâtre du Blog) dans le fond du plateau mais en vidéo !

A la fin, Mikail Baryshnikov disparaît dans les plis d’un petit rideau rouge, sans doute pour rappeler que nous sommes bien au théâtre ! Aucun doute : le spectacle comme toujours chez Bob Wilson, est magistralement réglé, mais sans aucune âme et sec comme une belle mécanique.On a, en fait, la désagréable impression que le metteur en scène a répondu à un travail de commande, sans trop de fatigue et qu’il nous débite, au mètre, des éléments de sa syntaxe scénique dont il s’est si souvent-et trop!-servi : éclairages changeants rouges, bleus, ou verts, ou « cut » blanc, maquillages très expressionnistes avec rehauts de noir, phrases répétées, éléments de sa propre sculpture comme une chaise carrée minimale. Et on s’ennuie un peu. Petit ennui qui n’arrange pas les choses: l’ouverture de scène de l’Espace Cardin étant plus petite que celle du Théâtre de la Ville actuellement en travaux, on voit les techniciens s’affairer en coulisses !

Applaudissements un peu frileux : le public semble n’être pas tout à fait dupe de ce qu’on essaye de lui vendre sous la marque Bob Wilson/Mikail Baryshnikov. Bref, on est loin de la réussite qu’était The old Woman.  Effets pervers de la coproduction ? En tout cas, ce spectacle pas donné:  36€ pour à peine une heure ! reste très décevant! Emmanuel Demarcy-Motta ferait bien de se méfier : ce genre de programmation, même signée de grands noms, n’est pas digne de son théâtre. Et on ne vous conseille vraiment pas d’y aller ; autant relire le Journal de Nijinski…

Philippe du Vignal

Espace Pierre Cardin/Théâtre de la Ville, 3 avenue Gabriel, Paris 8ème. Métro: Concorde. T: : 01.42.66.69.20. Jusqu’au 21 janvier.  (relâche le 24 décembre)

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Archive pour décembre, 2016

Roméo et Juliette, chorégraphie d’Angelin Preljocaj

Roméo et Juliette chorégraphie d’Angelin Preljocaj

Rom+®o_5075_web3Ce ballet en trois actes de Sergueï Prokofiev, écrit à partir de la pièce de William Shakespeare connut sa première, en 1940, au Théâtre Kirov à Saint-Pétersbourg.  Le public parisien garde, lui, en mémoire, la chorégraphie de Rudolf Noureev dans les beaux décors et costumes d’Ezio Frigerio et Mauro Pagano, inspirés de la Renaissance italienne.

 Vingt ans après sa création, un autre public redécouvre cette œuvre du répertoire du Ballet Preljocaj.  A l’époque, le choix était un peu audacieux de confier costumes et décor à Enki Bilal, devenu une star de la bande dessinée et des arts graphiques, qui transpose ici l’action dans une cité futuriste, avec chemin de ronde à cour et vigie au centre, lieu qui paraît un peu caricatural aujourd’hui.

La partition électronique de Goran Vejvoda qui accompagne la sublime musique de Prokofiev accentue lourdement l’affrontement entre les deux camps: celui des faibles, dominés, et des forts, dominants. La guerre entre les familles Capulet et  Montaigu devient ici une opposition sociale entre miséreux et miliciens.

Autant les combats entre les hommes sont réalistes, violents et remarquablement réalisés,  avec des corps à corps impressionnants, autant les duos entre Juliette et Roméo sont artificiels, et sans vraie douceur ni tendresse.  Ce parti-pris est assez étonnant! Angelin Preljocaj transforme en effet cette célèbre histoire en une sorte de jeu vidéo électronique, où, dans un monde, selon lui «policé, les libertés individuelles sont proscrites»

La pièce dure une heure et demi! Et interprétée dans un univers sombre par d’excellents danseurs mais qui, la plupart du temps, dansent dans la pénombre… La très belle scène finale entre les deux amoureux témoigne du savoir-faire du chorégraphe: les gestes sont justes et émouvants, mais l’ensemble de la chorégraphie ne soulève pas notre enthousiasme !
Angelin Preljocaj créée ici monde sans espoir, à l’image de la dernière tirade du Prince à la fin de la tragédie de Shakespeare : «Sombre est la paix qu’apporte ce matin, le soleil endeuillé ne montre pas son front. On reparlera de ces choses si tristes: partons! Certains seront punis, d’autres seront pardonnés. Car jamais, il n’y eut pire cortège de malheurs que dans l’histoire de Juliette et de Roméo. »

Jean Couturier

Théâtre National de la Danse de Chaillot, jusqu’au 24 décembre.

www.theatre-chaillot.fr

 

 

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Blanche,tragédie théâtrale pour enfants

Blanche, tragédie théâtrale pour enfants, écriture et mise en scène de Céline Snepf, création musicale et sonore de Frédéric Aubry (à partir de neuf ans)

Céline Schnepf continue à créer un théâtre jeune public qui puisse tisser un lien entre générations.  Blanche clôt un diptyque des forêts, ouvert avec Au Fond du Bois Dormant, inspiré du Petit Poucet. Blanche, est une enfant traquée, au fond des bois, en proie à la méchanceté d’une femme insatiable de beauté, mais qui restera invisible à nos yeux…

Un colosse barbu, assis sur un grand tambourin jonché de feuilles mortes et débris de branches, nous raconte son histoire : il est chargé de tuer une belle jeune fille dont la reine est jalouse. Max Bouvard  joue les trois personnages de cette fable inspirée de Blanche-Neige,  mais dont Céline Snepf s’est habilement écartée.

 On voit ainsi la belle-mère ranger avec soin les abats de la prétendue belle-fille! Elle chante devant son miroir. Le colosse dialogue en racontant les personnages, et creuse un trou en y déposant des chaussures. Blanche sort alors d’une boîte: «Il faut attendre et rêver à plus tard ! » Musiques et  projections vidéo agrandissent cet espace obscur et inquiétant. Mais Blanche finira par triompher…

Ce beau voyage onirique, bien mis en scène par Céline Snepf installée à Besançon, passionne le jeune public qui participe ensuite avec vigueur au débat. Après Philéas, créé en 2009, Le Vol des hirondelles (à partir de un an), Au fond du bois dormant à partir de cinq ans, Blanche est destiné aux plus de neuf ans… dont nous faisons partie.

Edith Rappoport

Spectacle vu au Théâtre de Châtillon le 8 décembre.

Théâtre Gérard Philipe à Frouard, les 2 et 3 février; Le Channel de Calais, les 10 et 11 février; Théâtre du Pilier-Belfort, les 15 et 16 février; Le Grand Kursaal à Besançon, le 23 février; Espace Culturel Grossemy  à Bruay-la-Buissière, les 23 et 24 février.

http://www.unchateauenespagne.com

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Splendeur et lassitude du Capitaine Iwatani Izumi

 

splendeur_20131219tjv_30Splendeur et lassitude du Capitaine Iwatani Izumi, texte et mise en scène de Jean Lambert-wild, traduction d’Akihito Hirano (en japonais surtitré en français)

 On retrouve avec un grand bonheur, le spectacle que nous avions vu en simple filage,  il y a juste trois ans déjà, à Caen (voir Le Théâtre du Blog) quand Jean Lambert-wild était le directeur de la Comédie de Caen,  avant que cette pièce ne parte pour  le Japon.
Un plateau en bois de quatre m2 environ, avec, au-dessus quelques guirlande de lampions, et un mât supportant des hauts-parleurs de métal gris. C’est tout. Comme à Caen, le public est assis sur les trois côtés. Seul, Keita Mishima, habillé d’une tenue kaki militaire sans âge et sans pays, arrive un peu fanfaronnant.
Le capitaine décroche son sabre, et s’installe, avec un grand calme comme pour une sorte de rituel. Avec une maîtrise de la voix et du corps telle qu’ on en voit rarement en France, en particulier dans ce genre de monologue où il faut une exigence et  une concentration de tous les instants. L’acteur japonais a un regard et une gestuelle d’une précision presque envoûtante, si bien qu’on n’a presque plus envie de lire le surtitrage.

 Jean Lambert-wild, a su lui donner comme il y a trois ans  une dimension  à la fois masculine et  féminine au personnage à l’origine, un capitaine français. « Il n’est pas, dit-il, un guerrier brutal mais un esthète fou, perdu. Il est à la fois répugnant et totalement séduisant, du fait simplement qu’il soit un humain (…) C’est un fou de guerre mais c’est surtout un homme perdu. On l’entend  crier avec toute sa fierté de commander:  » Sergent Que tous les hommes se tiennent droits Nous ne sortirons pas de ce trou en rampant Nous ne somme pas des animaux Recroquevillés dans l’adversité Le corps est une mécanique Qui ne tolère pas les courbes ‘…) Que tous les hommes se lavent Qu’ils aient une tenue impeccable  S’ils doivent mourir  Il seront propres On ne s’expose pas au-devant des honneurs et des gloires Si l’on est couvert de boue » .

splendeur6Sur fond d’explosions, coups de feu, et airs militaires mais aussi de courts extraits  d’opéra et de la chanson bien connue d’Edith Piaf, Non, non je ne regrette rien, rendue plus forte encore par l’effet d’éloignement que procurent les paroles en  japonais et le son  approximatif des anciens hauts-parleurs. Chapeau à la conception sonore de Christophe Farion! Il y a aussi les didascalies dites en voix off, qui se finissent par ces cinq mots aussi beaux qu’insoutenables, répétés plusieurs fois: » De la tenue, du maintien ». « Puis de la retenue, du soutien ». Alors que les soldats sont plongés dans la vermine, le sang, la boue et le froid depuis plusieurs mois…

Dans un second temps, on retrouvera  le capitaine  Iwatani Izumi mourant,  puis mort: « C’est indécent, dit-il, le cadavre d’un homme nu Aidez moi Il faut me recouvrir Un couverture  Donnez-moi une couverture ».  Malédiction de la guerre… Le capitaine n’est plus que l’ombre de lui-même quand, un peu ridicule, il apparaîtra, sans son pauvre et ridicule uniforme kaki et juste en slip blanc. Seul, terriblement seul , enfermé dans son petit espace comme dans une taule ou une chambre d’hôpital, il répète avec ce qu’il lui reste de dignité mal placée, et dans un sorte d’exorcisme personnel qu’il sait inefficace : «Ne me secouez pas ! »

En un peu plus d’une heure, Jean Lambert-wild a su, avec une direction d’acteurs d’une exigence absolue,  faire exprimer à  Iwatani Isumi, à la fois le courage, la joie d’être officier et de commander, puis dans un état proche de la dépression absolue, la terrible fatigue mentale et physique et la perte de confiance en lui  qui s’est emparée du pauvre petit officier qui prend conscience qu’il n’a plus la maîtrise de sa destinée.

Le spectacle s’est encore affirmé et nous  restons, comme il y a trois ans, vu la proximité avec l’acteur, fascinés par son visage et par sa voix qui disent tout. Malgré le surtitrage au demeurant très bien fait.
Une grande unité et un jeu des plus virtuoses, fabuleux mais jamais gratuits… mis au service d’un texte écrit par Jean Lambert-wild à dix-sept ans,  et qu’il a depuis plusieurs fois corrigé. Le public de Limoges a bien de la chance de pouvoir s’offrir un spectacle comme celui-ci.

Tiens, une idée pour Emmanuel Demarcy-Motta, directeur du Théâtre de la Ville à Paris: pourquoi ne pas inviter la saison prochaine, ce beau spectacle,aussi simple qu’émouvant au Théâtre des Abbesses dont le plateau est bien assez grand pour contenir un acteur et une centaine de spectateurs… Au lieu de nous infliger  la mise en scène académique et BCBG   de  Letter for a man, avec Mikhail Baryshnikov par Bob Wilson!  Cela ferait le plus grand bien aux Parisiens…

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué du 8 au 15 décembre au Théâtre de l’Union 20, rue des Coopérateurs, Limoges. T : 33(0) 555 79 74 79.

 

Le Grand Trou

 
Le grand trou, texte et mise en scène de Benjamin Abitan, chansons  d’Iannis Plastiras

« Je me souviens du trou. J’ai toujours du mal à parler après un spectacle et je ne suis pas sûre d’avoir tout compris! » On pourrait mettre en exergue, la phrase de ce spectacle à la fois énigmatique et clair, avec des images choc.
Benjamin Abitan, réalisateur d’émissions à France Culture a réuni avec lui une nombreuse équipe: Raffaëlle Bloch, Antoine Dusollier, Thomas Horeau, Barthelémy Meridjen, Aurélie Miermont, Ondine Trajer, Bernard Bloch, et en  vidéo, Aurélia Grigonet et Nathalie Lacroix. Le metteur en scène s’interroge ici sur la politique d’enfouissement des déchets menée par AREVA.

Le grand Trou s’ouvre sur des ordures qui tombent  des cintres: bouteilles, sacs plastiques, boîtes de conserve,  objets au rebut qui s’accumulent dans nos poubelles ou bien souvent jetées dans la rue. Le spectacle est rythmé par une émission sur grand écran où une équipe de scientifiques parle de l’exploration des ressources d’énergie. «Osons casser la coquille de l’avenir, AREVA nous abandonne, ensemble, nous reprendrons le contrôle des stocks (…) Ce qui nous préoccupe, c’est notre avenir. »

Les protagonistes font une prière à AREVA : «Veille sur eux, jusqu’à l’avènement de la grande croissance ! ». Un couple, nu sous une couverture, évoque la contamination des travailleurs et celle des habitants. «L’heure est venue de creuser le grand trou ! ». Un couple de femmes hurle : «Je pense au protocole, je reviens de l’endroit où est tombé le météorite, le trou c’est monstrueux, on a peut-être ce qu’on mérite !  (…) L’amour doit faire mal, il doit creuser quelque chose en nous !».« Maintenant on fait quoi, je veux qu’on me voie telle que je suis », dit une  femme enceinte qui ne veut pas garder son enfant..
Bernard Bloch bardé d’objets a un rôle central et se réincarne à plusieurs reprises: Bernard I, Bernard II, Bernard III, pontifiant et sentencieux, il braille : «Notre démarche est purement documentaire, il y a beaucoup d’invention et de poésie».

Ce centre de stockage de déchets radioactifs est soigneusement déblayé à la fin, pour laisser un plateau intact…

Edith Rappoport

Spectacle vu au Théâtre de l’Echangeur à Bagnolet (Hauts-de-Seine) le 10 décembre.

Suite N°2, conception de l’Encyclopédie de la parole

Suite N°2, conception de l’Encyclopédie de la parole, composition et mise en scène de Joris Lacoste

 21482-encyclopediedelaparole4_c_beaborgers-lightMême si on a déjà vue cette Suite N°2 , on la revoit toujours et encore, avec le plus grand plaisir, malgré quelques variations apparentes. Nous devenons difficiles car nous  nous attendons  à être toujours surpris en mieux par cette ligne scénique éloquente, que forment les cinq comédiens et déclamateurs.

 Une partition tirée au cordeau : silences, pauses, attentes avec les moindres sons qui emplissent le volume du plateau, dans l’évidence d’une vérité. On voit sur un écran, au lointain, les titres de différents événements, avec documentaires et reportages dans le monde qui nous proposent un bruissement immédiat et vivant: un prédicateur dans un stade en Afrique du Sud,  un entraîneur de rugby en France avec l’accent du sud dans les vestiaires, ou une femme à Bogota, pendue vainement à son téléphone pour une histoire de ligne téléphonique coupée, qui n’arrive pas à s’expliquer avec un interlocuteur impuissant à l’aider, le discours monotone d’un ministre de l’économie portugais, un jeune homo aux Etats-Unis qui tente de raisonner sa mère indigne le déshéritant, ou bien encore les dernières minutes de conversation entre un contrôleur aérien et le pilote d’un avion qui va s’écraser au sol.

Ces textes successifs traduits en français, s’enchaînent, se dépassent et se chevauchent… comme le compte-rendu en russe d’un procès,  la parole d’un lycéen anglais qui se révolte contre un monde faillible et qui rêve de le changer… Les performeurs en colère parlent toutes les langues et lancent leurs mots cinglants et stridents, face public; précis comme des percussionnistes, ils jouent avec le son et le rythme, les consonnes et les voyelles, tapent le mot, le répètent, dentales et labiales mêlées.

Cette Suite N°2 convie le public à un concert serré et tendu et sans répit. Ici, le cours de la vie ne suit pas un long fleuve tranquille et on reçoit en pleine figure le souffle des jours…

 Véronique Hotte

Le spectacle a été présenté au Nouveau Théâtre de Montreuil, du 13 au 15 décembre dans le cadre de Mesure pour Mesure/Festival de Théâtre musical qui a eu lieu du 17 novembre au 16 décembre.

 

 

Murs de Jérôme Richer et Abdelwaheb Sefsaf

Murs de Jérôme Richer et Abdelwaheb Sefsaf, mise en scène d’Abdelwaheb Sefsaf

C-Bruno-Amsellem_carrousel_spectacleCe nouveau spectacle de la compagnie Nomade in France, créé à la Comédie de Saint-Etienne qui en a donc eu la primeur, aura sans doute un bel avenir, mais les Stéphanois ont  bénéficié d’une longueur d’avance: il est coproduit par la ville du Chambon-Feugerolles et la compagnie est conventionnée par la région Auvergne-Rhône Alpes. Et Abdelwaheb Sefsaf est aussi un pur produit de l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne; en 2011, il avait joué dans Quand m’embrasseras-tu ? , un des coups de cœur du off d’Avignon. Et la saison dernière, il y avait aussi fait un tabac avec Médina Mérika.

Dans cette nouvelle création, il cultive aussi le rapprochement entre théâtre et musique, et il s’est fait connaître sur la scène musicale, comme leader du groupe Dezoriental en 2004. Depuis, il mène en parallèle sa carrière de comédien et de metteur en scène, et se spécialise dans ce qu’il nomme tragi-comédie musicale. Accents orientaux de sa musique, présence d’un groupe de musiciens sur scène: piano, guitares, percussions, chants et danses, confèrent un rythme soutenu à la composition dramatique du spectacle et en soulignent l’intensité.

Musique, chant et danse composent en effet cette pièce, comme le texte poétique, la lumière et la scénographie. Le metteur en scène vise en effet le spectacle total et parvient à communiquer son énergie et ses puissants affects à un public vite conquis. Rarement théâtre aura été autant communion, au sens strict du terme.  Abdelwaheb Sefsaf s’empare des thèmes les plus brûlants de l’actualité, de manière simple et frontale, sans fausse pudeur, sans euphémisme, mais avec une force de conviction surprenante : quoi de plus urgent pour le monde  actuel que cette question des murs qui se dressent partout (y compris en France) pour séparer les hommes, et reléguer la misère dans des ghettos d’où elle n’est pas censée sortir ? Et quoi de plus difficile à traiter, sans verser dans le documentaire ni le pathos absolu? Comment toucher au plus juste, sans faire de concession sur le fond ?

  Dieudonné Niangouna, avec Nkenguegi, avait su représenter sur un plateau, la tragédie des migrants perdus en Méditerranée. Formidable plasticité du théâtre où tout est à réinventer à chaque fois;  Dieudonné Niangouna et Abdelwaheb Sefsaf ont en commun un intense travail sur la langue, et une confiance totale accordée à la poésie. Mais les tonalités et les formes de leur écriture sont singulières. Là où  le premier mise sur la puissance du tableau et la force évocatrice du verbe,  le second parie sur l’ironie et la musique. Efficacité garantie ! Comme dans la dernière création d’Ariane Mnouchkine (voir Le Théâtre du Blog), qui, elle, joue plutôt sur le grotesque, voire la farce.

Chez cet auteur-metteur en scène, cela fonctionne à plein régime! Pas de temps mort ! Avec une structure audacieuse : montage « cut » et musical, soutenu par la vidéo. Le texte passe du plan général documenté avec énumération de tous les Murs existants, coût et nombre de morts qu’ils ont provoqués, avec images vidéos à l’appui),  au drame intime : un couple mixte se débrouille tant bien que mal avec le racisme ambiant. Le public sourit et sympathise.

Puis arrivent des moments de pure tragédie : un gitan poursuivi par les nazis,  puis expulsé par les autorités suisses, va de camp en prison, s’évade, est repris puis condamné à mort, après une parodie de procès. Le comédien nous propose de partager sa dernière nuit, dans le noir : un moment de grande angoisse, et de grand silence. Ce va-et-vient thématique, est lié par le chant, la danse et la musique instrumentale.

Pas besoin d’intrigue pour faire cohérence. Le mode d’écriture?  Celui de la broderie, et le sobre dispositif scénique varie peu. Avec d’abord, des tables symétriquement disposées, et  à l’arrière-plan,  deux plateaux pour les musiciens. Les comédiens se parlent, chantent et dansent. Côté cour, un homme, et côté jardin, sa femme. Ce couple (elle, juive et lui, musulman)  échange des plaisanteries douces-amères sur la bar mitzvah de leur fils.

Deuxième partie: autour des musiciens, évoluent sur un seul plateau les comédiens.  Sur un sol jonché de toiles plastiques qui donne une idée du no man’s land qui entoure les murs. Rythme, accents musicaux, lumière intense épousent les contours du drame. Mais l’harmonie ici vient de l’  l’humour qui sauve le propos du pathos, qui l’ancre dans le crédible.

Comme dans ce prologue hilarant, où on énonce une série de recommandations : comment réagir en cas d’attaque terroriste ? Sur un écran,  sont projetés des dessins montrent les comportements  requis-en fait, un tissu d’absurdités-donc inutiles, voire grotesques! L’idéologie sécuritaire en prend un coup! Au début, les spectateurs sont tendus, attentifs et dociles.  Ensuite et peu à peu, l’ironie pointe, puis le grand-guignolesque.

Le dramatique se dégonfle alors comme une baudruche. On prend conscience que rien ne saurait nous protéger et on voit que cette surenchère sécuritaire manipule l’opinion et ampute les libertés. La vie de l’esprit reprend alors ses droits et le théâtre remplit sa mission. Sous ses airs modernistes, le théâtre d’Abdelwaheb Sefsaf renoue avec le théâtre grec de la cité  antique : essentiellement politique, il appelle à la réflexion des citoyens pour qu’ils renoncent, ni à la musique, ni à la danse, ni au chant.

En fait, on ne parle pas ici de la politique, mais du politique. Rire et angoisse s’invitent à la fête; on sort de là ragaillardi, et pour un  bon moment !

Michèle Bigot

Spectacle présenté à la Comédie de Saint-Etienne, en décembre.

 

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Paysages intérieurs, mise en scène de Philippe Genty

Paysages intérieurs, conception et mise en scène de Philippe Genty avec la complicité de Mary Underwood, création musicale de René Aubry

 IMG_4491Philippe Genty et sa compagnie qu’il a créée en 1968, a monté, avec divers types de marionnettes, du mime, de la danse, de la musique, des jeux d’ombres et de lumière, des spectacles souvent influencés, au début du moins, par le célèbre Bread and Puppet new yorkais. Et on se souvient dans les années 1980, au Théâtre de la Ville, au Festival d’Avignon ou au Théâtre National de Chaillot de Zygmund Follies, Désir Parade, Passagers clandestins, Dédale, Ligne de fuite, Ne m’oublie pas, Voyageurs immobiles, et plus récemment, Ligne de fuite ou La Fin des Terres.

Toutes ces créations fondés sur un très riche langage visuel, sans aucune parole ou presque, et où le plus souvent un être humain se trouve en conflit avec lui-même et avec ses démons, se sont joués avec un grand succès en France mais aussi dans le monde entier, en particulier au Japon, en Australie et en Amérique latine ! Levez le doigt, les créateurs français ainsi invités …

Paysages intérieurs est dans cette continuité, avec une succession d’images parfois très fortes, et issues du livre qu’il avait écrit sur son parcours personnel : souvenirs, carnets de voyages, notes de travail et photos (voir Le Théâtre du Blog). D’abord sans doute dessinées  puis mises en scène, avec la collaboration de sa chorégraphe Mary Underwoood, ces images portent l’inimitable signature de Philippe Genty: «Des rêves transposés, dit-il, dans un jeu de métaphores qui s’adresse à l’imaginaire et à l’inconscient de chacun». Avec des acteurs, danseurs et manipulateurs exceptionnels, et des personnages/marionnettes et accessoires conçus avec le plus grand soin, à partir de matières le plus souvent sans grand intérêt dans la vie courante, mais qui, magistralement retravaillées, donnent une incomparable force poétique au spectacle.

Première image : un jeune homme étendu, sous un halo de lumière bleue, marionnette vivante, qui essaye de se débarrasser en vain de ses fils. Puis il monte un escalier de quelques marches basculant plusieurs fois sur elles-mêmes, avant de se retrouver, comme par miracle, sur le palier d’une porte bleue suspendue en l’air qui, elle-même, donne sur une autre porte. Du pur René Magritte  à l’état scénique.
Autres images fabuleuses:  des créatures flasques, à mi-chemin entre le végétal et l’animal dont les tentacules sont coiffées de vraies têtes humaines… Le tout sous de belles lumières de Thierry Capéran et sur la musique planante de René Aubry. Ou cette toile de fond où est projetée une explosion suivie d’un incendie qui embrase successivement  et, à deux reprises, comme dans un cauchemar,  trois chalets dans la montagne. Sur le plateau, un homme tient aussi dans une belle mise en abyme, un petit chalet en flammes qui part en fumée…
Il y a aussi des voiles de tulle bleu qui volent au vent où disparaissent, pour reparaître à nouveau, un homme et une femme. Ou encore des fabuleuses créatures extra-terrestres aux grandes mandibules rouges qui avancent dans un espace infini.

Aux meilleurs moments, cette relation métaphysique de l’homme à l’objet, et à aux forces de la nature : vent, océan… fonctionne bien. Et les adultes, comme les enfants qui en ont pourtant sûrement vu d’autres ,en jouant à leurs jeux vidéo, découvrent pourtant avec délices la magie d’un spectacle réalisé avec des moyens techniques simples: soufflerie, changement d’échelle ou ombres portées,  qui doit aussi beaucoup à la fabuleuse imagination d’un poète et à la virtuosité de ses interprètes.

Oui, mais voilà : le spectacle, encore très brut de décoffrage, tient plutôt d’un travail en cours et souffre sans doute de n’avoir pas été assez répété. Début lent et assez approximatif, petites erreurs de régie, longueurs, répétitions, fausse fin, rythme parfois cahotant… Bref, il y a encore ici tout un travail de mise au point à l’horizon! En effet, malgré quelques moments extraordinaires, le compte n’y est pas tout à fait et ces quatre-vingt minutes, trop longues, exigent d’urgence des coupes sans appel de leur créateur, pour obtenir toute la force et la fluidité indispensables à ce merveilleux voyage onirique dans l’inconscient et les paysages intérieurs, à la fois pleins d’humour et terriblement angoissés, que veut nous offrir Philippe Genty…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 13 décembre, au Théâtre des Sablons, 70 avenue du Roule, Neuilly (Hauts-de-Seine).

Paysages intérieurs, autobiographie de Philippe Genty (2013) est publié chez Actes Sud.

 

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Sonnets de William Shakespeare

Les sonnets@Pascal Gély17860Sonnets de William Shakespeare, traduction de Raphaël Meltz et Louise Moaty, conception musicale de Thomas Dunford d’après John Dowland, mise en scène de Louise Moaty

 Dans ces Sonnets, violette, lys, marjolaine, rose épineuse, primevère, églantine et ronce ornent la nature. Fleurs des champs, des prés et des sous-bois s’épanouissent, agrippées à leurs tiges, accordant à la végétation verdoyante des éclats lumineux : pureté des formes et beauté des couleurs…

Ces fleurs exhalent à la fois un parfum et une vie poétique intense : printemps, jeunesse, forces de la vie et fraîcheur toute éphémère. La beauté dure peu mais les considérations sur le temps n’en finissent jamais, et William Shakespeare n’aurait été pas été un si grand poète, s’il n’avait recouru à la Nature, avec  un art et une esthétique issus de la terre meuble, pour évoquer, à côté de la vie et de la mort, le sentiment de l’amour : «Mes jours sans toi sont comme des nuits/ Et mes nuits sont des jours, quand je rêve de toi».  Mais si l’éclat de la jeunesse se fane, il ne sert à rien, pour l’aimé/e qui ne brûle que pour soi, d’ignorer l’amant/e : «Aie pitié du monde, ou la mort viendra/Te dévorer jusque dans ta tombe.» L’amour seul protège du temps le chef-d’œuvre du temps : la beauté de l’être aimé car «L’amour ne dépend pas du temps/ Qui meurtrit les lèvres et les joues». Il échappe à la course des heures et vit jusqu’au dernier jour.

Comédienne et metteuse en scène mais aussi admirable chanteuse et danseuse, Louise Moaty impose sa présence, entre conversation amoureuse et réflexion philosophique, poésie et lyrisme, sur un monceau de terre noire-qui pourrait  être celui d’une tombe-écrasé de mélancolie mais piqueté de fleurs comme autant d’éclats scintillants de couleur. Installation végétale faite de terre et d’eau, fragile muraille démolie par le temps mais laissant surgir des bourgeons prometteurs.

Et ils sont deux, «pour grimper cette colline abrupte» et y échanger leur amour. À côté de la jolie amante/aimée, se tient l’amoureux et amant, le luthiste Thomas Dunford (en alternance avec Romain Fali) et qui a réalisé la musique du spectacle, à partir d’œuvres de John Dowland, contemporain de Shakespeare.

La comédienne esquisse au pied de la petite colline, quelques pas de danse… Et lui, de ses bras, entoure la récitante qui prend aussi un luth; ils interprètent alors une musique de cour pour des paroles d’amour, entre confidences et complicité. L’instrument est comparable au corps de la femme, et le bois qui reçoit les notes légères, adore ce toucher de l’interprète, ce qui rend jaloux le poète :«Donne-lui tes doigts et, à moi, ta bouche ». Heureusement, le luth, symbole de l’harmonie, apaise les âmes fâchées.

Un spectacle délicat, d’une grande qualité poétique et pleinement accompli.

 Véronique Hotte

 Maison de la Culture d’Amiens, jusqu’au 16 décembre.

Théâtre de Caen, les 27, 28 et 29 janvier.

Ultimes Cérémonies de Catherine Zambon

Ultimes Cérémonies de Catherine Zambon, lecture dirigée par Thibault Rossigneux

 Catherine Zambon apprécie les situations d’écritures contraintes ou insolites. En 2008, elle s’était enfermée dans des maisons vides pour écrire Les Z’habitants. Elle aime s’immerger dans des univers méconnus pour les rendre avec plus de réalisme mais, au-delà d’un simple documentaire, la poésie chez elle, reste toujours présente, et elle sait mêler son expérience et  le ressenti avec ce qu’elle côtoie.

 Dans Pièces détachées (2013), elle sonde le monde ouvrier en souffrance. Pour Les Agricoles, en 2014, elle se rend chez des agriculteurs, pour mieux reconstituer la chaîne de l’élevage, de la naissance à l’assiette, en passant par l’abattage. Ultimes Cérémonies répond à une commande de la compagnie Le Sens des Mots dirigée par Thibault Rossigneux. Il s’agit de mettre en présence dans un Binôme, un auteur dramatique et un scientifique, selon une procédure précise.

 Ils se rencontrent une première fois, et  le moment est filmé  au cours de cinquante minutes où ils  font connaissance, et pour que l’auteur(e) comprenne la discipline du scientifique. Il aura ensuite un mois et demi pour écrire un texte à partir de cette rencontre, sans entrer de nouveau en contact avec elle ou lui. Cinquante minutes donc capitales !

Il existe aujourd’hui vingt-neuf Binômes. Avec des auteurs  comme Daniel Danis, Léonore Confino, Gustave Akakpo, Alexandra Badea, David Lescot, Gérard Watkins, Christian Siméon, Elizabeth Mazev…
Les scientifiques, eux, sont biologistes, climatologues,  mathématiciens, spécialistes de génomique, de nano et neuro-sciences, physiciens…

Ultimes Cérémonies commence par le film de la rencontre entre Catherine Zambon et Anne-Virginie Salsac, chargée de recherche en biomécanique des fluides au C.N.R.S qui, très chaleureuse et diserte, montre combien la passionne son travail qui a des applications, au quotidien, de la mécanique des fluides. Par exemple, l’écoulement des liquides,  comme le sang dans le corps.

Catherine Zambon, elle, est très concentrée mais certaines mimiques traduisent (ou trahissent !) une compréhension… partielle. On sent chez elle la volonté de saisir la discipline d’Anne-Virgine Salsac mais surtout son parcours. Confrontation drôle et touchante: chacune faisant des efforts pour aller vers un domaine qui lui est étranger.

Puis, vient le temps de la mise en espace, jouée par Sandrine Lanno, Paola Secret et Thibault Rossigneux. Comme avec Les Agricoles, Catherine Zambon réalise ici un savant mélange entre d’autofiction et de reportage, toujours avec humilité et curiosité. Elle dit  avoir écrit pendant la grève des trains : il n’y avait plus d’essence et une représentation de son spectacle avait été annulée pour cause d’inondations : les fluides étaient plus que contrariés !

Il y a aussi beaucoup d’émotion, quand l’auteure fait parler sa mère, décédée récemment. Un texte drôle et fin montrant les enjeux de cette discipline scientifique et surtout une rencontre entre ces deux femmes. Mais la distribution inégale, et certains choix de mise en scène sont ici contestables (accent italien et chapeau de paille de la mamma!). Difficile de mettre en espace une pièce qui n’est plus seulement un texte lu à la table…

Cette lecture constitue en effet une partie seulement  de cet  excellent projet. La soirée se termine par une vidéo où on voit Anne-Virgine Salsac découvrir le texte et le trouver  très juste. Binôme rapproche deux formes de poésie qui s’ignorent, sous une forme amusante et efficace. (Voir Sourire Chaos dans Le Théâtre du Blog).  Une belle rencontre entre sciences et théâtre !

 

Julien Barsan

 

 Onze Binômes seront présentés du 26 au 28 janvier au Festival Binôme, Carreau du Temple, Paris .T. 01 83 81 93 30

http://www.carreaudutemple.eu/2016/10/14/binome

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