Le Dire de Di, texte et mise en lecture de Michel Ouellette

 

Le DirIMG_0525e de Di, texte et mise en lecture de Michel Ouellette

 

 Des phares alignés en fond de scène nous aveuglent et une voix douce annonce l’arrivée d’une petite tête blonde tout ébouriffée, «Di(ane)», une ado de 16 ans (merveilleuse Céline Bonnier) qui semble sortir lentement de sa boîte noire comme un animal qu’on a enfin libéré. Les phares s’éteignent doucement, elle s’avance, sort de l’ombre, s’approche puis regarde le public furtivement et commence son «dire», en hésitant. Céline Bonnier capte la délicate fragilité de cette jeune fille; elle choisit ses mots, regarde peu son texte puis sa voix va s’affirmer.

On est hypnotisé par les trois couloirs de lumière qui tranchent l’espace au-dessus de sa tête comme un crucifix luisant, signe du grand malheur et du supplice qui va bientôt s’abattre sur la jeune fille. Di, naïve et fraîche, gaie et amoureuse de la nature qui appartient à «la race des in-civilisés humains», est un être profondément ancré dans le miracle de la création, qui nous livre son secret : une belle histoire d’amour avec la terre!

Di se transforme en créature mythique! Un être éternel qui partage son existence, avec tout ce qui vit autour d’elle. La parole de Michel Ouellette est d’abord une sorte de partition où la musicalité de la langue, à la fois populaire et recherchée, devient un jeu de sonorités, avec des moments de respiration, des silences, voir une accumulation de désignations familiales : Makati, Dorémi, Tima, Ine, Paclay, et Mario… Elle nous invite à participer à cette prise de possession de la nature,  comme une plongée dans un monde d’activisme poétique, sorti de la bouche de sa mère car il faut nommer des choses pour leur donner vie.

Sommes-nous dans le panthéon polythéiste d’un peuple animiste? Dans un environnement fondé sur la parole, avec une accumulation de liens rendus mystérieux grâce à la plume de Michel Ouellette? Di retrouve même un lien délicat avec la magnifique mais décevante Peggy Belatus, prospectrice minière et guerrière de la forêt, dont le père représente les grosses machines de destruction!
Bientôt le «dire» prend possession de son jeune corps, découvre les bruits inquiétants de la forêt et surtout le carnage des racines, le ravage des arbres, quand les compagnies forestières font des plaies  à la terre puis la broient, abattent les arbres et laissent leurs carcasses pourrir.

Di, enceinte d’un oiseau, est une magnifique image poétique, comme une fusion entre cette petite créature humaine et les autres espèces du globe. Mais les géants féroces qui font saigner la terre, ne disparaissent pas. Dans le silence de la forêt, Di nous invite à quitter la salle. Ce silence est-il pessimiste, est-ce la confirmation d’une fin qui s’annonce? Di, cherche-t-elle plutôt la solitude dont elle a besoin, puisque Mario, le beau jeune mari de sa mère a « défunté », (clin d’œil à l’écrivain Daniel Danis) ? N’importe. La scène se confond avec la salle, quand le spectacle  nous  aspire dans un monde méconnaissable et troublant!

Un spectacle à l’écriture pleine d’originalité  qui devrait être joué partout.

Alvina Ruprecht

Spectacle du Théâtre français du Centre national des Arts. , vu à la Nouvelle Scène, à Ottawa.

 

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