Les Amoureux de Carlo Goldoni
Les Amoureux de Carlo Goldoni, adaptation et mise en scène de Marco Pisano
Eugénie Pandolfi vit avec sa sœur Flaminia et son oncle Fabrice, un bourgeois qui a perdu de l’argent au jeu. Elle est follement amoureuse de Fulgence, un jeune homme pauvre que son tonton déteste, on ne sait trop bien pourquoi. Sans doute a-t-il d’autres plans…
Il interdit donc à sa nièce de le fréquenter et, pour récupérer l’argent qu’il a gaspillé, veut la marier au riche comte Robert d’Otricoli… Par ailleurs, Eugénie, très jalouse de Fulgence, à cause de la belle-sœur qu’il doit héberger chez lui, ne cesse de l’asticoter.
Bref un amour partagé, évident mais assez destructeur… Fulgence lui aussi est jaloux d’Eugénie, et surtout, petite bombe comme sait en fabriquer Carlo Goldoni, il découvre que le comte veut l’épouser avec, bien entendu l’accord de tonton Fabrice…
Cette pièce mineure de Carlo Goldoni, malgré quelques scènes réussies mais assez répétitives de dépit amoureux, et qui n’a pas les grandes qualités de Barouffe à Chioggia ou de Il Campiello, est assez peu jouée en France. Ici, l’adaptation et la mise en scène de Marco Pisano, d’une exemplaire médiocrité, frisent le plus mauvais théâtre amateur! Décor très laid, fait de cadres et d’un meuble aux fameuses couleurs primaires de Mondrian. Pour faire plus moderne ? Quelle facilité! Quelle naïveté ! Il y a aussi un gros poste de radio qui diffuse des chansons américaines, et aussi quelques chaises des années cinquante. Comme ces robes en coton imprimé et ces jeans. Tout cela sans doute aussi pour bien signifier qu’on n’est pas au XVIIIème siècle ni au XXIème mais dans un passé récent d’après guerre. Bref, on veut faire rétro sans raison aucune. Pauvre Carlo Goldoni !
Mise en scène sans rythme et direction d’acteurs inexistante : tous se regardent jouer à un point que cela en devient vite insupportable. Ils criaillent souvent, sur-jouent, et rient pour essayer-mais en vain-de nous faire rire, ce qui, tous les apprentis-comédiens l’ont appris-est le pire moyen pour y arriver. Et l’acteur qui joue l’oncle Fabrice et un domestique, a une diction… très, très approximative. Tous aux abris !
Que sauver de tout cela? Rien de rien, ce qui est rare! Même pas un dialogue, même pas la fin, et sa redoutable petite chorégraphie…! Même pas non plus, l’affiche, bien vulgaire et laide, ce qui aurait dû nous alerter sur le naufrage programmé de cette brillante chose qui semble avoir été produite par Madame Aphrodite de Lorraine, puisqu’elle parle de nos Amoureux… Cette «actrice et productrice de théâtre et cinéma, » (sic) à la tête d’une société milanaise, joue aussi (mais très mal) dans ces Amoureux! « »J’ai dû devenir producteur pour être actrice », dit-elle. Sans commentaires ! Mais que cette « création » ait réussi à trouver le budget nécessaire pour la location d’une salle et s’offrir des affiches dans le métro représente un mystère théâtral bien parisien, ou milanais, ou les deux !
Le public qui, visiblement, s’ennuyait, n’a ri qu’une fois, et n’a pas, ou peu, applaudi à cette adaptation. Avec raison. Comme l’a dit, à la sortie, une spectatrice lucide à son mari: «Ce n’était vraiment pas bien fameux ! » et lui a répondu : « T’es encore gentille ! ».
La direction du Théâtre Dejazet devrait faire attention à ce qu’il programme ! Bref, une soirée perdue mais, au moins, on vous aura prévenus à temps, et, si cela peut vous épargner l’une des vôtres… nous n’aurons pas subi pour rien ces quatre-vingt minutes de bêtise théâtrale à vomir. On peut espérer que des enseignants, trompés par l’étiquette Goldoni, n’y emmèneront pas leurs élèves; ce serait les dégoûter à tout jamais du théâtre contemporain qui ne les attire déjà pas beaucoup !
Philippe du Vignal
Théâtre Déjazet, 41 Boulevard du Temple 75003 Paris. T : 01 48 87 52 55 jusqu’au 1er avril.