Europe Connexion

Europe connexion d’Alexandra Badea, mis en scène de Matthieu Roy

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Un spectacle bilingue franco-chinois où l’on peut suivre le chemin d’un jeune énarque, ancien assistant parlementaire (il connaît donc la musique des milieu politiques) auprès d’une députée de la commission environnement santé publique et sécurité alimentaire;  il intègre un des plus gros lobbies sur le marché des pesticides. Séduit par les sirènes du « loobying », il va, sans aucun état d’âme, se mettre au service de multinationales qui, grâce à l’agriculture industrielle, fait des bénéfices colossaux  à coup d’engrais, pesticides, herbicides et autres gâteries.

Ce beau jeune homme, pas très sympathique, se souvient de sa grand-mère qui avait son jardin avec son compost bien à elle. Mais il a vite compris que ces temps-là étaient bien révolus: gloire à l’uniformisation céréalière ! Qu’importe la vie des abeilles, le mépris affiché de la terre nourricière, les intoxications subies par les agriculteurs, les obésités et cancers développés par les consommateurs, pourvu que le profit soit au rendez-vous. Avec, au besoin, interdiction faite d’échange de semences pour mieux cadenasser le marché, le monopole devant rester aux multinationales. Grâce à d’efficaces groupes de pression qui mettent tout en œuvre auprès des gouvernements et assemblées parlementaires…

Reste à inventer un argumentaire convaincant où règne la plus subtile mauvaise foi, comme on apprend à le faire aux futurs énarques. Il faut ce qu’il faut et cela, le beau jeune homme sait le faire brillamment, mais tout se paye, et  côté vie privée  moins sa vie privée : sa femme, plus lucide que lui sans doute, le quitte et on le verra, seul dans une chambre d’hôtel, en proie à une terrible dépression.

Scénographie quadri-frontale avec, au centre du plateau, une chambre d’hôtel luxueux-moquette  feutrée et champagne-au très design épuré, avec grand lit et baignoire, et de l’autre côté un salon avec canapé, aussi anonyme et  au même design, tout aussi épuré.  Le public est prié de se coiffer d’un casque lourd et peu confortable pour entendre Chih Wei Tseng, Wei-Lien Wang et Shih-Chun Wang,  (Europe connexion a été créé en octobre  dernier au festival des Arts de Taipei) jouer en mandarin, et Brice Carrois et Johanna Silberstein qui jouent en français. Au cas où vous n’auriez pas compris, on n’arrête pas le progrès!

Scénario simplet et dialogues style téléréalité qui ne sont pas du bois dont fait les flûtes. Quant à la mise en scène, Matthieu Roy a sans doute cru que système audio-visuel pour transmettre  une voix intérieure et scénographie quadri-frontale pour mieux donner à voir les tribulations du héros, rimaient avec avant-garde théâtrale. Que nenni, rien de cela ici!

Mais  comment faire passer ce texte d’Alexandra Badea, qui avait obtenu avec Pulvérisés, le grand Prix de littérature dramatique 2012 ; (voir Le Théâtre du Blog) ? Il aurait pu être écrit en deux jours par un étudiant de Sciences Po disposant de quelques bons dossiers, et ces dix séquences  à la deuxième personne du singulier, avec lesquelles l’écrivaine, si on a bien compris, voudrait placer le public dans la tête du personnage, ne fonctionne pas. Passées les cinq premières minutes, les soixante qui suivent, sont bien longuettes. Et y manque aussi sans doute une petite louche d’humour, ce qui n’est jamais un luxe quand on parle de choses sérieuses…

Moralité, comme disait Frank Capra : «L’écriture du scénario est la partie la plus difficile… la moins comprise, et la moins remarquée ». Ce qui préoccupait aussi beaucoup le grand Alfred Hitchcock. Même combat au théâtre, et là, on est vraiment très loin du compte. Et, comme le disait justement François Truffault, à propos du cinéaste anglais : « Ces artistes de l’anxiété nous aident à mieux nous connaître, ce qui constitue un but fondamental de toute œuvre d’art.”

Mais à l’évidence, ce n’est pas le cas ici, même si le thème de cette pièce, encore une fois nous concerne tous. Donc, aucun remord avant l’oubli… vous pouvez rester au chaud.

Philippe du Vignal.

Théâtre Ouvert, cité Véron, Paris (XVIII ème), jusqu’au 4 février 2017 à 20 h. T: 01 42 55 74 40.
Centre Dramatique de Poitiers du 6 au 10 février. Théâtre de Thouars, le 16 février. Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, du 21 au 25 février.

Salle Jacques Brel,  à Pantin, les 2 et 3 mars. Théâtre du Nord à Lille/Tourcoing, du 16 au 25 mars.

 

 

 

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