Intérieur de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Nâzim Boudjenah

Intérieur de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Nâzim Boudjenah

Intérieur (c) Simon Gosselin, coll. CF_5403

©Simon Gosselin, collection CF

A son tour, Nâzim Boudjenah met en scène cette pièce, promesse troublante d’une maison éclairée et perdue dans la nuit. Avec une précaution infinie,  il crée un esthétisme japonisant qui se mêle à la peinture de Paul Delvaux, comme dans  Skeletons in an office (1944) : ici, la présence surréaliste de la mort flotte aussi, mais à l’extérieur de la maison. Un vieil homme, accompagné d’un étranger, vient de trouver le corps d’une jeune fille noyée et doit annoncer le tragique événement à la famille. A travers les fenêtres de cette maison isolée, ils observent le père et la mère dont le nourrisson dort dans ses bras; leurs deux autres filles participent sereinement à la veillée.

Alors qu’approche le cortège des villageois, le vieil homme ne se résigne pas à pénétrer dans la maison de peur d’en briser l’harmonie: « Je ne savais pas qu’il y eût quelque chose de si triste dans la vie, et qu’elle fît peur à ceux qui la regardent …Ils ont trop de confiance en ce monde… Ils croient que rien n’arrivera parce qu’ils ont fermé la porte et ils ne savent pas qu’il arrive toujours quelque chose dans les âmes, et que le monde ne finit pas aux portes des maisons. »

La «petite vérité» d’effroi qu’il recèle,  les lui fait voir depuis un autre monde. Marie, la petite-fille, surgie du cortège, arrive auprès de son grand-père, et préfère retarder l’annonce de cet événement tragique. Mais Marthe, l’autre petite-fille, s’étonne de ce silence prolongé, un non-engagement avéré de l’adulte qui lui répond «Marthe, Marthe, il y a trop de vie dans ton âme, tu ne peux pas comprendre… »

Pour Nâzim Boudjenah, la pièce convoque la confrontation intérieure «sans cesse repoussée mais sans cesse convoquée » avec la réalité de la mort, avec  une conscience active revisitée toujours qui trie l’essentiel de l’accessoire et n’en finit pas de s’étonner de ce miracle hasardeux d’être au monde et de vivre. Pour servir cette fresque vivante, se sont joints au metteur en scène le scénographe Marc Lainé, le créateur graphique Stephan Zimmerli et Richard Le Bihan, pour ses  dessins animés projetés en vidéo

 Avant d’être de chair, les personnages sont des petites ombres animées venues du lointain d’une estampe japonaise silencieuse, jouant de l’illusion d’optique et de la peinture symboliste, qui offre au public admiratif une géographie inventée, avec une longue rivière sinueuse et miroitante sous le balancement paisible des branches de quelques arbres…

Les silhouettes approchent et les personnages investissent alors le plateau de théâtre. On peut contempler une maison en bois aux lignes pures et claires, avec de larges baies baignées de lumière et un toit de chaume envahi par une végétation bienfaisante. Tout est calme et tranquille, à la manière baudelairienne ; le sombre décor enfantin d’un bois dominé par un paysage de verdure suscite rêves et craintes ; derrière la lumière heureuse entrevue, se tapit l’ombre du malheur. Et entourée d’une Nature consolatrice, l’âme recèle l’intuition existentielle de notre disparition.

 Pour partager ces ondes de vie et de mort, entre le silence tendu des instants et l’oubli salvateur de ces personnages blottis en leur imaginaire, Thierry Hancisse, Anne Kessler, Pierre Hancisse et Anna Cervinka témoignent d’une rare attention au monde, et d’une écoute fort juste du battement des cœurs à l’unisson…

 Véronique Hotte

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Pyramide inversée du Louvre, Paris jusqu’au 5 mars. T : 01 44 58 98 58.

 

 

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