L’Ombre de la baleine de Mikaël Chirinian

 

L’Ombre de la baleine de Mikaël Chirinian, très librement inspiré de Moby Dick d’Herman Melville, mise en scène d’Anne Bouvier

Cet auteur a commencé à être repéré, et La liste de mes envies de Grégoire Delacourt qu’il avait adapté pour la scène, avait connu un beau succès. Ce texte, beaucoup plus personnel, a comme thème, la famille; Mikaël Chirinian y met en parallèle sa propre histoire et celle de Moby Dick : «Je me suis lancé, dit-il, dans l’adaptation de ce morceau de la littérature américaine, comme on part en mer. Quelque chose de surprenant s’est alors produit, plus j’avançais dans l’histoire, plus le regard d’Ismaël m’apparaissait familier ; plus je travaillais, plus je reconnaissais l’obsession et la rage du capitaine Achab à s’évader de sa propre muraille. (…) C’était mon histoire qui se jouait sur ce bateau. En plongeant dans Moby Dick, c’est l’ombre de mon enfance qui est apparue. »

Un récit très personnel où le jeune Mikaël se débat avec sa sœur qui tutoie la folie, alors que leur père passe son temps à regarder des westerns, et que leur mère semble douce mais un peu dépassée. Sans juger ni accuser les siens, il peint ici un tableau du malaise familial. Pour ne pas nous livrer un récit trop brut et surtout prendre du recul, il s’accompagne ici d’une marionnette qui le représente enfant (mais avec la même barbe fournie qu’aujourd’hui !)

Anne Bouvier a axé sa mise en scène sur de nombreux moments où, grâce à cette marionnette qui lévite sur le fond de scène, s’accroche à un mât, à une corde venue des cintres, ou virevolte entre les mains de Mikaël Chirinian qui peut ainsi dialoguer avec lui-même enfant. Mais ces nombreuses manipulations manquent parfois un peu de fluidité et la marionnette plante quelquefois son regard dans celui de Mikaël et, à d’autres moments, a un regard fixe, un peu dans le vague… Seul en scène, le comédien interprète aussi tous les personnages de ce spectacle parfois un peu sur-joué;  ce qu’il aurait mieux fallu éviter, surtout avec un texte dramatique comme celui-ci.

L’évidence du parallèle entre l’histoire de Mikaël Chirinian et celle d’un chasseur de baleines n’apparaît pas clairement, et ce voyage intérieur parle peut-être moins au public qu’à l’auteur, même si Anne Bouvier a conçu une ingénieuse mise en scène avec un simple plancher où des trappes, une fois ouvertes, laissent apparaître une étonnante constellation de pliages de papier bien éclairés; entre origami et livre animé, elles apportent une belle touche de poésie…

Le thème de la famille, on l’a dit, continue-ce qui n’est pas toujours évident-à inspirer les  créateurs de théâtre. Mikaël Chirinian et Anne Bouvier sont pourtant arrivés à créer avec L’Ombre de la baleine, un spectacle à la fois personnel et universel.

Julien Barsan

Théâtre Paris-Villette 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris.T.01 40 03 72 23, jusqu’au 11 février.

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Archive pour 30 janvier, 2017

S’embrasent de Luc Tartar

 

S’embrasent de Luc Tartar

 

tartarL’histoire se passe dans une cour de collège, dont le train-train quotidien va être bouleversé par un événement de la plus haute importance : Latifa, la nouvelle élève a été embrassée par Jonathan, le plus beau des garçons. On apprend aussi que Jonathan cristallise l’attention des filles, des garçons mais aussi du directeur. Et que cette voisine, une vieille dame qui se présente elle-même comme une rescapée de la canicule, observe, connaît chaque enfant, et laisse des préservatifs à disposition sur le rebord de sa fenêtre.

C’est un récit sur l’amour, dans le microcosme de l’école. Luc Tartar aborde un sujet aussi universel que banal; pourtant S’embrasent est un texte tendre et rafraîchissant sur l’amour où se développe une vraie poésie. «Ce qui m’intéresse avant tout, dit-il, dans l’émoi amoureux, c’est l’envahissement des sens, des corps, c’est l’énergie qui circule entre les êtres et qui agit forcément sur l’équilibre intérieur des personnes. Tomber amoureux, (…) c’est bousculer, heurter, et, in fine remettre en cause l’ordre établi (…) L’amour est un vertige qui nous fait avancer. Je pense à la sculpture d’Alberto Giacometti, L’homme qui marche. »

Deux jeunes filles et deux garçons jouent en alternance les séquences. Et au début, une grand-mère traverse le plateau de cour à jardin, de manière un peu fantomatique, puis s’incarne peu à peu, sur un sol marqué par des lignes comme dans les gymnases, et que la lumière viendra surligner. En fond de scène, un tableau noir qui sera rempli de paroles. La mise en scène d’Éric Jean colle bien avec cette fougue de la jeunesse, et ses comédiens, tous justes, ne tombent  pas dans l’imitation des enfants qu’ils sont censés être.  Sur de nombreuses musiques, avec, entre autres, La belle Histoire de Michel Fugain et Where do I begin, un délicieux play-back où la vieille dame qui se prend pour Shirley Bassey-des lumières changeantes rendent compte de cet état de sidération où plonge  les amis de Jonathan et Latifa.

Pour le spectateur, c’est donc comme devenir amoureux, il en prend plein les yeux et les oreilles, ça bouge de partout, et la pièce est bien rythmée: Luc Tartar possède une belle écriture et se révèle être un excellent dialoguiste. Un beau moment de spectacle très frais que nous offre le Théâtre Bluff, venu du Québec pour quelques dates en France. Bravo et merci au Théâtre Paris-Villette de nous avoir offert cette pépite. Une petite heure qui nous replonge dans l’adolescence et les premières amours…

Julien Barsan

Spectacle vu au Théâtre Paris-Villette. Treize Arches de Brive, le jeudi 2 février. T : 05 55 24 62 22.

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